À Charles Spon, le 24 décembre 1649, note 6.
Note [6]

Guy Patin avait conclu sa précédente lettre à Charles Spon, datée du 3 décembre, en disant qu’il ne lui écrirait sans doute plus avant la nouvelle année.

L’attentat contre Guy Joly, qui faillit rallumer la Fronde déliquescente du Parlement, avait sans doute été ce qui lui fit reprendre plus tôt la plume. Furieux de ne toujours pas toucher les dividendes qui leur étaient dus, les rentiers de l’Hôtel de Ville s’étaient assemblés à plusieurs reprises et avaient, pour les défendre, élu syndics douze des leurs. Trouvant là une belle occasion de relancer les troubles, les frondeurs avaient noyauté cette agitation, mais se heurtèrent à l’interdiction des assemblées de rentiers par le Parlement. Voyant que l’affaire allait s’enliser dans les méandres de la procédure, les frondeurs conçurent un stratagème pour provoquer l’exaspération des bourgeois : simuler une tentative d’assassinat contre Guy Joly, qui était l’un des syndics élus et un compère du coadjuteur. Le 11 décembre, comme Joly sortait de chez le président Charton (v. note [2], lettre 216), antimazarin convaincu et autre syndic des rentiers, un cavalier tira des coups de pistolet sur son carrosse, le blessant légèrement au bras. Joly et Charton déposèrent une plainte devant le Parlement.

Journal de la Fronde (volume i, fo 151 ro, ) :

« Il fut résolu seulement qu’il {a} en serait informé, et MM. Doujat et de Champrond {b} furent députés pour se transporter l’après-dînée sur le lieu où le coup avait été fait ; et cependant, le marquis de La Boulaye, {c} s’étant trouvé au Palais et ayant parlé au président Charton comme il arrivait, fut aux environs du Palais, le pistolet à la main, criant aux armes et qu’on fermât les boutiques ; ce que les bourgeois ne voulurent pas faire, mais quelques-uns en fort petit nombre sortirent avec des armes et la plupart des autres accoururent dans les marchés où tout le pain fut aussitôt enlevé. Enfin, ce marquis fut accompagné par ceux qui lui avaient obéi chez M. le coadjuteur, qui ne fut pas content de sa visite. Delà, il {d} fut voir M. Joly qui est aussi logé dans le cloître Notre-Dame et s’en retourna chez lui l’après-dînée à cheval accompagné de 12 cavaliers. Son action l’a fort noirci à la cour et tout Paris croit que c’est une pièce que les frondeurs ont faite exprès pour faire soulever le peuple et trouver moyen de perdre M. le cardinal ; en quoi n’ayant pu réussir, l’on commence à se moquer d’eux et tout le monde dit que la fronderie est à bas. »


  1. Le Parlement.

  2. V. note [28], lettre 391.

  3. Peut-être agent de Mazarin.

  4. La Boulaye.

Le soir du même 11 décembre, le prince de Condé, ayant été faussement avisé qu’on conspirait contre lui, envoya son carrosse vide sur le Pont-Neuf où, en effet, des sbires l’attaquèrent sans autre résultat que blesser (ou tuer) un de ses laquais. Le coadjuteur s’en est plus tard catégoriquement défendu (Retz, Mémoires, pages 577-583), mais il fut accusé d’avoir fomenté ces deux attentats avec le duc de Beaufort, et Condé leur en demanda raison devant le Parlement. Les magistrats, se souvenant que M. le Prince avait naguère tant cherché à les humilier, l’engluèrent de bon cœur dans une procédure pipée (v. infra note [21]) : « celui qui savait vaincre ses ennemis dans les batailles ne pouvait souffrir d’être maltraité dans le Parlement » (Mme de Motteville, Mémoires, page 319). Mazarin a probablement été le manipulateur de ces deux affaires confuses à souhait qui brisèrent définitivement le ralliement de Condé aux restes de la première Fronde et permirent son arrestation le 18 janvier suivant, sans causer d’émotion populaire.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 décembre 1649, note 6.

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(Consulté le 03/12/2024)

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