Annexe : Guy Patin éditeur des Opera omnia [Œuvres complètes] d’André Du Laurens en 1628, note 48.
Note [48]

Gabrielis Falloppii Mutinensis Physici, et Chirurgici nostrorum temporum eximii De Morbo Gallico Liber absolutissimus a Petro Angelo Agatho Materate (eo legente) scriptus ; iam in gratiam hominum editus, e scholiis marginalibus illustratus. A quo etiam additæ sunt exercitationes quædam nobiles passim insertæ, passim hac nota [ ] a reliquo orationis contextu secretæ. Additus etiam est in calce de Morbo Gallico tractatus, Antonii Francanciani Bononiæ in loco eminentis scientiæ fœliciter legentis. Editio prima.

[Livre absolument complet de Gabriel Fallope, natif de Modène, remarquable médecin et chirurgien de notre temps, sur le Mal français, écrit (sous sa dictée) par Petrus Angelus Agathus natif de Matera, {b} qui l’a publié pour le bien des hommes et illustré de scoles marginales ; il a aussi partout ajouté de généreux commentaires qu’il a insérés dans le texte, ou qui les en a séparés en les mettant entre crochets. En outre, a été ajouté à la fin le traité sur le Mal français d’Antonius Fracancianus {c} de Bologne, qui procure un supplément de savoir, qu’on lira avec bonheur.Première édition]. {d}


  1. Ouvrage posthume d’un auteur que Guy Patin a rangé parmi les grands anatomistes dans son épigramme latine que j’ai précédemment transcrite et traduite : v. supra note [27].

  2. Giovanni Bonacci, dit Pietro Angelo Agato, médecin italien du xvie s. ; Matera est la capitale de la province de même nom dans la Basilicate.

  3. Fragments des leçons données à Bologne en 1563 par le médecin Antonio Fracanzani (mort en 1567).

  4. Padoue, Lucas Bertellus et associés, 1564, in‑4o en deux parties de 128 et 32 pages.

Ce traité est composé de 102 courts chapitres, dont le fort instructif iie (première partie, pages 2 vo‑3 ro) est intitulé De Nominibus variis morbi Gallici [Des diverses dénominations du mal français] :

In materia morbi Gallici proposita sunt capita discutienda, inter quæ primum locum habent nomina eius, quæ sunt principium, fons et origo omnis nostræ cognitionis ; et hæc non simplicia sunt, sed sicut morbus univesæ Europæ communis, ita varias sortitus est appellationes. Unde Itali Gallicum vocant, et variolam Gallicam ratione dicta, quia in Gallis primum apparuit. Galli scabiem, vel morbum Italicum vocant, quia revera in Italia primum infecti sunt, hincque tanquam præmium victoriæ partæ hanc preciosam mercem in Regiones suas detulerunt : vocant quin etiam Hispanicam scabiem, quoniam affectus ab Hispanis communicatus est Germani et ipsi habent proprias voces ; nam apud aliquos mevium reperietis, et ita ergo legi apud aliquos scriptores Germanos, appellationis causa non ita constat, nisi dicamus, quod mevium significet partes obscenas invasas morbo. Mevium enim obscenus est. Hispanicam etiam scabiem nominant. In Hispania morbum Neapolitanum, et huius audistis causam, quia primum in obsidione Neapolis floruit morbus. Vocant etiam Patursa. Fortasse est nomen hoc proprium in India, a quibusdam interpretatur morbus magnus, fœdus, et violentus. Aliqui ad imitationem antiquorum scriptorum, (qui solebant lichenem Mentagram appellare eo quod agresti modo mentum primum invaderet postea faciem quidem collum, pectus, manusque fœdo quoddam furfure occupat) Pudendagram vocant ; quia primum inficit pudenda et fœminea, et virilia. Hieronymus Fracast. Philosophus, Medicus, Mathematicus, et Poeta excellentissimus (quæ species laudis non ita multis conveniunt) dum iuniori esset in ætate scripsit Poema de morbo Gallico ita iucundum, ita venustum, ut plurimi cum antiquis conferant. Hinc vocavit siphila morbum istum, quia ex amore, et coiunctione Veneris inter hominem, et fœminam ut plurimum suboritur. Et ita siphilis quasi concordiæ et amicitiæ Venereæ partus appellatur ; sed quicquid sit non refert dummodo sciamus his nominibus talem spetiem morbi significari.

[En matière de mal français, parmi les principaux chapitres à discuter, viennent en premier ses dénominations, qui sont le principe, la source et l’origine de tout notre savoir ; et la question n’est pas aisée, tant on en a choisi de diverses, car il s’agit d’une maladie qui s’est répandue dans l’Europe entière. Les Italiens la disent française et l’appellent vérole française, parce qu’elle est premièrement apparue en France. Les Français lui donnent le nom de gale ou mal italien, par ce qu’en vérité ils en ont d’abord été infectés en Italie, et qu’ensuite ils ont rapporté cette précieuse marchandise dans leurs provinces, comme un butin de la victoire qu’ils ont remportée là-bas. {a} Bien plus, les Allemands l’appellent gale espagnole, parce qu’elle a été transmise par les Espagnols, mais ils usent aussi de mots qui leur sont propres : ainsi trouverez-vous mevium de-ci de-là, comme je l’ai lu chez certains auteurs allemands, mais la raison n’en est pas évidente si nous n’apprenons que mevium désigne les parties honteuses envahies par une maladie ; {b} mais mevium étant un mot obscène, il emploient aussi celui de gale espagnole. En Espagne, on parle de mal napolitain, ce qui vous en indique la cause, parce qu’elle s’est d’abord épanouie lors du siège de Naples. Ils l’appellent aussi Patursa, qui est peut-être son nom indien d’origine, que certains interprètent comme signifiant grande maladie, répugnante et impétueuse. {c} À l’instar des auteurs antiques (qui donnaient au lichen le nom de mentagra, {d} parce qu’à la manière de cette plante, elle occupe d’abord le menton, puis s’étend à la face, au cou, au poitrail et aux mains sous la forme d’un son {e} hideux), certains l’appellent pudendagra, parce qu’elle affecte d’abord les parties génitales, {f} des femmes comme des hommes. Dans sa jeunesse, l’incomparable philosophe, médecin, mathématicien et poète Jérôme Fracastor (à qui nulles louanges ne suffisent, si nombreuses soient-elles) a écrit un poème sur le mal français, qui est si heureux et si beau que beaucoup le comparent à ceux de l’Antiquité. {g} Il y a appelé cette maladie siphila, parce qu’elle naît le plus souvent de l’amour et de la copulation d’un homme avec une femme ; et ainsi a-t-on donné le nom de siphilis à ce qui est engendré par l’union et l’intimité vénérienne ; {h} mais quoi qu’il en soit, ces dénominations n’ont pas d’importance pouvu que nous sachions le genre de maladie qu’elles désignent].


  1. Les succès militaires de la première guerre d’Italie (1497-1497) ne se sont pas assortis de profit politique pour le roi de France (Charles viii).

  2. Ulrich de Hutten, de Morbo Gallico, chapitre i, pages [a iiii] ro‑vo : {i}

    De morbi Gallici ortu et nomine.

    Pervicit tamen gentium consensus, et nos hoc opusculo Gallicum dicemus, non invidia quidem gentis clarissimæ, et qua vix alia hoc tempore civilior aut hospitalior, sed veriti ne non satis intelligant omnes, si quolibet alio nomine rem signemus. Mira eum statim supestitio excepit, quibusdam divi nescio cuius a nomine Mevium vocantibus.

    Traduction française de François-Ferdinand-Ariste Potton, chapitre premier, pages 3‑4, De la naissance du mal français ; de son nom : {ii}

    « Cependant, suivant l’usage qui a généralement prévalu, moi-même, dans cet opuscule, je l’appellerai le mal français : non certes par haine contre une nation célèbre qui est peut-être aujourd’hui la plus civilisée et la plus hospitalière qui existe, mais par la seule crainte de n’être pas compris par la plupart de mes lecteurs, si je donnais ici un nom différent à cette maladie. Son apparition fit naître une superstition singulière : certaines personnes l’appelaient mevium, du nom de je ne sais quel saint. »

    Note de Potton :

    « Le saint dont il est ici parlé porte des noms différents suivant les contrées : appelé saint Mevius ou Menius en Allemagne, saint Ment ou Sement en Catalogne, en Aragon, il est le saint Méen ou Mein, Mevenus, Melanius des Français. Il avait été abbé de Saint-Jean-B. de Gaël en Bretagne {iii} au milieu du vie siècle. La dévotion populaire du Moyen Âge l’invoquait de préférence pour obtenir la guérison des dartres, des maladies de la peau […]. Un auteur, Joubert, a prétendu que ce nom de mevium, donné par les Allemands, vient d’un mot obscène, {iv} minnen, indiquant les parties qui sont les premières atteintes. »

    1. Mayence, 1519, v. note [14], lettre 532.

    2. Lyon, Louis Perrin, 1865, in‑8o de 216 pages.

    3. Abbaye bénédictine de Saint-Jean-Baptiste, aujourd’hui Saint-Jean-de-Gaël à Saint-Méen-le-Grand (Ille-et-Vilaine).

    4. Laurent Joubert : De Variola magna [La grande Vérole], livre i, chapitre i, page 225, Operum Latinorum Tomus secundus [Tome second des Œuvres latines] (Lyon, 1582, v. note [8], lettre 137), dans une explication étymologique qui semble clairement inspirée de celle de Fallope.
  3. Patursa serait en fait un acrostiche de passio turpis saturnina [honteuse maladie saturnienne (sinistre)].

  4. V. note [2], lettre 449.

  5. Balle de céréale.

  6. Pudenda [honteuses] en latin ; Zacutus Lusitanus a plus tard expliqué le mot pudendagra : v. note [17], lettre 211.

  7. Syphilis, sive Morbus Gallicus (Vérone, 1530, v. note [2], lettre 6).

  8. Avec siphila et siphilis (sans étymon grec identifié), Fallope semblait curieusement s’égarer en ignorant l’éponyme berger Syphilis imaginé par Fracastor.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe : Guy Patin éditeur des Opera omnia [Œuvres complètes] d’André Du Laurens en 1628, note 48.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8229&cln=48

(Consulté le 13/10/2024)

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