Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-1, note 11.
Note [11]

L’Esprit de Guy Patin relevait ici les propos contradictoires de deux auteurs grecs de l’Antiquité.

  1. Strabon, {a} Géographie, livre xiii‑1, chapitre 54 (traduction d’Amédée Tardieu, 1909) :

    « On sait, en effet, qu’Aristote, en laissant à Théophraste son école, {b} lui avait laissé tous ses livres ; or il avait été le premier, à notre connaissance, à faire ce qu’on appelle une collection de livres, en même temps qu’il donnait aux rois d’Égypte l’idée de former leur bibliothèque. Des mains de Théophraste, ladite collection passa à celles de Nélée, qui, l’ayant transportée à Scepsis, {c} la laissa à ses héritiers ; mais ceux-ci étaient des gens grossiers, illettrés, qui se contentèrent de la garder enfermée, sans prendre la peine de la ranger. Ils se hâtèrent même, quand ils apprirent avec quel zèle les princes de la famille des Attales, dans le royaume desquels Scepsis était comprise, faisaient chercher les livres de toute nature pour en composer la bibliothèque de Pergame, de creuser un trou en terre et d’y cacher leur trésor. Aussi ces livres étaient-ils tout gâtés par l’humidité et tout mangés aux vers, quand plus tard les descendants de Nélée vendirent à Apellicôn de Téos, {d} pour une somme considérable, la collection d’Aristote, augmentée de celle de Théophraste. »


    1. Au ier s. av. J.‑C., v. note [5], lettre 977.

    2. V. notes [15], lettre 80, pour Aristote (ive s. av. J.‑C.), et [7], lettre 115, pour Théophraste d’Érèse, son neveu et disciple.

    3. Nélée de Scepsis (en Mysie), philosophe grec, fut disciple et héritier d’Aristote et de Théophraste.

    4. Apellicôn de Téos (en Ionie, près d’Éphèse), bibliophile grec du iie s. av. J.‑C., établit une bibliothèque à Athènes, que Sylla (v. note [14] du Bornoniana 5 manuscrit) transporta à Rome.

  2. Athénée de Naucratis, {a} Déipnosophistes (Banquet des sages), livre i, chapitre 4 (traduction de M. Lefebvre de Villebrune, 1889) :

    « Larensius {b} avait un si grand nombre d’anciens livres grecs qu’on ne peut mettre en parallèle avec lui aucun de ceux qui ont pris tant de peine pour former les plus fameuses bibliothèques de l’Antiquité, tels que Polycrate de Samos, Pisistrate, tyran d’Athènes, {c} Euclide l’Athénien, Nicocrate de Chypre, les rois de Pergame, le poète Euripide, {d} le philosophe Aristote, Théophraste, Nélée, qui devint possesseur des bibliothèques de ces deux derniers, et dont les descendants les vendirent à Ptolémée Philadelphe, {e} roi de ma patrie, dit Athénée. {f} Ce prince les fit transporter dans sa belle bibliothèque d’Alexandrie, {g} avec les livres qu’il acheta à Rhodes et à Athènes. Ainsi nous pouvons appliquer à Larensius ces deux vers d’Antiphane : “ Il est sans cesse avec les Muses et les livres ; car c’est là qu’on doit chercher le vrai but de la sagesse. ” Ou l’on dirait de lui avec Pindare : “ Il goûtait autant de plaisir dans le parterre des Muses, que nous à nous divertir souvent à une bonne table avec nos amis. ” » {h}


    1. Au ieriie s. de notre ère, v. note [17], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657.

    2. Le riche et érudit hôte romain, fictif ou réel, du banquet décrit par Athénée.

    3. Polycrate, tyran de l’île de Samos au vie s. av. J.‑C., était contemporain de Pisistrate, tyran d’Athènes.

    4. Euclide (Ευκλειδης) fut archonte d’Athènes au tout début du ive s. av. J.‑C. Aucun des commentateurs d’Athénée que j’ai consultés n’a identifié Nicocrate (Νικοκρατης) de Chypre. V. note [16], lettre 290 pour Euripide (ve s. av. J.‑C.).

    5. Pharaon du iiie s. av. J.‑C., v. note [37] du Grotiana 2.

    6. Athénée relate une conversation de table à laquelle il participe et parle de lui à la troisième personne.

    7. V. note [9], lettre 453.

    8. V. note [3], lettre 530, pour Pindare, poète grec du ve s. av. J.‑C.

Voilà deux citations qui auraient pu faire le miel de Guy Patin, grand bibliomane fort imbu de sa riche bibliothèque. Cet article du Faux Patiniana ne vient pourtant pas de lui. Sa substance se lit dans la note D de Bayle sur le grammairien grec Tyrannion (édition de Bâle, 1702, tome 3, page 2895) :

« Voilà deux choses en quoi Athénée est contraire à Strabon. Ce dernier assure qu’Aristote est le premier qui ait fait une bibliothèque, et qu’il enseigna aux rois d’Égypte l’art d’en dresser une. Athénée nomme bien des gens qui ont amassé beaucoup de livres avant Aristote. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-1, note 11.

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(Consulté le 20/04/2024)

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