À Claude II Belin, le 24 mars 1660, note 1.
Note [1]

« un enfant de 40 ans sera toujours un enfant. »

  • Dans ma recherche sur ce latin, un heureux hasard m’a mené aux Opuscula Moralia et Politica [Opuscules moraux et politiques] d’Augsutinus Niphus (édités par Gabriel Naudé, Paris, 1645). {a} L’un des opuscules politiques est dédié Ad Phausinam {b} et contient deux livres, de Viro aulico et de Muliere aulica. {c} Le court chapitre ii du second livre (page 339) tient un propos singulier mais fort instructif : livre ii de Muliere aulica [sur la Femme aulique] des

    Quod autem aulicæ ipsæ virtutes non conveniant, testantur primo historiæ, in quibus cum multa de aulicis viris, de scurris, de assentatoribus, de affabilibus, ac urbanis legantur, de mulieribus tamen nihil nemini legere. Nec id est incongruum : nam pueris aulicas virtutes convenire, nemo sanæ mentis concederet, potissimum cum superiore libro demonstratum sit puerum non esse aulicis rebus idoneum. Quod autem mulier a puero non distet, Xenocrates eo libro, quem de puellis, ac mulieribus edidit, demonstrat, cum inquit, Mulier a puero in alio non dissidet, nisi quod qui puer est, non semper puer sit ; Mulier vero toto vitæ tempore puer est. Galenus præterea, Mulier inquit puer est confirmatus, qui vero puer est, sanabilis est. Hermagoras vero, Pueris, inquit, oportet nos ad tempus blandos esse, mulieribus semper qui semper pueri sunt. Aristoteles vero mulierum consilia invalida esse semper testatur, quod Iureconsulti probarunt, qui mulierum promissiones irritas esse volunt, quæ non fiunt authoritate viri alicuius ; puerorum autem consilia imperfecta, quoniam procedente ætate et consulta et promissa eorum valida esse ac perfecta consuevere. Quæ ratio docet mulieres semper esse pueros, pueros vero ipsos non semper. Quare cum puer non sit idoneus rebus aulicis, sit ut pari ratione mulier, aulica esse non possit.

    [Le fait qu’elle ne serait pas dotée de vertus auliques est d’abord attesté par l’histoire, où se lisent quantité de choses sur les courtisans, comme hommes de bel esprit, de flatterie, d’affabilité, d’urbanité, mais où nul ne lit rien sur les femmes. Et cela n’est pas incongru, car personne en son bon sens ne conviendrait que les vertus auliques ressortissent aux enfants, comme on l’a démontré dans le premier livre. Xénocrate, {d} dans les livre qu’il a mis au jour sur les fillettes et les femmes, démontre que la femme ne se distingue pas de l’enfant, quand il dit : « La femme ne diffère en rien de l’enfant sinon que le petit garçon ne le demeurera pas toujours, tandis que la femme reste un enfant pendant toute la durée de son existence. » Galien ajoute que la femme est assurément un enfant, et qu’elle est donc à soigner comme telle. Hermagoras {e} dit avec vérité que les petits garcons ont besoin de caresses pendant quelque temps, mais qu’il en faut toujours aux femmes parce qu’elles restent des enfants. Aristote a attesté que les avis des femmes sont constamment infondés, ce qu’ont approuvé les juristes en décidant que les promesses des femmes sont sans valeur, si elles ne se fondent pas sur l’autorité d’un homme. Les avis des petits garçons sont de même imparfaits, et on a coutume de ne tenir leurs décisions et leurs promesses pour valides qu’après qu’ils ont pris de l’âge. Voilà pourquoi on enseigne que, contrairement aux garçons, les femmes demeurent toujours des enfants ; d’où vient que, puisqu’un enfant n’est pas apte à exercer une charge aulique, une femme ne l’est pas non plus]. {f}


    1. Ouvrage dont Guy Patin a dit grand bien : v. note [7], lettre 108.

    2. « À Phausina » : la préface de Niphus, écrite en 1534, et son Elogium, par Naudé en 1645, identifient cette Phausina (nom inventé signifiant « Aurore », dérivé du grec phausis, « lumière ») à Phœba Rhea, très belle jeune dame d’honneur de la princesse de Salerne, dont Niphus était amoureux. Paul Jove s’en est désolé dans ses Elogia (Venise, 1546, v. note [18] du Traité de la Conservation de santé, chapitre  iii), fo 58 vo :

      Suceptis liberis, et senescente uxore septuagenarius senex, puellæ citra libidinem impotenti amore correptus est usque ad insaniam, ita, ut plerique philosophum senem, atque podagricum ad tibiæ modos saltantem, miserabili cum pudore conspexerint, unde illi maturatum vitæ exitum constat.

      [Pétris de honte, ses enfants et son épouse qui prenait de l’âge, eurent à contempler le misérable spectacle d’un septuagénaire dévoré jusqu’à la folie par l’amour d’une toute jeune fille à qui il était incapable de procurer du plaisir : à tel point qu’on vit maintes fois ce vieux philosophe podagre danser avec sa belle au rythme de la flûte, ce qui lui valut un prompt trépas].

    3. Dérivé du latin aula, « cour » (d’une maison, et plus spécialement d’un souverain), l’adjectif aulicus, « aulique », qualifie ce qui est attaché aux pratiques, aux compétences et aux gens d’une cour princière. Vir aulicus se traduit par « courtisan », mais étant donné son sens péjoratif, le féminin de ce mot ne peut s’appliquer à une mulier aulica, « femme aulique » ou « dame de cour ».

    4. Xénocrate de Chalcédoine, disciple de Platon.

    5. Hermagoras de Temnos, rhéteur grec du ier s. av. J.‑C.

    6. Ma traduction a allégé le verbiage de Niphus, mais je ne crois pas avoir trahi son propos. Il est un peu moins sidérant quand on sait qu’il s’agit de l’antithèse (Refutatio positionis) du chapitre i, qui louait, mais sans autant de conviction, les talents auliques des femmes.

      Je ne prétends pas que Guy Patin pensait sûrement à ce texte, mais ce qui y est dit aide à comprendre la misogynie (le mot date du xixe s., on disait alors « mépris » ou « détestation des femmes ») dont il a constamment fait preuve dans ses écrits, et qu’il partageait avec la majorité de ses contemporains.


  • Nicolas Robin, natif de Paris, et alors âgé de 42 ans et déjà docteur de Montpellier (absent de la liste établie par Dulieu), avait été classé dernier des dix bacheliers de 1660 (v. note [1], lettre 598). Il allait être reçu à la licence de 1662 (dernier de sa promotion de neuf), puis docteur régent de la Faculté de médecine de Paris l’année suivante. Il était peut-être apparenté à Antoine Robin, docteur en 1621, mort en 1631 (v. note [9], lettre 7), et à son frère, le botaniste Vespasien Robin (mort en 1662, v. note [5], lettre latine 347) ; mais cela ne s’accorde bien ni avec un doctorat d’abord obtenu à Montpellier (peut-être après une premier échec au baccalauréat parisien), ni avec une absence de soutien de la Faculté de médecine de Paris.

    Je n’ai pas tiré au clair la raison pour laquelle Claude ii Belin avait demandé à Guy Patin des nouvelles de Robin. Il n’avait pas fait partie du Collège des médecins de Troyes avant d’aller se faire admettre à Paris. Peut-être Belin voulait-il parler de son oncle, Vespasien Robin.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 24 mars 1660, note 1.

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(Consulté le 05/12/2024)

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