L. 407.  >
À Hugues II de Salins,
le 13 juillet 1655

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 13 juillet 1655

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(Consulté le 12/10/2024)

 

Monsieur, [a][1]

J’ai, Dieu merci, reçu la vôtre avec réjouissance, pour laquelle je vous remercie, aussi bien que des deux papiers qui étaient dedans, dont il n’y en a qu’un qui vienne de moi, qui est celui contre Alstedius. [2] Pour l’autre, je l’ai tout lu, mais il n’est pas mien, même il y a des auteurs que je n’entends point ; [1] il est pourtant bon en plusieurs endroits. Je pensais que mademoiselle votre femme [3] fût de Beaune même. Vous a-t-elle fait un garçon, quel nom a-t-il ?

Francesci Porti Decas medica [4] est un fort bon livre pour les scolies qui y sont en prose. [2] Ex posterioribus Græcis optimus est Areteus, ceteri possunt negligi tamquam simiæ Galeni. Celsus est author purissimæ latinitatis ; multa desumpsit ex Hipp., sed numquam fecit Medicinam ; ut pote qui Medicus non fuit, at Sophista ; de multis aliis rebus et artibus scripsebat, teste Quintiliano[3][5][6][7] Il y a quelque chose de bon dans les trois premiers livres de Celse que vous pouvez lire sans commentaire ; ubi de morbis[4] Galien [8] et Fernel [9] ont bien mieux débuté que lui.

Iulii Cæs. Scaligeri libri Poetices [10] est de Genève in‑8o et in‑fo, je l’ai céans des deux façons, il est très bon. C’est un auteur qui peut entrer en comparaison et certare cum veteribus in illo opere[5] Il met partout le doigt sur les difficultés plus notables des poètes et est admirable au jugement qu’il en fait dans le sixième livre.

Il y a deux Du Moulin, Charles et Pierre. Charles [11] était un savant, hardi et fameux avocat à Paris il y a cent ans qui a écrit adversus parvas datas, etc[6] L’autre est Pierre, [12] ministre de Sedan [13] âgé de 84 ans, encore vivant, qui multa scripsit[7] Les papes les ont tous deux haïs quia moverunt Camarinam[8][14] Tout ce qu’ils ont fait tous deux est fort bon, principalement le ministre : La Nouveauté du papisme, L’Accomplissement des prophéties, sa Philosophie, Vates, Hyperaspistes, ses Sermons, etc., [9] bref, tout ce qu’il a fait. On a ici imprimé depuis deux ans la vie de Charles Du Moulin en un petit volume in‑4o, elle est fort gentille et de bonne main, savoir de feu M. Brodeau, [15] avocat en Parlement[10]

Le Symmachus [16] est un bon auteur, grand homme d’État et plâtreur d’affaires à ce que dit le P. Garasse ; [17] mais son latin n’est point bon, son style est africain, rude et scabreux. [18] Ce M. Juret, [19] fils du greffier du parlement de Dijon, [20] était un habile homme. Voyez votre Symmachus, lib. x, epistola 54, pag. mihi 289[11] c’est là qu’il dit en parlant de la religion Uno itinere non potest perveniri ad tam grande secretum[12][21]

Denis Lambin [22] était un fort savant homme, professeur du roi à Paris. Tout ce qu’il a fait est fort bon : Scaliger a dit quelque part que son Horace laborat mole commentariorum[13][23] Le meilleur Horace est celui de Gualterus Chabotius [24] in‑fo. C’était un savant Poitevin huguenot [25] qui s’en alla demeurer à Bâle, [26] son livre est imprimé à Bâle. [14] Le meilleur commentaire sur Juvénal est de Eilhardus Lubinus ; [15][27] sur Plaute [28] est de Fredericus Taubmannus [29] in‑4o ; sur Virgile, La Cerda [30] jésuite espagnol, en trois volumes in‑fo[16]

L’Epitome de Sennert [31] in‑fo est d’Avignon et ne vaut rien. Lisez Sennertus hardiment et l’abrégez vous-même, c’est un auteur digne de louange et qui a bien mérité de la postérité par le grand soin qu’il a eu de tout compiler et de réduire toute la médecine à tant de lieux communs. Dans deux mois, nous l’aurons en deux volumes in‑fo de Lyon, de lettre plus petite que par ci-devant, mais qui sera bon et le meilleur de tous. [17]

Je baise très humblement les mains, et vous prie bien fort de le leur dire, à mademoiselle votre femme, à monsieur votre père et à monsieur votre frère.

Tous les recueils de consultations de médecine ne sont pas bons. [32] Entre les bons, je mets des premiers ceux de Baillou, [33] Trincavel, [34] Montanus, [35] Mercurial, [36] Scholzius. [18][37] Ces derniers ne sont point mauvais, je les ai autrefois lus tous entiers, mais il les faut choisir car il y en a de bien chétifs et où il y a bien des fautes.

Vous n’avez donc que le premier livre de M. Guillemeau, [38] lequel est intitulé Cani miuro fustis ; il y en a encore deux autres sur la même querelle, dont l’un s’appelle Defensio altera et l’autre Margarita e stercilinio. Adressez-moi quelqu’un à qui je les puisse délivrer avec le Rabat-joie de l’antimoine [39] qu’a fait M. Perreau, qui est in‑4o d’environ 50 feuilles, que vous trouverez beau et agréable à lire, et qui même vous détrompera puissamment de toutes les fourberies des antimoniaux. [19]

Il est mort à Angers [40] un médecin, nommé Gueliné. [41] Il avait joué et perdu son argent ; de regret de sa perte il n’en pouvait dormir, il prit de l’opium [42] et dort encore : [43] Cave canem, voyez Hofmannus [44] lib. de Medicamentis officinalibus, pag. 529[20]

M. Guillemeau travaille présentement à son livre contre l’antimoine en latin qui sera opus palmarium ; [21] et puis après, il nous donnera une Histoire latine depuis l’an 1610 jusqu’à l’an 1632, qui est le temps qu’il a demeuré à la cour. Il a encore dessein de faire imprimer quelque autre chose bientôt qui sera sa thèse [45] de Methodo medendi Hippocratica avec sa préface et ses annotations, toutes latines ; ce qui n’a pas encore été fait et qui sera fort bon. [22]

J’ai ici été consulté par un avocat de Beaune nommé M. de La Curne, [23][46][47] je vous prie de me mander qui est son médecin ordinaire.

Le roi, [48] la reine, [49] le Mazarin [50] sont à Soissons. [51] Landrecies [52] est serrée de près et sera bientôt prise si le prince de Condé [53] n’y trouve quelque remède extraordinaire. [24]

M. Riolan [54] s’en va faire imprimer un livre contre Pecquet, [55] qui sera gentil. Il est si aise d’avoir eu assez de santé pour le pouvoir achever qu’il en rajeunit. Cela nous viendra en son temps et autre chose pareillement. [25]

J’ai enfin achevé mes leçons publiques du Collège royal [56][57] au grand regret de mes écoliers, auxquels pour consolation j’ai promis de recommencer le mois de novembre prochain et que je m’en vais leur faire de bonnes leçons dans le temps qui me restera.

On imprime à Genève les œuvres de Paracelse [58] in‑fo et pour contrepoison, l’Hippocrate de Foesius. [26][59][60] Il y a bien de la peste en Hollande. [61]

On attend ici de certaines nouvelles de la prise de Landrecies que l’on tient infaillible si le prince de Condé n’a donné dans les lignes, [27] ce qui n’est pas ordinaire aux Espagnols. Je me recommande à vos bonnes grâces et à mademoiselle votre femme, à monsieur votre père et à monsieur votre frère, et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 13e de juillet 1655.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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