Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre II, note 41.
Note [41]

Les truffes (ou truffles dans l’ancienne orthographe, tubera en latin) n’étaient alors pas considérées comme de véritables champignons : « mets fort friand qu’on tire de la terre et qui est presque fait comme des topinambours [v. infra note [42]]. Les médecins, comme Galien et Dioscoride, les mettent au rang des racines, bulbes et oignons, et disent que ce sont des racines rondes, sans tiges, sans feuilles et sans filaments. On en trouve qui pèsent une livre. Pline dit qu’on a trouvé un denier romain dans une truffe et que quand l’automne est pluvieux avec éclairs et tonnerres, la terre produit force truffes qui ne durent qu’un an. Les truffes se trouvent dans des terres sèches et crevassées. Les pourceaux sont fort friands de truffes et servent souvent à découvrir les lieux où il y en a. Les truffes sont blanches, noires, ou grises, On les sert fricassées ou au court-bouillon, dans une serviette » (Furetière).

  • Pline, Histoire naturelle, livre xix, chapitres xi et xiii (Littré Pli, volume 1, page 716) :

    Et quoniam a miraculis rerum cœpimus, sequemur eorum ordinem, in quibus vel maximum est, aliquid nasci ac vivere sine ulla radice. Tubera hæc vocantur undique terra circumdata, nullisque fibris nixa, aut saltem capillamentis, nec utique extuberante loco in quo gignuntur, aut rimas agente : neque ipsa terræ cohærent. Cortice etiam includuntur, ut plane nec terram esse possimus dicere, nec aliud quam terræ callum. Siccis hæc fere et sabulosis locis, frutectosisque nascuntur. Excedunt sæpe magnitudinem mali cotonei, etiam librali pondere. Duo eorum genera, harenosa dentibus inimica, et altera sincera. Distinguntur et colore rufo, nigroque, et intus candido : laudatissima Africæ. Crescant anne vitium id terræ (neque enim aliud intellegi potest) ea protinus globetur magnitudine, qua futurum est : et vivantne, an non, haud facile arbitror intellegi posse. Putrescendi enim ratio communis est cum ligno. Lartio Licinio prætorio viro jura reddenti in Hispania Carthagine, paucis his annis scimus accidisse, mordenti tuber, ut deprehensus intus denarius primos dentes inflecteret : quo manifestum erit terræ naturam in se globari. Quod certum est, ex iis erunt, quæ nascantur, et seri non possint. […]

    De tuberibus hæc traduntur peculiariter : quum fuerint imbres autumnales, ac tonitrua crebra, tunc nasci, et maxime e tonitribus : nec ultra annum durare : tenerrima autem verno esse. Quibusdam locis accepta tantum riguis feruntur : sicut Mytilenis negant nasci, nisi exundatione fluminum invecto semine ab Tiaris. Est autem is locus, in quo plurima nascuntur.

    « Et puisque nous avons commencé par les merveilles, nous les examinerons l’une après l’autre : parmi ces merveilles, la plus grande est sans doute que quelque chose naisse ou vive sans racine. Tel est ce qu’on nomme la truffe : elle est entourée de tous côtés par la terre ; elle n’est fixée par aucune fibre, pas même par du chevelu, et l’endroit où elle s’engendre ne présente ni protubérance ni fente ; elle n’est pas non plus adhérente à la terre ; elle est même enveloppée d’une écorce, de sorte que nous ne pouvons absolument dire ni qu’elle est de la terre, ni qu’elle est autre chose qu’une production calleuse de la terre. Les truffes viennent généralement dans les lieux secs, sablonneux et couverts de broussailles. Elles dépassent souvent un coing en grosseur et elles pèsent jusqu’à une livre. Il y en a deux espèces : l’une, pleine de sable, ennemie des dents, l’autre parfaitement nette. On les distingue encore par la couleur rousse, noire ou blanche à l’intérieur ; les plus estimées sont celles d’Afrique. Les truffes croissent-elles, ou bien cette maladive production de la terre (car on ne peut y voir autre chose) acquiert-elle sans transition la forme arrondie et le volume qu’on lui trouve ? Les truffes vivent-elles, ou ne vivent-elles pas ? C’est, je pense, ce qu’il n’est pas facile de comprendre. Du reste, elles pourrissent de la même façon que le bois. Lartius Licinius, personnage prétorien qui rendait la justice à Carthagène en Espagne, ayant mordu dans une truffe, il y a quelques années (c’est un fait dont nous avons connaissance), rencontra à l’intérieur un denier qui lui ébranla les dents de devant ; ce qui prouve que la truffe est une agglomération de nature terrestre. Toujours est-il que cette production appartient à celles qui viennent spontanément et ne peuvent se semer. (…)

    Quant aux truffes, on en rapporte ces particularités : quand il y a eu des pluies en automne et de fréquents tonnerres, alors elles naissent, et les tonnerres surtout contribuent à leur production ; elles ne durent pas plus d’un an. Elles sont le plus tendres au printemps. En certains lieux, on en attribue la naissance à des eaux : ainsi, on prétend qu’il n’en vient pas à Mytilène, à moins que les rivières, débordant, n’en apportent la graine de Tiares ; Tiares est un lieu où elles sont abondantes. » {a}


    1. Mytilène est la principale ville de l’île de Lesbos, en mer Égée. Tiares (Tiaræ) est le nom d’une montagne de cette île.

  • Dans le livre quatrième des Symposiaques ou Propos de table de Plutarque, l’énoncé de la question ii est « Pourquoi il semble que les truffes soient produites par le tonnerre ; et pourquoi ceux qui dorment ne sont jamais, à ce que l’on croit, frappés de la foudre ». Il s’ouvre sur ces propos (traduction de Victor Bétolaud, 1870) :

    « Des truffes d’une grosseur extraordinaire figuraient à un souper qu’Agémaque nous donnait en la ville d’Élis, {a} et elles excitaient l’admiration de ceux qui étaient là. Quelqu’un se mit à dire en souriant : “ Elles sont dignes, en vérité, des tonnerres qui se sont produits ces jours derniers. ” Évidemment, il se moquait de ceux qui disent que les truffes prennent leur naissance de ce phénomène. Alors il y en eut qui dirent que le tonnerre entrouvre le sol en se servant de l’air à la façon d’un coin ; et que, par suite, comme ces crevasses dirigent les conjectures des chercheurs de truffes, l’opinion s’est répandue généralement que la truffe est un produit du tonnerre. Pourquoi ne pas dire qu’elle est seulement indiquée par lui ? C’est comme si l’on croyait que les limaçons soient l’œuvre de la pluie, et non pas qu’elle les fait sortir de terre et les met en évidence. Mais Agémaque soutenait la vérité de cette tradition. Il voulait, tout étonnante qu’elle était, que nous ne la jugeassions pas indigne de foi. Il ajoutait que plusieurs autres effets merveilleux du tonnerre et de la foudre, ainsi que les indications célestes qui s’y rattachent, sont difficiles à concevoir, ou bien que les causes en sont tout à fait impossibles à pénétrer. »


    1. Ville du Péloponnèse, célèbre pour l’abondance et la qualité de ses truffes.

  • Galien a parlé des champignons dans son traité De probis pravisque alimentorum succis [Des bons et mauvais sucs des aliments] (Kühn, volume 6, pages 770‑771, traduit du grec) :

    Ex edulis his omnibus fungis frigidissimus et glutinosissimus crassusque simul succus inest, atque inter hos ex solis boletis nullus fertur interiisse, qui tamen ipsi choleram etiam nonnullis attulerunt non cocti. At reliquorum fungorum esus quibusdam mortem intulit ; nonnulli mortis inde adiere discrimen diarrhœis correpti aut choleris, aut strangulatu periclitantes. Tuber, quod vocant, crasso modice succo præditum est, non tamen malo ; ejusdem modi amylum quoque.

    [De tous ces aliments, le suc le plus froid et le plus visqueux se trouve dans les champignons, il est aussi grossier. Parmi eux, les bolets {a} n’ont, dit-on, tué personne, même s’ils provoquent un choléra {b} chez quelques-uns. Cependant, la consommation des autres champignons en a tué certains ; et d’autres ont mis leur vie en danger, affectés de diarrhée ou de choléra, ou même menacés d’occlusion intestinale. Celui qu’on appelle la truffe possède un suc modérément épais, qui n’est pourtant pas mauvais, ressemblant en cela à l’amidon].


    1. Oronges, selon Littré (v. supra notule {a}, note [37]).

    2. Copieux flux de ventre, par haut et par bas, v. note [24], lettre 222.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre II, note 41.

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(Consulté le 27/04/2024)

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