À Charles Spon, le 24 octobre 1645, note 13.
Note [13]

Les sociniens ou unitaires forment une secte protestante fondée en Italie par Lelio Socin (Sozzini, Lælius Socinus, Sienne 1525-Zurich 1562) et développée par son neveu, Fausto (Faustus, Sienne 1539-Luclavie 1604), qui l’établit d’abord en Pologne. Inspirée de l’arianisme, {a} elle est fondamentalement antitrinitaire, refusant d’admettre la nature divine de Jésus et de l’Esprit Saint. Ce qui compte est la révélation de Dieu par l’Écriture ; mais son principal moyen, le Christ, n’en a pas moins été un homme inspiré par Dieu. Dieu prouve son existence par la doctrine ainsi révélée, et non par les miracles qui sont racontés dans les Évangiles. Le Saint-Esprit est une force divine qui œuvre à sanctifier les fidèles. Contrairement à la théorie calviniste (et janséniste) de la grâce divine particulière et de la prédestination, les sociniens enseignent, comme les quakers, {b} les arminiens {c} et bien d’autres, la grâce universelle et accessible à tous : ils croient que les forces naturelles de l’homme sont suffisantes pour sa régénération, moyennant les secours que Dieu lui accorde. Les sociniens rejoignaient donc les jésuites sur le point du libre arbitre. Hugo Grotius a réprouvé dans ses discours la doctrine socinienne et il écrivit même contre elle une :

Defensio fidei catholicæ de satisfactione Christi, adversus F. Socinum Senensem…

[Défense de la foi catholique sur la disculpation du Christ, contre Fauste Socin, natif de Sienne…]. {d}


  1. V. note [15], lettre 300.

  2. Ou trembleurs, v. note [32], lettre 662.

  3. V. note [7], lettre 100.

  4. Leyde, Ioannes Patius, 1617, in‑4o de 175 pages.

L’insinuation de Guy Patin repose sur quelque fait réel puisque Jacques-Bénigne Bossuet, dans sa Dissertation sur Grotius, {a} a pu l’accuser d’avoir partagé les erreurs sociniennes : {b}

« Grotius demeura longtemps si entêté des sociniens que, non content de les suivre dans les choses indifférentes, il en reçut encore des dogmes capitaux. Quoiqu’en y regardant de près, le Verbe qu’il introduit dans le premier verset de l’évangile de saint Jean {b} soit plutôt philosophique et platonicien que chrétien et apostolique, on ne doit pas l’accuser d’avoir jamais tout à fait abandonné la divinité de Jésus-Christ. »


  1. Seconde Instruction : sur les passages particuliers de la version du Nouveau testament imprimée à Trévoux en l’année m. dcc. ii. {i} Avec une Dissertation préliminaire sur la doctrine et la critique de Grotius. Par Messire Jacques Bénigne Bossuet {ii} évêque de Meaux, conseiller du roi en ses Conseils, et ordinaire en son Conseil d’État, ci-devant précepteur de Monseigneur le dauphin, premier aumônier de Madame la duchesse de Bourgogne. {iii}

    1. L’exégète biblique et prêtre catholique Richard Simon avait publié Le Nouveau Testament de Notre Seigneur Jésus-Christ. Traduit sur l’ancienne édition latine. Avec des Remarques littérales et critiques sur les principales difficultés (Trévoux, Étienne Ganeau, 1702, 4 tomes in‑4o).

    2. V. note [4], lettre 972.

    3. Paris, Anisson, directeur de l’Imprimerie royale, 1703, petit in‑foen deux parties de 130 pages (numérotation romaine) et 203 pages (numérotation arabe).

  2. Première partie, pages ix‑x, paragraphe iii ititulé Grotius prend l’esprit des sociniens sur la divinité du Verbe, et M. Simon en convient.

  3. « Au commencement, le Verbe était, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. »

Bayle (note H) :

« Tenons donc pour un fait incontestable : 1. que Grotius prêt à mourir a été dans les dispositions du publicain, il a confessé ses fautes, il en a eu de la douleur, il a recouru à la miséricorde du Père céleste ; 2. qu’il a mis toute son espérance en Jésus-Christ seul ; 3. que ses dernières pensées ont été celles qui sont contenues dans la prière des agonisants selon le rituel des luthériens ; or je ne crois pas qu’on puisse trouver une prière plus remplie que celle-là des sentiments que doit avoir un vrai chrétien lorsqu’il se prépare à comparaître devant le Tribunal de Dieu. Il résulte de là manifestement : i. que ceux qui disent qu’il est mort socinien seraient traités trop doucement si l’on se contentait de leur dire qu’ils sont coupables d’un jugement téméraire, ils méritent d’être appelés calomniateurs ; ii. que Du Maurier conte une fable lorsqu’il parle ainsi, “ On m’a rapporté que pendant sa maladie un prêtre catholique et divers ministres luthériens, calvinistes, sociniens et anabaptistes le vinrent voir pour le disposer à mourir dans leur opinion ; mais pendant qu’ils l’entretenaient de controverses et que chacun s’efforçait de lui prouver que sa religion était la meilleure, il ne répondit autre chose sinon non intelligo ; {a} et quand ils ne disaient plus mot, il leur dit Hortare me ut christianum morientem decet, Exhortez-moi comme il faut exhorter un chrétien mourant ” ; iii. que c’est une autre fable que le bruit qu’on fit courir aussitôt après sa mort, qu’il avait refusé d’écouter un ministre qui lui voulait parler ; iv. qu’il est faux qu’un ministre luthérien ayant commencé à lui vouloir parler de sa religion… le malade ne lui répondit que par ces deux mots, non intelligo, lui voulant marquer par là que ses prédications et ses avis ne lui plaisaient point, et qu’en effet le ministre se retira ; v. qu’on a inséré un mensonge dans un petit livre anglais lorsqu’on y a mis que Grotius dit en mourant, multa agendo, nihil egi, en entreprenant beaucoup de choses, je n’ai rien avancé ; vi. que ceux qui peu de temps après la mort de ce grand homme… firent courir le bruit qu’il était mort d’un coup de foudre, débitèrent une fausseté encore plus folle que maligne. »


  1. « je ne comprends pas ».

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 octobre 1645, note 13.

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(Consulté le 02/12/2024)

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