L. 34.  >
À Claude II Belin,
le 26 mai 1637

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 26 mai 1637

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0034

(Consulté le 19/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie avec toute affection de vos beaux présents, savoir des deux thèses [2] de feu monsieur votre père, [1][3] de l’entrée du roi [4] en votre ville, [2] de la thèse de votre jeune collègue et du poème de Passerat. [5] M. Martin [6] mourut l’an 1609 < sic pour 1601 >, premier médecin de la reine, qui est aujourd’hui reine mère. [7] Le bonhomme Seguin [8] a oublié à marquer sa mort, mais il n’a pas oublié d’appeler Grammaticus [3][9] le plus savant de tous les hommes, Jos. Scaliger ; mais c’est le jésuitisme, quem sectatur acerrime bonus ille vir[4][10] qui lui a fait dire cette injure au plus digne de tous les savants. Ce vieux Seguin est si bigot et si hypocrite qu’il en est tout fou. Scaliger non indiget patrocinio eiusmodi virorum ; fuit Scaliger origine Princeps noblissimus, et vere Princeps litteratorum[5][11] et n’a jamais donné le fouet à < de > pauvres petits enfants écoliers innocents dans la quatrième du Cardinal Lemoine, [6][12] comme a fait ce boiteux de Seguin, qui est plus estropié de l’esprit que du corps, adeo acriter eius animum perculit detestandum virus Cerbereæ Societatis loyoliticæ[7] Scaliger fait à Seguin ce que la lune fait aux chiens, qui ont mal à la tête de la voir :

Et canis allatrat Lunam, nec Luna movetur[8]

Il y a de la doctrine dans le livre de M. Martin, mais vous y trouverez quelque chose à désirer sur l’explication des remèdes d’Hippocrate [13] et sur la façon que l’on doit traiter aujourd’hui ces maladies, lesquelles ne peuvent guérir que par les remèdes qu’il a proposés. Pour le portrait de M. Passerat, je l’ai vu de deçà, en taille-douce, avec ces deux vers au-dessous :

Nil opus est sculptore : tuos quicumque libellos
Viderit, ille tuam noverit effigiem
[9]

Mais je n’ai pu en recouvrer la planche en cuivre ; si vous connaissiez quelqu’un de delà qui l’eût en sa possession, je m’offre ou de l’acheter, ou d’en payer le prêt, en cas qu’on me la veuille prêter pour en faire tirer deux ou trois cents que je ferai mettre dans ses Préfaces ; et vous prie d’y penser. Si vous la recouvrez, à quelque prix que ce soit, pourvu qu’il soit raisonnable, faites-moi la faveur de me l’envoyer par votre premier messager ; j’en paierai tous les frais et donnerai contentement à ceux qui vous la prêteront ; sinon, achetez-la, j’en paierai tel prix qu’en aurez arrêté. Pour les titres des Préfaces de Passerat, je ne vous l’envoie point, vu que le tout et la table même sont imprimés il y a plus de 15 jours ; on n’est plus que sur les préfaces et les premières feuilles, dans lesquelles il y aura près de 50 pages d’éloges, lesquels vous verrez in capite libri[10] et tout le premier celui de M. le président de Thou. [14] J’ai affaire à des imprimeurs qui ne se hâtent guère. [15] J’ai pourtant espérance de vous en envoyer dans dix ou douze jours ; et si vous reconnaissez au dit livre que vous ayez quelque prose de lui digne d’y être insérée, vous me ferez la faveur de me la préparer pour la seconde impression, laquelle, Dieu aidant, sera bientôt. Je n’en parlerai pas à M. Grangier, [16] j’attendrai que vous ayez vu le livre. Le bonhomme Grangier qu’avez connu n’est plus principal de Beauvais : [11][17] il s’est marié à sa servante pour la décharge de sa conscience, de laquelle il avait déjà quelques enfants ; et hæc humanitus contingunt melioribus[12][18] Je vous enverrai par ci-après copie de vos deux thèses, [1] de ma propre main, combien que les originaux seront toujours à vous et à votre service. Je n’ai aucune bonne nouvelle à vous mander, sinon la prise entière des îles de Saint-Honorat et Sainte-Marguerite [19] par les nôtres sur les Espagnols, qui les ont quittées avec plusieurs pièces de canon. [13] Le cardinal de La Valette [20] est en Picardie, vers lequel tendent toutes les troupes de deçà. On dit qu’en Limousin, la Marche, [14][21] l’Auvergne et le Poitou sont élevées plusieurs troupes de gens, sous le nom de croquants, [22] lesquelles font une guerre aux partisans, et qu’on parle de deçà d’envoyer vers eux pour les apaiser. [15] Nous n’avons plus rien en la Valteline, [23] faute qu’on n’a envoyé de l’argent à M. de Rohan ; [24] si bien que, faute de 27 000 écus, nous avons perdu en un jour ce qui a coûté 40 millions de livres au roi depuis l’an 1618. [16] Le sieur Dupleix [25] est ici, qui fait imprimer en deux volumes in‑fo l’Histoire romaine, de même ordre et même style que sa française. [17] Elle commence à la fondation de Rome et finit après la bataille de Pharsale, [26] laquelle fit Jules César [27] premier empereur. [18] On a ici parlé de la mort du pape, [28][29] on ne parle plus que de sa maladie. [19] Le roi, Son Éminence et toute la cour sont à Rueil [30] et à Saint-Germain. [31] Je vous baise très humblement les mains et à madame votre femme, avec désir d’être à jamais, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 26e de mai 1637.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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