Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-4, note 5.
Note [5]

L’infortune de Lucrèce (Lucretia), qui se donna la mort après avoir été violée par Sextus Tarquinus, fils de Tarquin le Superbe, roi de Rome, à la fin du vie s. av. J.‑C. (v. note [11] du Naudæana 2), est une célèbre affaire que, parmi bien d’autres, Tite-Live a racontée, et que saint Augustin a commentée (v. infra note [6]). L’infamie de ce double crime est réputée avoir fait basculer la royauté de Rome dans la république.

René Laurens de La Barre (mort en 1628), président de l’élection de Mortain, en Normandie, a publié quelques ouvrages d’érudition sur les monnaies et sur les devoirs des officiers royaux élus (principalement chargés de percevoir la taille, v. note [50], lettre 152).

Les vers que citait L’Esprit de Guy Patin ne sont pas de lui, mais de Théodore de Bèze : {a} c’est d’une épigramme intitulée Lucretia, qui figure à la page 116 vo de ses Poemata varia [Poèmes divers]. {b} Outre les deux variantes que j’ai insérées dans ma transcription du Faux Patiniana (marquées par des sic), les deux membres du dernier vers y sont inversés : Vel furiosa ruis, vel scelerata cadis pour Vel scelerata cadi, vels furiosa ruis. En voici une traduction plus prosaïque :

« Si, Lucrèce, tu pris plaisir à l’adultère, tu as tort d’en réclamer le meurtre {c} pour juste récompense. S’il s’agit plutôt, au contraire, d’une violence portée contre ta chaste pudeur, quelle est alors cette folie qui te fait vouloir mourir pour le crime d’un agresseur ? {d} Tu recherches donc vainement la louange, car soit tu t’égares, comme insensée, soit tu succombes, comme criminelle. » {e}


  1. Mort en 1605, v. note [28], lettre 176.

  2. Genève, 1614, v. note [34] du Borboniana 7 manuscrit.

  3. Sic pour « la mort », le meurtre de toi-même, le « suicide ».

  4. Sic pour « d’un autre ».

  5. Propositions inversées dans Bèze qui, en fervent calviniste, ne voyait aucun moyen de justifier chrétiennement le suicide de Lucrèce.

Exhumer un auteur aussi peu renommé que Laurens pour commettre une telle erreur d’attribution sur un poème de Bèze surprendrait venant de Guy Patin. Cet article de son imaginatif Esprit vient de deux sources qui ont curieusement fait cette même faute :

  • le Grand dictionnaire historique de Louis Moréri (Lyon, 1674, page 839, repris dans le Faux Patiniana II‑7, v. sa note [101]) ;

  • le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle (Rotterdam 1702, tome 2, page 1915, note D, notule marginale e), avec la même traduction française que celle du Faux Patiniana (que Bayle a extraite d’un texte de Henri Estienne). La longueur de son article (6 pages) montre l’intérêt que les sceptiques du second xviie s. prêtaient au viol des femmes, sujet que Patin ne s’est pas appesanti dans ses lettres.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-4, note 5.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8217&cln=5

(Consulté le 19/03/2024)

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