Médecin français auteur de La Saignée réformée… (La Flèche, 1656, v. notre bibliographie), où son nom n’est accompagné que de l’initiale de son prénom, I (lettre qui s’employait alors aussi pour J). Bineteau [1] y a publié trois lettres échangées avec Guy Patin en 1651 (datées du 30 septembre, du 1er octobre et du 8 octobre), concernant la vive controverse personnelle qui s’était élevée entre eux sur les décrets du doyen parisien en faveur de la copieuse saignée et contre l’antimoine. Dans le chapitre qu’il lui a consacré (Vieux médecins sarthois…, 1906, Gallica, pages 188‑200), Paul Delaunay lui a donné le prénom de Jean, mais sans s’en justifier.
Le dictionnaire biographique médical de Panckoucke le baptise Julien et lui attribue un autre ouvrage : La parfaite Éducation des enfants, et la manière de les élever, tant aux sciences qu’aux vertus. Le tout divisé en onze Discours, appuyés des autorités de théologiens, médecins, philosophes, jurisconsultes, orateurs, grammairiens, poètes, Grecs, Latins, et autres. Dédié à Monsieur Mérault, maître des comptes. Par M. I. Bineteau, docteur en médecine (Paris, François Pélican, 1650, in‑8o, Gallica). L’Approbation des docteurs « en la sacrée Faculté de théologie de Paris » (datée du 31 juillet 1647) et le Privilège du roi (2 septembre 1647) prénomment l’auteur Julien.
Ces deux livres étant incontestablement de la même plume, je me suis résolu à l’appeler Julien. J’ignore ses dates de naissance et de mort et ne puis proposer que quelques bribes biographiques tirées de ses deux livres.
- Très probablement natif du Maine, à La Flèche (v. note [3], lettre 84) ou dans ses environs, Bineteau étudia la médecine à Paris, mais obtint ses diplômes (baccalauréat, licence et doctorat) dans une autre faculté parce qu’il ne voulait pas perdre les six ou sept mille livres requises pour en couvrir les frais à Paris (v. note [4] de sa lettre du 1er octobre 1651). L’Approbation des docteurs et le Privilège du roi de son livre de 1650, pièces datées de 1647, le disent simplement docteur en médecine. L’approbation des docteurs de Sorbonne et les abondantes références religieuses qu’on lit dans ses livres en font un fervent catholique romain.
- Les dédicaces de ses deux ouvrages font penser qu’il n’était pas riche et sollicitait la généreuse protection de gens fortunés :
- Nicolas Mérault, dédicataire de La parfaite Éducation des enfants…, avait été reçu maître en la Chambre des comptes de Paris en 1636 et mourut en 1677 ; le contenu de l’épître (non datée) peut laisser entendre que Bineteau était le précepteur des enfants de Mérault ;
- Claude de Langlée (Vallon-sur-Gée dans le Maine 1604-Paris 1667), dédicataire de La Saignée réformée… (épître datée de La Flèche, le 5 juillet 1656), était « conseiller d’État ordinaire, etc. maréchal général des logis des camps et armées du roi, etc. » (seuls deux titulaires partageaient cette charge pour couvrir tout le royaume de France), avec cette amusante citation dans l’épître :
« La grande compassion et affection que vous portez aux Français vous a fait souvent dire ces belles paroles : Je voudrais trouver le moyen de faire marcher les troupes par l’air, afin de soulager la terre. »
- En 1656, Bineteau se parait du titre, aussi banal qu’ambigu, de médecin conseiller ordinaire du roi. Néanmoins, s’il était autorisé à pratiquer la médecine à Paris en 1651 (ainsi qu’en atteste sa correspondance avec Patin), c’est qu’il donnait réellement des soins à la personne du roi, comme l’un des assistants du premier médecin, François Vautier (mort en 1652, v. note [26], lettre 117), réputé pour son attachement à la médecine chimique et pour son aversion à l’égard de la médecine dogmatique de la Faculté parisienne. Une si haute protection aurait assuré une solide immunité à Bineteau et expliqué qu’avec son impertinente gageure (v. note [1], lettre 1511) il pût s’en prendre en toute impunité au doyen Patin soi-même. Dans sa lettre du 1er octobre 1651, Bineteau a écrit qu’il avait pratiqué la médecine à Paris depuis trois ans (v. sa note [12]).
- Il n’exerçait plus à Paris en 1656. Sa Saignée réformée… ne possède ni privilège ni approbation, mais sa dédicace latine, datée de La Flèche (Flexiæ) le 5 juillet 1656, intitulée Clarissimis Viris doctissimis Medicis, peritissimisque Practicis Cœnomanensibus D. Dominis du Cleray, du Chesnay, de la Martinière, etc. S.P.D. [Profondes salutations aux très distingués et savants médecins et très habiles praticiens du Mans, MM. du Cleray, du Chesnay, de la Martinière, etc.], est un vibrant hommage à trois médecins du Mans que Bineteau tenait pour ses éminents maîtres et ses pères [parentes] en l’art de soigner ; ce qui autorise à penser qu’il avait travaillé à leurs côtés et même qu’il briguait une agrégation à leur Collège médical. Peu avant la fin, en regard d’une assertion marginale disant que Lutetia et Cœnomanum idem sonant [Paris et Le Mans retentissent pareillement], il rive son clou aux Parisiens (avec la probable envie de faire étouffer Patin de rage) :
An vero vestram in urbem Athenis scientiarum fontibus deportata sit ars Medica, vel a Galeni discipulis nescio : Scio tamen vos Medicos Cœnomanenses iamdudum esse tam doctos, tamque peritos, ut non sine causa dubitem, num fuerint illi doctiores, aut potius æque periti ; ipsaque urbs Lutetia magis habet unde glorietur in sua Universitate Medicinæ, de nomine pari cum urbe vestra, quam de pari scientia et arte Medica : Nunc enim Lutetiæ adeo male cum remediis agitur, ut iam amplius nemo pene veram profiteatur Medicinam, sed plerique venæ sectione tantum ac enematis quibustam, pro medicaminibus omnibus, quæ docti olim Medici cum sanitate ægrotis afferebant, sunt contenti : Quapropter sicuti mihi fuit propositum tam insignem in arte divina abusum firmis rationibus, et ipsius parentum authoritatibus multis evertere.
[Au vrai, j’ignore si l’art médical a été transporté en votre ville par Athènes, qui est la source des sciences, ou par les disciples de Galien. Je sais pourtant que vous, les médecins du Mans, êtes depuis longtemps si savants et si habiles que j’ai de bonnes raisons de douter qu’il en existe aujourd’hui de plus savants, ou plutôt d’aussi habiles. On tient la ville de Paris en très haute estime, elle tire gloire de sa Faculté de médecine ; mais pour le renom, comme pour la science et l’art médical, elle est égale à votre propre ville. La thérapeutique est en effet désormais si maltraitée à Paris que presque personne n’y pratique plus la véritable médecine : la plupart s’y contentent de la phlébotomie et de quelques lavements pour remplacer tous les remèdes que les médecins prescrivaient jadis avec raison aux malades. Voilà pourquoi je me suis proposé, en m’appuyant sur de solides arguments et sur l’autorité même des Anciens, de renverser un abus si insigne contre l’art divin].
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