Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Triades du Borboniana manuscrit, note 31.
Note [31]

Triades 53‑56.

  1. « Nous savons pour certain que les Anciens avaient coutume de ratifier les alliances de trois manières : par des paroles, comme pour ceux qui prêtent serment ; par des actions, comme pour les victimes qu’on immolait aux dieux ; par les mains, que se serrent ceux qui se font confiance. De là vient qu’il y avait chez eux trois chefs d’accusation pour rupture de pacte : le parjure, la profanation d’autel {a} et la rupture de confiance (id. et ibid. page 62). » {b}


    1. La profanation d’autel est le sacrilège, consécutif au déni du vœu accompli en faisant un sacrifice, mot qu’il convient de prendre dans le double sens, païen et chrétien, que lui a donné Furetière :

      « Offrande qu’on fait à Dieu sur les autels par les mains de son légitime ministre, pour reconnaître sa puissance, et lui témoigner de la sujétion. Le sacrifice diffère de la simple oblation en ce que, dans le sacrifice, il faut qu’il y ait réelle destruction ou changement dans la chose offerte ; au lieu que l’oblation n’est qu’une simple offrande du don. Les théologiens divisent les sacrifices en sanglants, comme ceux de l’ancienne Loi, {i} et non sanglants, comme celui de la Nouvelle ; {ii} en sacrifice impétratoire, qu’on fait pour obtenir de Dieu quelque grâce, ou pour l’en remercier, et en propitiatoire, qu’on offre pour la rémission de ses péchés. Abraham fut prêt d’offrir à Dieu son fils en sacrifice ; Jephté lui en fit un effectif de sa fille. {iii} Les païens ont fait des sacrifices à leurs idoles ; les Mexicains ont fait des sacrifices aux leurs d’un nombre infini d’hommes. Le Psalmiste {iv} dit que le vrai sacrifice qu’on doit faire à Dieu, c’est un cœur contrit et humilié, qu’il lui offrira un sacrifice de louanges. Chez les chrétiens, il n’y a que le saint Sacrifice de la messe. On tient que ce sont les Phéniciens qui ont inventé les premiers les statues et les sacrifices. »

      1. L’Ancien Testament.

      2. Le Nouveau testament.

      3. Sacrifices bibliques respectivement relatés dans la Genèse et dans le Livre des Juges.

      4. Le roi David.
    2. Cette triade est intégralement empruntée au commentaire de Johannes Thuillius {i} sur les mots fœdera inire, à la fin des quatre premiers vers de l’emblème x d’Alciat (pages 62‑63), Fœdera [Les Alliances] : {ii}

      Hanc citharam, a lembi quæ forma halieutica fertur,
      Vendicat et propriam Musa Latina sibi,
      Accipe Dux : placeat nostrum hoc tibi tempore munus,
      Quo nova cum sociis fœdera inire paras
      .

      [Reçois, duc, {iii} ce luth ! Il a la forme que les pêcheurs donnent à leur barque, et la Muse latine le revendique pour son invention. Puisse notre don t’être agréable en ces temps où tu t’apprêtes à conclure de nouveaux traités avec les alliés].

      1. Padoue, 1621, v. supra notule {g}, note [28].

      2. Page 16, édition latine de Lyon, 1551.

      3. Adage qu’Alciat a dédié à Maximilien Sforza (1493-1530), duc de Milan.

  2. « Un sage Hébreu a dit que trois situations lui semblaient délicates : la course du petit oiseau volant en plein ciel ; la course de la couleuvre rôdant au milieu de la plaine ; la course d’un navire au milieu de la mer ; mais la plus délicate de toutes est la course de l’adolescent voluptueux dans la pleine ferveur de son âge (id. et ibid. page 263). » {a}


    1. Copie mot pour mot de la fin du commentaire de Thuillius sur l’emblème lv d’Alciat (2e colonne, page 263), intitulé Temeritas [La Témérité] :

      In præceps rapitur, frustra quoque tendit habenas
      Auriga : effræni quem vehit oris equus.
      Haud facile hinc credas, ratio quem nulla gubernat,
      Et temere proprio ducitur arbitrio
      .

      [Tombant la tête la première de son char, l’aurige tire vainement sur les rênes : le cheval qui le tire a perdu son frein. Garde-toi donc de croire facilement celui que nulle raison ne gouverne, et que guide au hasard son propre arbitre].


  3. « Aux yeux de Dieu et des hommes, il y a trois splendeurs : la concorde entre frères ; l’amitié entre voisins ; un homme et une femme qui préservent leur bonne compagnie et leur fidélité mutuelle. » {a}


    1. Dans le tome iv, livre xxxv (page 343, 1re colonne), {i} de son Encyclopædia, Johann Heinrich Alsted {ii} a cité cette triade et l’a attribuée à Iesus Syracides. {iii}

      1. Sectio xii, Arithmologia Ethica [Arithmologie (science des nombres) éthique]

      2. Lyon, 1649, v. note [11], lettre 203.

      3. Jesus Ben Sira, dit le Siracide, érudit hébreu du iie s. av. J.‑C., auteur de la Sagesse de Sirakh.

  4. « Il y a trois vices qui offensent Dieu et la nature, et qui déplaisent aux hommes : la paresse de l’adolescent ; l’insolence du pauvre ; et la lubricité déplacée du vieillard qui a déjà un pied dans la tombe (id. et ibid. page 497). » {a}


    1. Commentaire iv de Thuillius sur l’emblème cxvii d’Alciat (1re colonne, page 497), Senex puellam amans [Le vieillard amant d’une jeune fille] : {i}

      Dum Sophocles (quamvis affecta ætate) puellam
      A questu Archippen ad sua vota trahit,
      Allicit et pretio, tulit ægre insana iuventus
      Ob zelum, et tali carmine utrumque notat :
      Noctua ut in tumulis, super utque cadavera bubo ;
      Talis apud Sophoclem nostra puella sedet
      .

      [Quand Sophocle (bien qu’il fût fort âgé) soumit à ses vœux, pour en jouir, la jeune Archippe et l’attira par force argent, un jeune homme jaloux, affligé de cette extravagance, dénonça les deux amants par ces vers : « Une chouette sur le ventre d’un hibou dans une tombe : voilà comme siège notre bien-aimée dans la maison de Sophocle. »] {ii}

      Reprenant textuellement le commentaire de Thuillius, la triade du Borboniana en omet la fin :

      Tum enim vel maxime δις οι παιδες γεροντες, cum vitiis plusquam iuvenilibus intempestive delectantur. Quanto enim quis ætate provectior est, tanto a voluptatum corporis titillationibus remotior esse debet.

      [Il est en effet très vrai que les vieillards sont deux fois pires que les enfants, {iii} quand ils se délectent mal à propos des vices qui n’appartiennent qu’aux jeunes gens ; alors que plus on avance en âge, plus on doit se tenir éloigné des frissons que procurent les voluptés charnelles].

      1. Illustré et traduit dans l’édition française de Lyon, 1549, page 144.

      2. V. note [4], lettre latine 100, pour Sophocle. Thuillius a donné la source de cette anecdote dans son commentaire ii du même emblème (1re colonne, page 496) :

        Quantum ex historiis deprehendi potest, Sophocles Veneresi rebus multum fuit addictus, et iam grandævus Theorida meretricem deperiit. Idem iam senex admodum Archippen, nobile scortum, adamavit, quam etiam hæredem reliquit. Cuius prior amasius, Smicrines nomine, a quodam rogatus, quis ageret Archippe ? venuste respondit : ωσπερ αι γλαυκες επι ταφων καθεται id est : Tanquam noctua in tumulis sedet. Refert Athenæus Dipnosophist. lib. 13. cap. 22.

        [On peut trouver quantité d’histoires disant que Sophocle était fort enclin aux rapports amoureux. En un âge très avancé, il tomba éperdument amoureux de la courtisane Théorida. De même, dans sa vieillesse, il s’éprit follement d’Archippe, prostituée de grand renom, dont il fit même son héritière. Quand quelqu’un demanda au dénommé Smicrines, précédent amant de cette dame, ce qu’elle faisait, il lui répondit spirituellement : « Elle ne quitte pas les tombeaux, comme fait une chouette » (Athénée, Déipnosophistes, livre 13, chapitre 22)].

      3. Aristophane, Les Nuées, vers 1417.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Triades du Borboniana manuscrit, note 31.

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(Consulté le 12/12/2024)

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