À Johannes Antonides Vander Linden, le 22 mars 1662, note 9.
Note [9]

L’Hippocrate de Johannes Antonides Vander Linden ne contient pas la liste des saints docteurs et Pères de l’Église qui ont cité Hippocrate dans leurs écrits. L’anthologie qui suit en donne un aperçu.

  • V. note [51], lettre 99, pour les vincula Hippocratis [entraves d’Hippocrate] dans les Lettres de saint Jérôme.

  • Saint Augustin (v. note [5], lettre 91), avec les traductions de Poujoulat et Raulx (1864-1872).

    • La Cité de Dieu (livre xxii) :

      In eadem Carthagine Innocentia, religiosissima femina, de primariis ipsius civitatis, in mamilla cancrum habebat, rem, sicut medici dicunt, nullis medicamentis sanabilem. Aut ergo præcidi solet et a corpore separari membrum ubi nascitur, aut, ut aliquanto diutius homo vivat, tamen inde morte quamlibet tardius adfutura, secundum Hippocratis, ut ferunt, sententiam omnis est omittenda curatio. Hoc illa a perito medico et suæ domui familiarissimo acceperat et ad solum Deum se orando converterat. Admonetur in somnis propinquante Pascha, ut in parte feminarum observanti ad baptisterium, quæcumque illi baptizata primitus occurrisset, signaret ei locum signo Christi. Fecit, confestim sanitas consecuta est. Medicus sane, qui ei dixerat ut nihil curationis adhiberet, si paulo diutius vellet vivere, cum inspexisset eam postea et sanissimam comperisset, quam prius habere illud malum tali inspectione cognoverat, quæsivit ab ea vehementer quid adhibuisset curationis, cupiens, quantum intellegi datur, nosse medicamentum, quo Hippocratis definitio vinceretur. Cumque ab ea quid factum esset audisset, voce velut contemnentis et vultu, ita ut illa metueret, ne aliquod contumeliosum verbum proferret in Christum, religiosa urbanitate respondisse fertur : “ Putabam, inquit, magnum aliquid te mihi fuisse dicturam ". Atque illa iam exhorrescente, mox addidit : “ Quid grande fecit Christus sanare cancrum, qui quadriduanum mortuum suscitavit ? ”

      « Dans la même ville de Carthage, une femme pieuse et du rang le plus distingué, nommée Innocente, avait un cancer au sein, mal incurable selon les médecins. On a coutume de couper la partie où est le mal, ou, si l’on veut prolonger un peu sa vie, de n’y rien faire du tout ; et c’est, à ce qu’on dit, le sentiment d’Hippocrate. Cette dame avait appris cela d’un savant médecin, son ami ; de sorte qu’elle n’avait plus recours qu’à Dieu. La fête de Pâques étant proche, elle fut avertie en songe de prendre garde à la première femme qui se présenterait à elle au sortir du baptistère et de la prier de faire le signe de la croix sur son mal ? Cette femme le fit, et Innocente fut guérie à l’heure même. Le médecin qui lui avait dit de n’employer aucun remède si elle voulait vivre un peu plus longtemps, la voyant parfaitement guérie, lui demanda ce qu’elle avait fait pour cela, étant sans doute bien aise d’apprendre un remède qu’Hippocrate avait ignoré ; mais comme elle le lui dit, il lui répondit agréablement : “ Je pensais que vous m’alliez dire quelque chose de bien merveilleux. ” Et comme il accompagnait cette réponse d’un air si dédaigneux que cette femme avait grande peur qu’il n’allât dire quelque parole outrageuse contre Jésus-Christ : “ Quelle grande merveille, ajouta-t-il aussitôt, que Jésus-Christ ait guéri un cancer, lui qui a ressuscité un mort de quatre jours ? ” »

    • Contre Fauste, le manichéen, livre xxxiii, Autorité des Évangiles, chapitre vi, Comment se fonde la certitude historique :

      Quasi vero et in litteris sæcularibus non fuerunt certissimi auctores, sub quorum nominibus postea multa prolata sunt, et ideo repudiata, quia vel his quæ ipsorum esse constaret minime congruerunt, vel eo tempore quo illi scripserint, nequaquam innotescere, et per ipsos vel familiarissimos eorum in posteros prodi commendarique meruerunt. Nonne, ut alios omittam, sub Hippocratis medici nobilissimi nomine quidam libri prolati, in auctoritatem a medicis non recepti sunt ? Nec eos adiuvit nonnulla similitudo rerum atque verborum ; quando comparati eis quos vere Hippocratis esse constaret, impares iudicati sunt ; et quod ab eo tempore, quo et cætera scripta eius, non innotuerunt quod vere eius essent. Hos autem libros, quibus illi qui de transverso proferuntur comparati respuuntur, unde constat esse Hippocratis, unde si quis hoc neget, nec saltem refellitur, sed ridetur, nisi quia sic eos ab ipso Hippocratis tempore usque ad hoc tempus et deinceps successionis series commendavit, ut hinc dubitare dementis sit ? Platonis, Aristotelis, Ciceronis, Varronis, aliorumque eiusmodi auctorum libros, unde noverunt homines quod ipsorum sint, nisi eadem temporum sibimet succedentium contestatione continua ?

      « Comme si, dans la littérature profane, il n’y avait pas aussi des écrivains sur l’existence desquels on ne peut élever le moindre doute, mais sous le nom desquels beaucoup d’ouvrages ont été publiés ensuite, puis rejetés, ou parce qu’ils ne s’accordaient point avec ceux qu’on leur attribuait en toute certitude, ou parce qu’ils étaient inconnus dans le temps où ces auteurs écrivaient, et n’avaient pas eu l’honneur d’être recommandés et confiés à la postérité par leurs plus intimes amis ! Pour n’en citer qu’un exemple : n’a-t-on pas publié, sous le nom de l’illustre médecin Hippocrate, des livres dont les médecins n’ont pas reconnu l’authenticité ? Une certaine ressemblance de choses et de mots ne leur a servi de rien : rapprochés de ceux qui sont certainement d’Hippocrate, ils ont été jugés inférieurs, outre que leur authenticité n’a point été constatée en même temps que celle des autres. Mais ces livres authentiques, en comparaison desquels ceux-là sont rejetés, comment sait-on qu’ils sont d’Hippocrate, comment se fait-il que l’on ne réfute pas celui qui le nie, mais qu’on se contente d’en rire, si ce n’est parce qu’une tradition constante les a transmis comme tels depuis le temps d’Hippocrate jusqu’à nos jours, tellement qu’il faut être fou pour élever un doute là-dessus ? Et les ouvrages de Platon, d’Aristote, de Cicéron, de Varron et d’autres auteurs de ce genre, comment sait-on qu’ils sont d’eux, si ce n’est par le témoignage ininterrompu des temps qui se sont succédé ? »

      Telle est la vertigineuse question des textes antiques, médicaux ou autres, qu’on attache au nom d’un auteur célèbre : je l’ai effleurée dans ma notice sur Galien (supposé avoir connu une grande célébrité au iie s. de notre ère, v. note [6], lettre 6), mais dont saint Augustin (écrivant au ve s.) n’a pas même ici dit un mot.

  • Saint Ambroise (v. note [24], lettre 514), Epistola vii, 39 (cité par Littré dans l’introduction de son Hippocrate, pages 393‑394) :

    Celebretur itaque hebdomas, eo quod septem ætates vita hominum usque ad senectutem transcurritur, sicut Hippocrates medicinæ magister scriptis explicuit suis. Prima ætas infantia est, secunda pueritia, tertia adolescentis, quarta juventus, quinta virilis ætas, sexta ævi maturitas, septima senectus. Est ergo infans, puer, adolescens, juvenis, vir, veteranus, senex. Ergo Hippocrates vel septem ætates vel hebdomadas ætatum norit ; in illis se hebdomadas præferet.

    [Que soit donc célébrée la semaine, puisque la vie des hommes parcourt sept âges jusqu’à atteindre la vieillesse, comme Hippocrate, le maître de la médecine, l’a expliqué dans ses écrits : 1. petite enfance, 2. enfance, 3. adolescence, 4. âge adulte jeune, 5. âge adulte accompli, 6. âge mûr, 7. vieillesse ; ce qui correspond aux états de nourrisson, d’enfant, d’adolescent, d’adulte jeune, d’homme, d’homme mûr et de vieillard. Hippocrate a donc reconnu sept périodes ou un septénaire des âges, et de là se verront les sept jours de la semaine].

  • Saint Bernard de Clairvaux (v. note [36], lettre 524), Sermons sur le Cantique des cantiques (xxx, § 10) :

    Tu quoque si propriam deseras voluntatem, si corporis voluptatibus prefecte renuncies, si carnem tuam crucifigas cum vitiis et concupiscentiis, sed et mortifices membra tua, quæ sunt super terram : probabis te Pauli imitatorem, qui non facias nimam tuam pretiosiorem teipso : probabis et Christi discipulum, etiam illam perdendo salubriter. Rt quidem prudentius eam perdis ut custodias, quam custodis ut perdas. Nam qui voluerit animam suam salvam facere, perdet eam. Quid hic vos dicitis obervatores ciborum, morum neglectores ? Hippocrates et sequaces ejus docent animas salvas facere in hoc modo : Christus et ejus discipuli perdere. Quemnam vos e duobus sequi magistrum eligitis ? At manifestum se facit qui sic disputat : Hoc oculis, hoc capiti, et illud pectori vel stomacho nocet. Profecto unusquisque quod a suo magistro didicit, hoc in medium profert. Num in Evangelio legisti has differentias, aut in prophetis, aut in literis apostolorum ? Caro et sanguinis pro certo revelavit tibi hanc sapientiam, non spiritus Patris : est enim carnis hæ sapientia. Sed audi quid de ipsa nostri medici sentiant. Sapientia, inquiunt, carnis mors est ; item : Sapientia carnis inimica est Deo. Num Hippocratis seu Galeni sententiam aut certe de schola Epicuri debui proponere vobis ? Christi sum discipulus ; Christi discipulis loquor ; ergo si peregrinum dogma induxero, ipse peccavi. Epicurus atque Hippocrates, corporis alter voluptatem, alter bonam habitudinem præfert : meus Magister utriusque rei contemptum prædicat. Animæ in corpore vitam, quam summo studio iste unde sustentet, ille unde et delectet, inquirit, atque inquirere docet, Salvator monet et perdere.

    « Quant à vous, si vous vous dépouillez de votre propre volonté, si vous renoncez parfaitement aux volontés charnelles, si vous crucifiez votre chair avec ses vices et ses concupiscences, si vous mortifiez vos membres, tandis que vous êtes sur la terre, vous vous montrerez imitateur de saint Paul, puisque vous ne ferez pas plus d’état de votre âme que de vous-même ; vous témoignerez encore que vous êtes disciple de Jésus-Christ, puisque vous la perdez pour votre salut. D’ailleurs, vous ferez plus prudemment de la perdre pour la conserver que de la conserver pour la perdre ; puisque le Sauveur nous assure que “ celui qui veut sauver son âme la perdra ”. {a} Que dites-vous ici, vous qui observez les qualités des mets, et négligez les mœurs ? Hippocrate et ses sectateurs enseignent à sauver l’âme en ce monde, Jésus-Christ et ses disciples à la perdre. Lequel des deux voulez-vous plutôt suivre pour maître ? Celui-là répond assez clairement, qui dit à propos de tout ce qui se mange : cela nuit aux yeux, ceci à la tête, et cette chose à la poitrine ou à l’estomac. Chacun parle sans doute, selon ce qu’il a appris de son maître. Avez-vous lu ces différences dans l’Évangile, dans les prophètes, ou dans les écrits des apôtres ? C’est indubitablement la chair et le sang, non l’esprit du Père qui vous a révélé cette sagesse. Car c’est là la sagesse de la chair. Mais écoutez le jugement qu’en font nos médecins à nous : “ La sagesse de la chair, disent-ils, est une mort ” ; et ailleurs, “ La sagesse de la chair est ennemie de Dieu ”. {b} Car faut-il que je vous propose le sentiment d’Hippocrate et de Galien {b} ou ceux de l’école d’Épicure ? Je suis disciple de Jésus-Christ, et je parle à des disciples de Jésus-Christ. Je serais coupable si je vous enseignais d’autres maximes que les siennes. Épicure travaille pour la volupté, Hippocrate pour la santé, et Jésus-Christ, mon maître, m’ordonne de mépriser l’un et l’autre. Hippocrate emploie tout son soin pour conserver la vie de l’âme dans le corps ; Épicure recherche et apprend à rechercher tout ce qui peut y entretenir les plaisirs et les délices, et le Sauveur nous avertit de la perdre. » {b}


    1. Matthieu, 16:25.

    2. Épître de saint Paul aux Romains, 8:5 et 7.

    3. Écrivant au xiie s., saint Bernard connaissait Galien, contrairement à saint Augustin (v. supra).

    4. Traduction de Louis Charpentier, 1873.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 22 mars 1662, note 9.

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(Consulté le 28/03/2024)

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