Texte
Hyginus Thalassius (1654)
alias Pierre De Mercenne,
Brevis Destructio de la
première Responsio (1652)
de Jean ii Riolan (1654) :
chapitre iv  >

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Les principaux arguments de Riolan
contre les lactifères thoraciques sont démolis
[1][2]

Dans les précédents chapitres, j’ai défendu la bonne réputation de bien chers amis, [3][4] que la loi m’ordonnait de protéger en repoussant les invectives de Riolan à leur encontre. Dans ce chapitre-ci, il vaut maintenant la peine de réfuter les principaux arguments qu’il a avancés, comme « un balai dénoué », [5] contre l’existence des lactifères thoraciques. [1]

Si les neuf arguments contre les lactifères thoraciques que j’ai choisis dans le présent chapitre lui déplaisent, parce que seuls trouvent grâce à ses yeux ceux qu’il a exposés dans sa conclusion contre les lactifères, [51] alors je regroupe tous lesdits arguments et leur procure cette résolution tout à fait certaine et nécessaire : i. si les innombrables lactifères mésentériques ne peuvent se résoudre en deux fins canaux thoraciques, ii. s’ils ne peuvent délivrer le chyle en quantité proportionnée à celle du sang qui jaillit du cœur, iii. si le réservoir du chyle s’efface sous le poids du mésentère et des intestins, iv. si les lactifères sont étouffés par la graisse, v. si le chyle qu’ils contiennent n’est ni poussé, ni attiré, ni capable de s’écouler spontanément, vi. si les veines chylifères rompent, vii. si le chyle est souillé par les ordures de la bile, viii. si le chyle est incapable de monter au cœur en raison de la distance à parcourir, ix. si le chyle peut nuire au cœur et aux poumons ; alors, selon Riolan, les fibres manqueront au sang veineux, le ferment manquera au sang artériel, la nutrition manquera à diverses parties du corps qui ont besoin d’un aliment distinct, comme les os et leur moelle, la reproduction et la réparation manqueront de la graisse qu’on trouve partout dans le corps, l’humeur pituiteuse enfin manquera d’un lieu où se former et s’épaissir. Telles sont en effet toutes les fonctions [Page 227 | LAT | IMG] qu’il a attribuées aux lactifères thoraciques aux pages 187‑188 de sa Responsio : voilà la palinodie qu’il y chante ; [52] voilà comme il établit l’utilité de veines qu’il avait entrepris de culbuter par un grand concours d’arguments. Non seulement il les confirme, mais il leur conçoit de telles fonctions que pas un instant la vie ne pourrait se faire sans elles. Voici l’ordre et la séquence de la Responsio que Riolan a donnée aux Experimenta nova anatomica : d’abord, pages 144‑145, il reconnaît l’existence des lactifères thoraciques, puis il la nie sur des arguments qu’il expose pages 147‑149, et surtout pages 143, 164, 181 ; il l’admet à nouveau ensuite et énonce les fonctions nécessaires des lactifères pages 187‑188 ; et finit par réfuter de nouveau leur existence en recourant dix fois au même raisonnement page 191. C’est ainsi que le vieillard tombe puis se relève, puis tombe encore et titube en permanence ; mais il ne dresse aucun procès-verbal de ses propos, et ne tient rien pour certain et solide, il a pour habitude in diem vivere, comme dit le proverbe. [53][130] Il disait page 181, ligne 12, « il est impossible que le chyle soit porté au cœur en raison de la distance », mais le contraire, page 187, ligne 20 : « Le chyle se déverse dans le tronc de la veine cave près des axillaires, afin qu’une portion du sang, s’étant épaissie par le mélange de ce chyle, s’attarde dans le cœur, et y serve, comme d’un levain plus chaud et plus acide, à la préparation du nouveau sang artériel ». [22] Comment le chyle mélangé au sang peut-il s’attarder dans les fossettes du cœur s’il lui est impossible d’y pénétrer ?

Il dit page 153, « Il est vrai que les lactifères existent chez l’homme, comme je l’ai jadis publiquement démontré, avec admiration de l’auditoire, avant même la publication d’Aselli » ; mais au contraire, pages 184‑185, « Bien qu’elles existent dans les animaux bien repus, en leur ouvrant le ventre quatre heures après, il ne s’ensuit pas qu’il s’en puisse trouver d’identiques chez les hommes ; et s’il s’y en rencontre, je crois que ce sont de petites branches du rameau mésaraïque de la veine porte » : le voilà qui met en doute des veines qu’il a dit un peu plus haut avoir démontrées publiquement.

[Page 228 | LAT | IMG] Page 153, « Si ces veines lactées et ce réservoir du chyle existent chez les bêtes, il ne va pas de soi qu’on les trouve chez l’homme, jamais vous ne les y verrez à moins de le disséquer vivant » ; mais à la dernière ligne de la même page, c’est le contraire, « J’entreprendrai d’observer cela sur des condamnés à la pendaison qu’on aura complaisamment nourris à satiété avant de les exécuter et dont on aura ouvert le corps immédiatement après, s’il m’est permis par les juges et les confesseurs de gaver des suppliciés ». [131]

De même, pages 169‑170, il veut que chez l’homme une portion du chyle que les lactifères ont fait couler dans la veine cave rende les urines laiteuses, et que « le surnageant blanchâtre qu’on voit à la surface du sang recueilli dans un récipient soit du chyle qui s’est corrompu à l’intérieur de la veine cave » ; voyez aussi page 188 de la Responsio[54][132]

Enfin, Guiffart avait écrit sæpius in cadaveribus humanis observatum est, magnam chyli corrupti copiam à receptaculo intra viscerum spatia profusam, quam ob similitudinem decepti medici arbitrabantur pus esse quoddam liquidius, ideóque abscessum aut vomicam [133] per omnes abdominis partes frustra perquirendo, tempus consumpserunt ; à quoi, page 218 de son Admonitio, Riolan répond Istam observationem laudo, addo ex insertione illarum venarum lactearum ad truncum cavæ iuxta emulgentes nonnunquam urinas fluere puriformes, sine ullo renum aliorumque viscerum præcedente ulcere ; interdum etiam per intestina eadem purulentia lactiformis effluit, vel sincera, vel stercoribus permixta, sine ullo dolore intestinorum, quæ reputatur manare à mesenterio ulcerato et abscessum passo. Cum tamen procedat ab ista collectione chyli in magna glandula mesenterij, [134] et in venis lacteis, qui in eas partes protrusus fuit. Idem in thorace contingere potest ruptis istis tubis chyliferis, quod est funestum, ut in ruptura earumdem venarum lactearum in abdomine, nisi venæ illæ lacteæ exarescant, ad sistendum fluorem continuum chyli, atque vacuata fuerit purulentia [Page 229 | LAT | IMG] in abdomine vel thorace diffusa et collecta[55][135] Riolan ne confirme-t-il pas ici, plus clairement que le Soleil en plein midi, l’existence des lactifères thoraciques chez l’homme ? Étant naturâ lynces insitum habent ne post tergum respicientes meminerint priorum, et mens perdat quod oculi videre desierint[56][136] en heureux sacrifice à la vérité, il oublie entièrement ses précédents arguments. Pour que dorénavant sa légèreté de voltigeur ne le fasse plus si souvent changer d’avis, qu’il apprenne de Salomon que « la langue de la vérité est affermie pour jamais ». [57][137][138]



Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Hyginus Thalassius (1654), alias Pierre De Mercenne, Brevis Destructio de la première Responsio (1652) de Jean ii Riolan : chapitre iv

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(Consulté le 03/06/2024)

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