L. 524.  >
À Charles Spon,
le 26 avril 1658

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 26 avril 1658

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(Consulté le 19/03/2024)

 

Monsieur mon cher ami, [a][1]

Je vous ai envoyé ma dernière le mardi 9e d’avril, de quatre grandes pages. Depuis ce temps-là, je puis vous dire que M. de Rosières, [2] gouverneur de Marsal [3] y est mort, c’est près de Metz [4] sur le chemin de Strasbourg. [1] Dès avant qu’il fût mort, sa femme a pris serment de fidélité de toute la garnison ; ce qui fait ici douter du reste, et qu’elle ne veuille faire dans Marsal ce que MM. de La Rivière [5] et de Fargues [6] ont fait à Hesdin, [7] lesquels enfin ont traité avec le prince de Condé [8] (et non pas avec l’Espagnol pour Hesdin), n’ayant pu s’accorder avec le Mazarin [9] qui a perdu cette occasion par son avarice ; mais on dit que le traité qu’ils ont fait avec le prince de Condé n’est point encore conclu, faute d’argent que l’on ne représente point comptant, de sorte que l’événement est encore douteux.

La banqueroute [10] de M. Bidal [11] est une chose très fâcheuse et déplorable, elle est de 800 000 écus. Ses plus proches parents et ses meilleurs amis y sont malheureusement engagés. Quatre de ses amis lui ont offert 200 000 écus d’argent comptant pour tâcher qu’il se remette, mais il ne les a pas acceptés, il dit qu’il en faudrait davantage. On dit que l’accord qu’il propose à ses créanciers de payer tout ce qu’il leur doit en six ans, sans leur rien faire perdre que l’intérêt de six ans, ne subsistera jamais et qu’il ne se peut accomplir.

Ce 11e d’avril. On dit que la nuit passée il est arrivé à la cour, de la part de M. de Longueville, [12] un courrier qui a rapporté quelque importante nouvelle ; sur quoi l’on a tenu Conseil ce matin, et a été résolu que le roi [13] partira samedi prochain pour aller à Rouen, [14] où le parlement ne veut point obéir, et passer tous les édits qu’on lui a envoyé à vérifier. On dit que l’on y a découvert qu’il y a liaison entre ledit parlement et celui de Bretagne, [15] et que la noblesse continue d’y faire ses assemblées, combien qu’on leur ait défendu. On dit que nous sommes menacés d’une rupture entre Cromwell [16] et le Mazarin, faute de paiement pour les troupes que nous eûmes de lui l’an passé.

Ce 13e d’avril. Le voyage du roi en Normandie est rompu ; même, on dit qu’il ne se fera point et que l’affaire s’adoucira ou qu’elle sera abandonnée plutôt que de l’entreprendre de vive force, de peur d’irriter les crabrons [2][17][18] et de reculer au lieu d’avancer. Nous ne sommes pas en état de gourmander des provinces fortes et entières, aliæ curæ nos fatigant, Alia ex aliis in fata vocamur[3][19]

On a ce matin reçu dans nos Écoles neuf bacheliers [20] qui ont été toute la semaine, par quatre examinateurs [21] qui se sont fort bien acquittés de leur devoir, rudement et sévèrement examinés. Il y en avait un dixième, Parisien savant, mais que l’on a renvoyé pour son impudence et son immodestie. Bon Dieu, que la justice est une belle chose ! mais peu de gens en veulent entendre parler. Des neuf reçus, il y en a deux, et iceux de Paris, docteurs de Montpellier, [22] savoir Gervaise [23] et Petit. [4][24]

Ce 14e d’avril. J’ai aujourd’hui à onze heures du matin été en consultation [25][26] dans les Feuillants [27][28] pour un jeune moine qui a été si fou que de quitter son père et sa mère qui ont bien du bien, et s’aller fourrer là-dedans avec sa tête dans une lucarne. [5] Le roi y était, avec force Suisses [29] et autres gardes, qui y entendait la messe avec le duc d’Anjou, [30] son frère. L’on dit qu’Hesdin est perdue par l’avarice du Mazarin, que les troupes du prince de Condé sont dedans ; que M. le maréchal d’Hocquincourt, [31] qui est avec le même prince, prend la charge de 1 500 chevaux avec lesquels il viendra faire des courses en Picardie ; que le roi ne va point à Rouen, que les exilés de Rouen sont encore à Orléans [32] où ils attendent leur révocation et que leur paix soit faite, laquelle est sur le bureau à cause que les nobles de Normandie se sont déclarés pour le parlement de Rouen.

Ce 20e d’avril. On dit ici que le roi de Hongrie, [33] qui est dans Francfort, [34] presse les électeurs de s’assembler et de faire leur élection, alléguant qu’il faut qu’il aille pourvoir aux affaires de la Hongrie, laquelle est menacée du Turc. [35] On dit aussi que le duc de Saxe [36] y est et qu’il y a fait une belle entrée, mais que le marquis de Brandebourg [37] a mandé qu’il n’y pouvait pas venir et qu’il y enverrait en sa place un certain prince de la Maison de Nassau. Les deux affaires, savoir d’Hesdin et de Normandie, sont ici ou cachées ou fort obscures, on ne sait qu’en dire, elles sont dans le secret du Cabinet et inter arcana imperii[6] Les mazarins disent seulement, mais assez bas, qu’Hesdin n’est pas encore tout perdu, qu’il y a encore du répit, et que l’accord de Normandie se fera et que le voyage est différé, de sorte qu’il n’y a plus de jour déterminé pour partir ; mais nouvelles sont arrivées que la reine de Suède, [38] après avoir été quelque temps en Provence, s’est embarquée à Toulon [39] pour aller à Rome.

Ce 21e d’avril, jour de Pâques. On dit ici que le maréchal d’Hocquincourt, qui est avec le prince de Condé avec 2 000 chevaux, est venu vers Bapaume [40] et qu’il a surpris une petite ville nommée Pont-Dormi. [7][41] On dit que le courrier en arriva hier et que cette mauvaise nouvelle a fort affligé l’Éminentissime, que j’ai vu ce matin en grande dévotion dans notre paroisse de Saint-Germain< -l’Auxerrois >, [42] où il a entendu la messe et a communié dans la chapelle dans laquelle est enterré feu M. le premier président de Bellièvre. [43] Le roi avait entendu la grande messe du chœur et en est sorti tambour battant pour s’en aller dans la grande galerie du Louvre [44] y toucher des écrouellés [45] qui l’y attendaient au nombre de douze cents. [8] On parle ici d’un prédicateur du Louvre qui y a prêché le carême, nommé le P. Joseph de Morlaie, [46] capucin[47] lequel en prêchant la passion de Jésus-Christ le vendredi saint devant le roi, [48] absentibus regina et Mazarino[9] lui parla fort hardiment à propos de la vérité et lui dit, entre autres choses, que son pauvre peuple n’en pouvait plus, qu’il y avait à la cour plusieurs étrangers qui tiraient le dernier sol de la France, et que tout cela se faisait sous ombre de faire la guerre pour le bien du royaume, avec les ennemis de l’Église ; il entend sans doute Cromwell et le roi de Suède. [49] On dit que le roi l’écouta fort attentivement, mais qu’il baissa la tête et les yeux quand il entendit parler de ces étrangers. On ne dit pas ce qui en arrivera. Tout au pis aller, un moine n’a rien à perdre, il n’y a pas plus loin en paradis de la Bastille que de son couvent. Tous les prêcheurs en devraient faire de même, voire davantage ; mais la plupart sont retenus et empêchés præmio vel metu[10] et ainsi deviennent bêtes de l’Évangile, Canes muti, non valentes latrare[11][50] On n’a jamais manqué de ces gens-là.

Enfin, voilà votre M. Basset [51] qui vient de sortir de céans. Il m’a dit adieu, espérant de partir demain pour s’en retourner à Lyon où, dans peu de temps à ce qu’il dit, il espère d’être reçu, vous autres Messieurs étant obligés de le recevoir suivant l’accord qu’il a fait avec vous, lequel a été confirmé par arrêt de la Cour. Il se fait tout blanc de son épée [12] et semble ne rien craindre. C’est un jeune homme qui a bien de la vanité, je pense qu’il en a dans la tête pour longtemps et folium a capite eius non defluet[13][52] Je vous supplie de faire mes recommandations à MM. Guillemin, Garnier, Gras et Falconet. Tous, tant que vous êtes d’habiles gens, je ne pense pas que puissiez jamais guérir ce miles gloriosus, qui crus fractum obligavit Æsculapio, Apollini autem brachium[14][53][54][55] Vous lui ferez grand plaisir de l’amender et de le convertir, et ce ne sera pas peu si vous en pouvez jamais venir à bout.

Le 22e avril. Tout ce que l’on dit d’Hesdin à la cour n’est que menterie. Il est fricassé et perdu tout à fait pour nous : dès le 25e de mars, le prince de Condé en est devenu le maître par l’avarice et la faute du Mazarin, c’est ce que je viens d’apprendre d’un habile homme, lequel m’a dit que hier l’ordre fut donné pour les officiers qu’ils eussent à se tenir prêts et que le roi veut partir jeudi prochain. Et tamen adhuc incertum est : [15] je viens d’une consultation avec M. Merlet, [56][57] notre ancien, pour un enfant de bonne famille qui habet faciem fædatam multiplici herpete [16][58] et qui est, outre plus, asthmatique ; [59] au sortir de là, il m’a appris que les deux hommes qui ont vendu Hesdin au prince de Condé ont eu chacun 100 000 livres d’argent comptant, que les Normands n’ont point eu peur des menaces du Mazarin, qu’ils ont traité sagement avec le roi, qu’on leur a rendu leurs conseillers exilés et que les nobles et le parlement sont contents ; et que bientôt le roi s’en va à Amiens. [60] Il dit que les gouverneurs des villes frontières et autres places commencent fort à mépriser le Mazarin, et que le capucin qui a prêché la passion de notre Seigneur le vendredi saint dans le Louvre est un fort honnête homme et que c’est dommage que tous les autres ne lui ressemblent.

Ce 23e d’avril. M. Henry [61] se travaille et se trémousse fort touchant le portrait de feu M. Gassendi, [62] que Nanteuil [63] devait faire et devait avoir rendu il y a déjà six mois. Il y va tous les jours en sollicitation, et Nanteuil le remet tous les jours en se chargeant à chaque moment de nouvelle besogne et s’engageant à toute heure de faire de nouveaux portraits aux plus illustres de Paris, tels que sont Messire Le Tellier, [64] avec un autre secrétaire d’État, divers maîtres des requêtes, présidents et conseillers, etc. Et néanmoins j’ai peur qu’on ne puisse venir à bout de ce diable d’ouvrier, tant il est grand trompeur et bailleur de cassades fort extravagant ; si bien que je ne sais quand ce portrait sera achevé. Et en attendant, la fin de l’édition approche car l’on dit ici qu’il n’y a plus que pour un mois de travail. Et à propos, notre épître de cicuta Socratis [65] est-elle imprimée ? [17] Quand vous verrez M. de La Poterie, [66] faites-moi la faveur de lui présenter mes très humbles recommandations ; et m’excusez, s’il vous plaît, de tant de peines que je vous donne.

On dit ici que le roi s’en va jeudi prochain, que M. le maréchal de Turenne [67] partira demain, que plusieurs compagnies des gardes sont déjà parties, aussi bien que la plupart du bagage du cardinal Mazarin. On dit qu’ils vont à Amiens.

Mais puisque Basset s’en retourne, mandez-moi de grâce quel compte de son voyage vous a rendu M. Robert, [68] votre député, ce qu’il dit de son arrêt et de notre ville de Paris, car il est bien capable de faire de beaux commentaires.

Je voudrais bien savoir, mais il faut que ce soit de vous, s’il est vrai ce que dit un de mes amis qui a souvent des nouvelles de Lyon, savoir si MM. Arnaud [69] et Borde, [70] font imprimer à Lyon le Ciaconius [71] de Vitis pontificum et cardinalium, etc.[18] continué jusqu’à présent en trois tomes in‑fo ? Ce livre est bien curieux et fort utile pour l’histoire, mais il y a bien des fautes et des manquements que l’on doit avoir ôtés ; autrement, l’ouvrage est incommode. J’apprends que l’auteur du livre intitulé Catalogus scriptorum Societatis Iesu, nommé D’Alegambe, [72] est mort ; [19] mais qu’en sa place, il y a un autre père à Anvers [73] qui a poursuivi et continué son dessein, et que l’on en va faire une nouvelle édition in‑fo. Ce livre est fort commode pour une bibliothèque car il y a bien là-dedans des particularités fort exactes, et tant de gens qui se sont distillé la cervelle pour barbouiller du papier et mettre du noir sur du blanc, et même quelquefois aux dépens de la vérité et de leur conscience, s’ils en avaient.

Mais Dieu me garde que j’oublie de vous mander que le bonhomme M. Sebizius [74] de Strasbourg m’a fait l’honneur de m’écrire une fort belle lettre dans laquelle, entre autres discours, il dit qu’il a toujours fait état de la France et des médecins français ; qu’il y a 50 ans passés qu’il étudiait à Paris sous MM. Piètre [75] et Riolan. [76] C’étaient l’oncle et le neveu : c’était le grand Simon Piètre qui mourut l’an 1618, fils aîné de Simon Piètre, [77] sub quo decano fuit damnatum stibium[20] l’an 1566, et qui mourut l’an 1584 ; ce Simon l’aîné mourut à 55 ans et a laissé un autre frère nommé Nicolas Piètre [78] que j’ai fort connu, qui a été un grand personnage et qui est mort l’ancien [79] de notre Compagnie l’an 1649 durant notre siège de Paris, âgé de 80 ans ; il est le père de Jean [80][81] qui nous reste aujourd’hui de tam bona prosapia ; [21] celui-ci est fort savant, mais il n’a pas toutes les vertus de son père, il en veut avoir à quelque prix que ce soit. De plus, M. Sebizius m’a mandé qu’il avait encore en France deux excellents amis, Carolum Sponium et Henricum Gras[22][82] sur quoi je vous laisse à penser ce que je lui ai répondu. Il dit aussi qu’il honore fort la mémoire de feu M. Moreau, [83] qui lui a donné autrefois un Sylvius [84] qu’il garde précieusement à cause de lui. [23] Je lui ai fait réponse du mieux que j’ai pu, mais je suis bien aise d’avoir sa connaissance et ses bonnes grâces ; ce qui m’est arrivé fort innocemment, car cela vient de ce qu’un de mes auditeurs, qui avait été le sien, quem natum nesciebam[24] lui manda que je l’avais cité en chaire avec honneur et que j’avais loué son livre de Variolis et morbillis, et une autre fois celui de Acidulis, qui est pourtant le meilleur de tout ce qu’il a fait, quamvis alia multa pene infinita scripserit[25]

Les augustins du grand couvent [85][86] qui est au bout du Pont-Neuf [87] ont eu tout fraîchement de grosses querelles les uns avec les autres. [26] Le prieur a eu le crédit par ses plaintes d’en faire mettre deux dans la Bastille, [88] lesquels ayant été examinés se sont si bien défendus et ont tellement chargé leur prieur qu’il a été pris et mené dans la Conciergerie [89] et mis dans la tour de Montgomery, qui est celle dans laquelle fut enfermé Ravaillac. [27][90] La reine [91] et le Mazarin ont désiré que ce prieur fût incontinent remis en liberté, mais ils n’ont pu en venir à bout, les arrêts du Conseil et les arrêts d’en haut [92] ne l’ayant pu tirer de là. Enfin, il fut conclu que MM. le chancelier [93] et Le Tellier, [94] secrétaire d’État, iraient l’enlever de vive force avec six compagnies du régiment des gardes, ce que M. le chancelier ne voulut pas entreprendre, soit qu’il eût peur de l’événement, ou qu’il eût peur de se mal mettre avec le Parlement. Enfin, M. le président de Mesmes, [95] qui était contre le prieur, ayant été mandé par M. le chancelier et n’y voulant pas aller lui-même, y envoya son fils le maître des requêtes, [28][96] et fut accordé que le prieur serait mis en liberté, à la charge que les deux augustins qui sont dans la Bastille y seraient pareillement mis. Ainsi, le prieur des augustins sortit hier de prison. Le P. Joseph de Morlaie, capucin, a été dire adieu au roi qui ne lui a rien dit sinon qu’il se recommandait bien fort à ses prières ; il a pareillement été le dire au Mazarin, mais on ne sait pas ce qu’il lui a dit. Ceux de Nîmes [97] ont repris les armes, d’autant qu’on ne veut pas leur tenir ce qu’on leur a promis. [29] Mme d’Aiguillon [98][99] offre une sienne nièce [100][101] au Mazarin pour son neveu Mancini, [102][103] avec tout ce qu’elle a de bien hormis une pension de 100 000 écus qu’elle retient. C’est qu’elle est malcontente de ses trois neveux et qu’elle tâche de se bien mettre avec le Mazarin, duquel elle a besoin. Ces trois neveux sont le duc de Richelieu [104] qui a épousé une veuve [105] dont il n’a point d’enfants, le marquis de Richelieu [106] qui a épousé la fille de Mme de Beauvais [107][108] et en a des enfants, et l’abbé de Richelieu [109] (je vois ici beaucoup de gens qui doutent du père et de la mère de ces trois frères, mais ils ont tort car il n’en faut point douter du tout) ; pour cette nièce, je ne sais qui elle est car je n’ai jamais ouï parler que de trois garçons. [30] On dit que le maréchal d’Hocquincourt a reçu de don Juan d’Autriche [110] un diamant de 50 000 écus et cinq régiments entretenus qu’on lui donne, sur lesquels seul il a du pouvoir. Il fait fortifier Pont-Dormi et a déjà défait deux de nos régiments qu’il a trouvés sur la frontière de Picardie.

J’avais prié d’écrire un de mes amis à Sedan [111] pour m’y recouvrer Theses omnes theologicas Petri Molinei, Ramburtii et aliorum [112][113] dont j’en avais vu un recueil ici, lequel n’était composé que de pièces séparées ; [31] à quoi il m’a répondu que nous aurons le tout en son temps puisqu’elles sont sur la presse, et qu’il y en aura trois gros volumes ; mais je ne sais si cela s’imprime à Sedan ou à Genève. Mais à propos de Genève, l’on ne parle plus de ce Paracelse [114] en deux volumes in‑fo, ne me sauriez-vous dire quand il viendra ? Tout au moins, aimez-moi toujours, et vous et cette bonne femme qui me connaît comme si elle m’avait nourri, et croyez que je serai toute ma vie tuus aere et libra, [32] G.P.

De Paris, ce vendredi 26e d’avril 1658, ipso Fernelii centenario[33][115][116]

Un partisan m’a dit ce matin, que le capucin qui a prêché la Passion devant le roi est un vieux fou qui ne sait ce qu’il dit et que les prêcheurs devraient être envoyés aux galères : [117] voilà comment chacun parle pour son intérêt.

On dit que M. Bidal a traité et accordé avec ses créanciers à payer dans six ans sans intérêt et que la plupart ont signé ; mais on croit que cela ne réussira point. Toute la troupe des marchands peste fort contre lui, disant que cela les décrédite.

Le roi partit hier pour Amiens. La reine s’était trouvée mal la nuit d’auparavant, à cause de quoi elle ne put partir avec lui ; elle est pourtant partie le même jour afin de ne point abandonner le roi. La paix entre le Danemark et le Suédois est exécutée, et celle d’entre Suède et le Polonais [118] est rompue. [119] M. de Roquelaure, [120] sortant du Louvre la nuit en carrosse, depuis quatre jours, a été attaqué par plusieurs soldats ; ses gens l’ont défendu, il a été tiré de part et d’autre et il s’est sauvé. [34] Le lendemain matin, dix soldats fort blessés s’allèrent mettre à l’Hôtel-Dieu [121] pour y être pansés de leurs plaies ; d’où tôt après ils ont été tirés et menés en prison où on leur fait leur procès. Le parlement de Toulouse [122] et les états du Languedoc [123] ont fait de grandes plaintes contre un intendant nommé Méliand, [124] maître des requêtes, fils d’un procureur général et gendre d’un partisan nommé Bossuet, [125] contre lequel le parlement de Toulouse a donné arrêt. [35] On dit que le Mazarin envoie à Cromwell un million, mais on ne dit rien ici du dessein de cette campagne, sinon que l’on ne trouve point de soldats. Je finis, n’ayant plus rien à vous dire, sinon que je vous baise les mains, et à cette bonne, sage et digne femme, que j’honore et révère de tout mon cœur, et d’autant plus qu’elle me connaît comme si elle m’avait nourri. Je baise pareillement les mains à M. Huguetan l’avocat, à Monsieur son frère le libraire et à M. Ravaud. [126] Quand est-ce que nous verrons le Io. Heurnius[127] quand sera achevé le Gassendi, en combien de tomes pourra-t-il être relié ? On imprime ici une traduction fort exacte, mais qui fera du bruit, du livre de saint Bernard [128] de Consideratione ad Eugenium Papam[36][129] Les jansénistes [130] aiment et font grand état de ce livre, les jésuites, [131] en récompense, lui en veulent bien, qui sunt mancipia et adulatores Papæ[37] Les carmes [132] mangeurs de perdrix sont encore en prison. Vale et me ama[38]

Ce 26e d’avril 1658.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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