< L. 263.
> À André Falconet, le 27 juin 1651 |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À André Falconet, le 27 juin 1651
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Vous ne doutez pas que je n’aie été très aise d’avoir de vos nouvelles et d’apprendre que vous soyez revenu de vos eaux à Lyon en bonne santé ; [2] mais je vous prie, apprenez-moi donc en quelle province est Vichy, à combien de Lyon et quelles eaux [3] ce sont, vitrioleuses, ferrées, bitumineuses, nitreuses ou sulfurées ? Collegam vestrum tam imprudenter ad eiusmodi aquarum usum descendisse plane miror, [1] c’est signe qu’elles sont bien subtiles puisqu’il y a été pris dès le premier jour et qu’il n’était guère préparé pour cela. Soyez assuré que je ne parlerai jamais du secret que vous m’avez confié de cette maladie, lapidi dixisti. [2] Je suis bien aise que vous l’ayez si heureusement secouru et que vous vous soyez rencontré là fort à propos. Videtur mihi homo ille quarta luna natus [3][4] et je ne m’étonne plus s’il est quinteux : epileptici sunt melancholici et morosi. [4][5] Il fera bien de prendre garde à son fait et de ne plus retourner aux eaux minérales. Je suis bien aise que vous ayez vu M. Giraud, [5][6] c’est un fort honnête homme, je vous supplie de lui faire mes recommandations. J’ai peur que votre épicier, [7] M. Bloth, [8] n’ait un rein ulcéré, d’où découle tant de matière purulente qu’il vide par en bas. La gangrène [9] est là bien dangereuse propter cacoethiam et acrimoniam illius puris. [6] Vous parlez de boire du vin [10] avec M. Giraud, je pense qu’il n’en boira guère avec vous, est enim ex genere hydropotarum [7] et est de la confrérie de celui duquel parle Ovide : [11] Vina fugit, gaudetque meris abstemius undis. [8][12] Pour vous, je ne vous l’ai pas défendu, mais je vous prie de n’en boire que très peu, ne tibi fiat venenum. [9] Pour des nouvelles, il n’y a ici rien de nouveau en matière de livres ; ôtez la querelle des molinistes [13][14] et des jansénistes [16] qui produit souvent de nouveaux petits livres. [10] La mésintelligence continue toujours très forte entre la reine [17] et M. le duc d’Orléans, [18] auquel M. le Prince [19] est très particulièrement attaché d’alliance et d’intelligence. Elle voudrait bien ravoir son Mazarin, [20] mais cela ne sera jamais ici, ou tout au moins sans grand danger d’être assommé en tel lieu se pourra-t-il rencontrer, vu la haine publique dont il est merveilleusement chargé, sans celle des princes et des autres grands. On ne parle plus tantôt ici que de la majorité du roi, [21] du sacre et des états généraux. [22] Le duc d’Orléans garde le lit et la chambre il y a plus de 15 jours sous ombre de la goutte [23] et des hémorroïdes. [24] On croit pourtant que c’est une maladie feinte afin de ne point aller au Palais-Royal, [25] où M. le Prince ne va même plus. Le roi de Danemark [26] a découvert une grande conspiration contre sa personne. [11][27] Il y a pareillement bien du bruit en Pologne, le roi [28][29] et la reine [30] en sont en campagne. [12] Quand vous verrez M. Duhan, [31] je vous prie de lui faire mes recommandations et de lui dire que le livre qu’il a emporté d’ici, qui est G. Puteanus de medicamentorum quomodocumque purgantium Facultatibus, libri duo, [13][32][33] est fort bon à imprimer, mais qu’il faut auparavant en revoir la copie à cause de quelques fautes qu’il y a ; et après cela, je tiens pour certain qu’il en aura bon débit. On voit ici souvent par les rues M. le Prince, d’où quelques-uns soupçonnent quelque désordre, mais je pense qu’il n’y en aura point : tandis qu’il sera en bonne intelligence avec le duc d’Orléans, ceux de l’autre parti n’entreprendront rien et ainsi s’écoulera le reste de la minorité ; mais lorsque la majorité sera venue, on parlera d’autre chose, d’autres personnages monteront sur le théâtre. M. le duc de Beaufort [34] est ici fort malade d’une continue double-tierce, [35] dont les accès sont fort rudes ; on l’a transporté de la rue Quincampoix, où était son logis, à l’hôtel de Vendôme où il y a un plus bel air. [14] Le prince de Conti [36] est aussi malade. Ils guériront s’ils peuvent, au moins le pain est-il encore plus nécessaire que ces princes. Je vous baise les mains de toute mon affection et finis la présente avec protestation que je serai toute ma vie, Monsieur, votre, etc. De Paris, ce 27e de juin 1651. Je vous envoie un décret de notre Faculté contre trois des nôtres qui, spe lucri, [15] s’échappaient de nous et se laissaient emporter à l’antimoine. [37] Cela les a fait rentrer dans leur devoir et si par ci-après ils manquent, nous ne leur manquerons point : on leur appliquera la loi et l’efficace du décret si vivement qu’ils en demeureront chassés ; unius pœna erit aliorum metus. [16] Je ne pense point qu’ils y retournent de tout mon décanat. [38] Je vous les nommerai particulièrement : ce sont Guénault, [39] Béda [40] et Cornuti. [41] Si nous l’eussions souffert de ces trois-là, ils en eussent sans doute incontinent attiré d’autres par la règle Abyssus abyssum invocat. [17][42] M. de Beaufort, M. de Vendôme, [43] son père, et M. de Nemours, [44] son gendre, sont fort malades, et Mme de Montbazon [45] aussi. | |||||||||||||
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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr | |||||||||||||
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