Texte
Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
6. Sur la circulation du sang  >

[Page 189 | LAT | IMG]

Sur la Circulation du sang[1]

Afin de démontrer que le mouvement du sang le transporte, par les artères, du cœur dans tout le corps, et qu’il revient des extrémités au cœur par les veines, il produit, pages 26 et 27, des expériences qu’il a tirées de Harvey et de Wale[2][3] mais en les rédigeant différemment. [1] Elles ne démontrent pas le retour du sang au cœur en se fondant sur la structure et le fonctionnement du corps.

Page 30. Pour montrer que le sang revient au foie par la veine porte, [4] Après avoir lié les branches splénique [5] et mésaraïque [6] près du tronc de la porte, il voit leur sang gagner le foie, étant donné que ledit tronc se vide et que lesdites branches enflent sous la ligature. [2] Il pense aussi que la veine porte, [Page 190 | LAT | IMG] au même titre qu’une artère, charrie une abondance de sang bouillonnant pour soulager l’estomac, [7] parce que < la porte > est pourvue d’une membrane plus épaisse à l’intérieur du foie. Je doute de cette expérience, bien qu’Harvey l’ait produite contre Riolan[3] et que je nie catégoriquement que la paroi des branches de la porte soit plus épaisse que celle de la cave. Dans mon Anthropographie, au chapitre sur le foie, j’ai décrit la différence qu’il existe entre les parois des vaisseaux cave et portes. [4][8][9] Je me demande bien comment la veine porte peut remplir l’office d’une artère, étant donné que le sang qu’elle délivre à l’estomac est celui qu’elle a reçu de l’artère cœliaque : [10] il ne peut donc plus être artériel ni retourner dans l’estomac par les veines, selon la doctrine de la circulation harvéenne, que vous défendez et qui n’admet pas que du sang soit apporté à l’estomac par la veine porte. [5]

Page 32. De la même façon, dites-vous, que les artères envoient le sang depuis leur tronc vers leurs extrémités et que les veines le ramènent des extrémités à leur tronc, celui de la porte envoie le sang, qu’il a reçu des viscères par ses racines ou petites branches initiales, vers ses ultimes ramifications dans le foie ; mais vous n’expliquez pas de quels viscères lui vient ce sang : est-ce, comme vous le supposez, en raison de la minceur disproportionnée des branches cœliaques ? [6] Ce sang, qui vient au foie [Page 191 | LAT | IMG] en grande abondance et s’y écoule pour soulager l’estomac, ne peut donc refluer en totalité dans la veine cave. [11] Contre la doctrine de la circulation harvéenne, la porte distribue un sang veineux bouillonnant à l’estomac, et le foie n’extraira que la bile renfermée dans la porte, qui y sera parvenue par l’artère cœliaque. Le reste du sang, qui ne passe pas par le foie, circulera sans du tout avoir été purgé de sa bile, [12][13] à moins que les reins ne l’aient extrait des artères et des veines. [14]

Page 32. La branche qui transfère le sang du foie dans la veine cave [15] est très courte, il est impossible de la lier sans endommager le parenchyme hépatique. [7] Ces manipulations peuvent-elles être accomplies sans grand épanchement de sang, et la cessation de la vie ne provoque-t-elle pas celle du mouvement sanguin ?

Page 33. Le sang, dit-il, traverse les poumons pour s’écouler des cavités droites du cœur dans les gauches. [16] Si le chyle pénètre ainsi avec le sang dans les poumons, pourra-t-il être digéré et transformé en sang au cours d’une traversée si rapide du ventricule droit [17] et des poumons, sans dommage pour ces organes ? [18] Il part ensuite dans l’aorte, [19] en une course continue et ininterrompue, sans du tout avoir été purgé de ses excréments. [20] Néanmoins, puisque la diversité des aliments rend le chyle impur [Page 192 | LAT | IMG] et qu’un seul repas en produit plus d’une livre, [8] comment une telle quantité peut-elle traverser rapidement deux grêles vaisseaux [21] pour se ruer dans le cœur et les poumons, sans incommoder ni léser ces deux organes ? Pourquoi ces veines lactées et leur réservoir [22] disparaissent-ils après la mort ? S’ils existaient vraiment, ils devraient au moins demeurer remplis de sang, mais il ne subsiste pas la moindre trace des unes comme de l’autre. [9]

Page 33. Vous attribuez le foramen ovale à Botal[23] mais c’est Galien qui l’a trouvé et décrit quand il a traité de la conformation particulière des cavités cardiaques chez le fœtus ; Baptista Carcanus a depuis publié un petit livre sur le sujet. [10][24][25][26] Votre ignorance de l’anatomie m’étonne plus encore quand vous omettez de mentionner la membrane qui est suspendue dans ce foramen ovale et l’obture, en ne laissant passer le sang que dans un sens, jusqu’au moment où sa fermeture l’empêche de refluer. [11]

Pages 34 et 35. Il ne sait pas que jusqu’au quatrième mois de la vie fœtale il n’entre pas de sang dans le ventricule droit du cœur, [27] car il n’est pas encore formé, [28] tout le sang étant dérouté dans l’artère veineuse [29] par le foramen ovale. [12] En liant les vaisseaux du cœur, le voilà qui s’efforce de prouver que le sang passe du ventricule droit dans le gauche [30] en traversant les poumons, [Page 193 | LAT | IMG] ce qui est parfaitement évident et ne peut être mis en doute ; [13][31] mais il devient ridicule, à l’instar de Descartes[32] qui est certes un éminent philosophe mais n’est pas anatomiste, quand il préfère donner à la veine artérieuse [33] le simple nom d’artère et à l’artère veineuse[34] celui de veine, ignorant que la veine artérieuse est un prolongement de l’aorte et l’artère veineuse, un prolongement de la veine cave. [14][35]

Pages 35 et 36. Il ignore le véritable circuit du sang, tel que je l’ai décrit chez le fœtus : celui qu’il imagine et que son esprit crée de toute pièce est parfaitement absurde ; il ne sait pas que le développement du fœtus s’accomplit par étapes, et que les vaisseaux ombilicaux, [36][37] dont la veine est la première à se former, naissent avant que le placenta, ou foie utérin, [38] ait seulement commencé à paraître. [15][39] Le sang de la mère se déverse donc goutte à goutte dans les vaisseaux ombilicaux, veine comme artères, pour assurer la formation du cœur, puis l’assemblage du foie et du placenta. Quand le foie est construit, la veine ombilicale lui délivre le sang qu’elle tire du placenta, et se divise en deux, pour alimenter ses portions cave et porte. Le sang ainsi distribué est recueilli par la veine cave, traverse l’anastomose ovale (qu’il appelle ouverture), [16][40] à côté du cœur dont les cavités ne sont pas encore bien creusées, puis se rend dans [Page 194 | LAT | IMG] l’artère veineuse, ou oreillette gauche, qui est bien plus vaste que la droite, et enfin dans l’aorte, [17] pour se répandre dans l’ensemble du corps et revenir dans les veines, contre l’ouverture ovale, jusqu’à ce que le cœur soit entièrement formé, et capable de remplir son office. Pourtant, puisque, faute de respiration, le poumon est immobile, il a besoin, pour assurer sa nutrition et sa croissance, d’être alimenté en sang qui passe par le canal artériel, entre l’aorte et la veine artérieuse, et ainsi n’y a-t-il pas circulation de sang à travers les poumons. Remarquez les absurdités que profère ce jeune homme dans le parcours qu’il donne au sang par les anastomoses fœtales du cœur. L’artère veineuse reçoit le sang de la veine cave et l’envoie dans l’aorte, en sorte que le sang de la veine artérieuse, mû par la respiration, soit conduit dans les poumons, puis de l’artère veineuse dans le ventricule gauche [41] et de là dans l’aorte : [18] il a proféré là autant de mots que d’erreurs parfaitement absurdes, parce qu’il ignore la pratique de l’anatomie sur les cadavres, qu’il appelle une science muette et froide[19][42] et trouve cruellement son régal dans les mugissements et les aboiements des chiens qu’il torture. Il invente que le fœtus respire. La respiration de l’être vivant serait nécessaire au mouvement du cœur, mais chez le fœtus il commence à battre dès le 3e ou 4e jour suivant la conception, [20] sans poumons : s’il en avait fait l’expérience sur un fœtus bovin [Page 195 | LAT | IMG] sorti de ses membranes, en disséquant sa mère, il aurait vu que son cœur bat et que ses poumons sont immobiles, après lui avoir bouché la gueule et les naseaux avec des membranes prélevées ailleurs sur lui. Hormis Pecquet, aucun anatomiste n’a jamais prétendu que le fœtus respire dans l’utérus, qu’il circule du sang dans ses poumons et que l’artère veineuse reçoit deux fois le même sang. [21]

Page 37. Il écrit que Les artères ombilicales renvoient leur sang superflu dans le foie utérin : Riolan a déclaré cela avant lui, mais en a décrit le parcours d’une autre manière. [22] Pour confirmer cela, il adjoint une expérience fort obscure et fausse : Si tu souffles avec un chalumeau dans le fœtus, les artères apporteront de l’air dans le placenta et la veine s’aplatira entièrement, sans dire dans quelle partie (de son fœtus) il faut introduire le chalumeau. [23] Il est faux aussi de dire que les artères ombilicales et l’infinité de leurs petits rameaux, quand on les gonfle, se voient mieux que la veine ombilicale, et que cette abondance est prouvée par cette enflure arrondie : les artères ombilicales s’affaissent plus vite que la veine ombilicale, et si leur abondance s’observe quand on les gonfle, c’est qu’elle est due à l’accumulation d’air entre les deux feuillets du péritoine ; car dans leur parcours, ces artères ne fournissent aucune branche aux [Page 196 | LAT | IMG] organes de leur voisinage, étant donné qu’elles ne sont pas destinées à cette fonction. [24]

Page 38. Il poursuit en montrant que le sang sorti des vaisseaux retourne au cœur par les veines : Il nie les anastomoses entre les artères et les veines, qui ont échappé aux observateurs soigneux même aidés par le microscope. Il nie aussi que, dans le foie, l’air qu’on souffle dans les racines de la veine porte pénètre dans les branches de la cave qui lui sont unies, et que, dans le poumon, l’aval du tronc de la veine artérieuse communique avec les toutes premières ramifications de l’artère veineuse[25][43]

Quant aux synanastomoses, [44] entre les artères et des veines, j’ai assez manifestement démontré leur existence et vous en voyez dans maintes parties du corps humain. Je ne me répéterai pas ici puisque je vois plus bas, page 39, ligne 9, que vous admettez que les veines sont accompagnées d’artères et se joignent à elles. [26][45] Quant à la connexion de la veine porte avec la cave par des anastomoses, j’en ai nié l’existence et Harvey en est convenu dans son second essai sur la circulation du sang. [27] Je vous avise néanmoins que si vous introduisez de l’air en force dans la veine ombilicale d’un fœtus et gonflez tous les tubules et espaces creux de son corps, quand vous lui ouvrirez le thorax et l’abdomen, vous verrez que tous leurs viscères et vaisseaux sont merveilleusement enflés par l’abondance [Page 197 | LAT | IMG] et la violence de l’insufflation, ce qui ne peut se faire si la veine ombilicale est affaissée. [28]

Page 39. Voici comme il prouve la diffusion du sang dans les chairs : Si le sang ne s’épandait pas, comment la masse du corps pourrait-elle croître pour augmenter la taille des parties, qui se consumeront peu à peu si elles ne sont pas restaurées par l’aliment ? D’après la circulation du sang défendue par Riolan, le sang qui s’épanche dans la substance corporelle ne reflue pas dans les veines parce qu’il dessert la nutrition des parties. Il ne s’en retire qu’en cas d’épuisement et de vacuité extrêmes des grands vaisseaux, ou en cas de violent mouvement qui repousse le sang à l’intérieur, comme dans le choléra morbus [46] et dans les accès fébriles les plus ardents. [29][47]

Pages 39 et 40. Il croit que quelque résidu épais et moins bien digéré s’échappe du dehors au dedans à travers les veines peut-être béantes tout à l’entour, pour être recuit dans la marmite du cœur. Je me demande s’il s’agit là d’un mouvement spontané ou d’une attraction : si le résidu est attiré, cela veut dire que le corps a pour délicate habitude de faire revenir dans le cœur une humeur non digérée et impure, afin qu’elle y soit recuite comme dans un chaudron de cuisine. Quand Harvey a vu et reconnu que quelque chose manquait à sa circulation du sang, il a proposé maintes subtilités dans son second Essai, que chacun pourra y lire, sans besoin que je les répète. [30]

[Page 198 | LAT | IMG] Page 41. Il présente ensuite les objections contre le passage du sang hors des vaisseaux et les résout : Si le sang passe dans les chairs, pourquoi celui qui coule dans les veines est-il plus épais ? Il répond que le sérum en est affaibli et la chaleur atténuée, que les excréments des chairs nourries s’y mélangent, sans avoir à s’étonner que la consistance du sang artériel surpasse celle du sang veineux. Harvey nie catégoriquement cela, en soutenant que les sangs artériel et veineux sont semblables, tant en couleur et en consistance qu’en poids et en mesure, et Pecquet en affirme autant page 45, ligne 13. [31][48]

Page 41. Une corruption du sang est cependant inévitable quand il stagne hors des vaisseaux. Cela ne va pas de soi parce que, d’après Hippocrate, le sang très subtil qui s’épanche dans les tissus par ecchymose, à l’instar d’une rosée, inonde le corps d’esprits chez les gens sains ; mais chez les malades, s’écoulent du sérum au lieu de sang, et des vents au lieu d’esprit. L’extravasation du sang fait redouter sa diffusion, qui provoquera un anévrisme si le sang n’est pas recueilli par une veine qui adhère étroitement à l’artère[32][49][50]

Page 41. Vous avouez pourtant que si le ralentissement de l’écoulement du sang dure trop longtemps, les déchets retenus provoqueront une souillure, source de diverses maladies selon la plus ou moins grande malignité des humeurs qui y domineront. [Page 199 | LAT | IMG] La lie du sang, qui devrait rester hors des vaisseaux, y est renvoyée. Ce retour du sang au cœur n’est donc pas sain, mais nocif.

Page 41. Vous écrivez que la mélancolie se condense sous la forme d’un squirre : ne savez-vous pas que c’est le nom d’une maladie et non d’une humeur ? [33][51][52]

Page 73. Vous étudiez maintenant le mouvement du sang. Dans les corps sains, et plus encore malades, je tiens pour impossible que la ruée du sang qui jaillit du cœur lors de la systole le transporte jusqu’aux extrémités, et qu’il soit empêché d’y revenir avant la diastole : la période de repos, ou périsystole [53] qui sépare la diastole de la systole, est en effet trop brève pour que, dans ce court instant, comme vous le décrivez, les artères puissent demeurer gonflées par le sang, même en se dilatant. [34]

Page 74. Vous écrivez aussi que la compression des vaisseaux [54] aide ce mouvement qui vient de la poussée exercée par l’air inspiré dans le poumon et par la contraction des muscles adjacents aux canaux. Si le mouvement du diaphragme, qui est fréquent, n’était pas seul à remuer les poumons, celui du sang ne pourrait donc pas s’accomplir ailleurs que dans le thorax. Quand on dort paisiblement, il n’y a aucune contraction musculaire, ce qui fait qu’il n’y pas non plus de contraction spontanée des vaisseaux, parce que la mobilité n’existe que dans les corps membraneux [Page 200 | LAT | IMG] qui possèdent des fibres ou une membrane charnues, ce qui n’est pas le cas des vaisseaux. [35]

Page 75. Vous ajoutez : Ainsi le cœur chasse le sang dans les artères ; puis des artères, une partie s’en déverse à travers les anastomoses et l’autre se répand dans les chairs, pour être ensuite recueilli par les veines et retourner au cœur. Ce circuit est si nécessaire à la vie que sa moindre perturbation provoque soit une lipothymie, soit une syncope, soit même, non rarement, la mort[55] La vie subsiste quand même sans retour de ce sang qui s’est épanché par tout le corps, et j’affirme que cette circulation, que la lie des chairs modifiées renvoie au cœur pour qu’il s’en nourrisse, est plutôt nuisible qu’utile à la vie, puisque vous dites, page 41, qu’elle favorise les maladies[36]

En outre, après avoir découvert les veines lactées, Pecquet devait prendre exemple sur la modestie de Harvey qui, quand Riolan lui demanda pourquoi il n’avait pas expliqué l’utilité de sa circulation, a humblement répondu qu’il fallait d’abord établir le comment avant d’étudier le pourquoi[37] Je crois que la question l’a noyé sous tant de difficultés qu’il peine encore à en émerger.

Tirant de votre découverte de nouvelles veines lactées plus de gloire qu’Archimède [56][57] vous lui assignez sur-le-champ des fonctions parfaitement fausses, tirées de la subtilité de votre esprit. Plus scire velle quam sit satis, intemperantiæ signum est, disait [Page 201 | LAT | IMG] Sénèque, lettre lxxviii[38][58] Il n’y a pas de honte à changer d’avis et vous ne l’estimerez pas déshonorant. À l’âge de 30 ans, saint Jérôme a écrit un commentaire sur le prophète Abdias, [59] sans rougir de se rétracter à l’âge de 60 ans, pour y substituer une interprétation différente. [39] Si vous êtes sage, vous me remercierez pour cette censure, comme fit Pline le Jeune[60] écrivant à un ami qui le flattait : Non credam cætera tibi placeret, nisi quædam displicuisse cognouero[40]

Galien, livre vi de l’Utilité des parties, chapitre xii, montre que nul ne peut échapper à la loi d’Adrastée : [61] si astucieux et plein d’éloquence soit-il, il finira par confesser lui-même sa mauvaise foi et attestera de la vérité, car Dieu vous inspirera peut-être, vous et vos défenseurs. [41][62]

FIN

1.

En se référant aux premières pages de la Dissertatio anatomica (fin du résumé et début du chapitre i), Jean ii Riolan reprochait légitimement à Jean Pecquet de ne pas avoir suffisamment cité les auteurs qui l’avaient inspiré.

William Harvey avait publié son essai sur le mouvement du cœur et du sang en 1628 (v. note [14], Responsio ad Pecquetianos, 6e partie), et Jan de Wale, ses deux lettres sur le mouvement du chyle et du sang en 1641 (v. note [6], Experimenta nova anatomica, chapitre i).

2.

Jean ii Riolan croyait au mouvement alterné du sang dans la veine porte (de la périphérie vers le foie et inversement) à divers moments de la journée. Il résumait de manière fantaisiste et inintelligible (même en traduisant complaisamment son propos) le dernier paragraphe de la page 30 et les trois premiers de la page 31, chapitre ii de la Dissertatio anatomica de 1654 (identiques dans l’édition de 1651).

3.

Avant-dernier paragraphe du second Exercitatio [Essai] de William Harvey sur la circulation du sang, contre Jean ii Riolan, page 139 : {a}

Concludam, ut tibi satisfactionem pleniorem faciam (Doctissime Riolane) qui in mesentericis venis, circulationem non fieri existimas, in vivâ dissectione (quod facilè poteris expriri) videbis, ex venarum, infrà ligaturam, turgescentiâ, idem, quod in administratione phlebotomiæ, ex ligatura in brachio, accidere, quod transcursum inibi sanguinis patefaciat..

« Enfin je terminerai, savant Riolan, en répondant entièrement à votre objection, qu’il n’y a pas de circulation dans les veines mésentériques. En liant sur un animal vivant, ce qui est très facile, la veine porte près du hile du foie, vous verrez le gonflement des veines placées au-dessous de la ligature, comme, dans la phlébotomie, au-dessous du bras qu’on a lié. C’est que le sang ne peut plus traverser ces veines. » {b}

La Responsio de Riolan à Harvey {c} a ainsi prolongé leur dialogue de sourds (page 92) : {c}

Hoc mihi valde suspectum, attamen experimento facto veritas detegetur, quod est factu difficile propter effusionem Sanguinis. Sed quomodo intra membranas intestinorum per porositates distribui potest Sanguis arteriosus, ut postea à venis mesentericis resorbeatur ? Non videmus istam effusionem Sanguinis in intestinis quia rubicunda esse deberent, in viuentibus animalibus, neque porositates in istis membranis reperiuntur.

[Cela est à mon avis fort douteux, et la réalisation de l’expérience m’en a révélé la vérité : l’épanchement de sang la rend difficile à faire. Cependant, comment du sang artériel peut-il traverser des porosités situées dans les membranes des intestins pour se résorber ensuite dans les veines mésaraïques ? Chez les animaux vivants, nous ne voyons pas une telle effusion de sang dans les intestins, qui devraient en devenir rouges, et il ne se voit pas de porosités dans leurs membranes]. {d}


  1. Rotterdam, 1649, v. notule {a}, note [14], première Responsio de Riolan, 2e partie.

  2. Traduction de Charles Richet, 1879, page 244 (avec adaptation).

  3. Paris, 1652, v. note [14], première Responsio de Riolan à Jean Pecquet, 2e partie.

  4. Argument alors imparable que les adversaires de la circulation opposaient à Harvey, désespéré par son incapacité à prouver la réalité anatomique du réseau capillaire (v. notes [27] infra, et [25], Responsio ad Pecquetianos, 4e partie).

    Riolan affirmait que le sang ne peut passer des artères dans les veines sans provoquer un épanchement visible dans les tissus.


4.

À l’œil nu, la principale différence entre les deux types de veines intra-hépatiques est que les branches portes sont entourées d’une gaine vasculaire et membraneuse qui provoque leur affaissement à la coupe du foie, tandis que les rameaux caves, non engainés, restent béants. {a} Cela peut faire croire que les parois portes sont plus épaisses que les caves.

Le propos de Jean Pecquet sur l’épaisseur des parois veineuses hépatiques et sur la fonction « artérielle » de la veine porte, est à la page 32 de sa Dissertatio anatomica (1651), qui est pareillement numérotée et rédigée en 1654. Jean ii Riolan y répliquait par ce paragraphe de l’Anthropographia livre ii, chapitre xvi, page 122 : {b}

Intra substantiam Hepatis duplex Vasorum genus obseruabis : Ramos Portæ, qui disseminantur per partes inferiores parenchymatis, et Ramos Cauæ, qui sparguntur per superiores. Deinde discissis vtriusque Venæ Ramis deprehendes, Ramos Cauæ, instar cribri innumeris foraminibus pertusos, vt faciliùs sanguinem omni ex parte exsugant : Ramos verò Portæ longè paucioribus foraminibus perforatos : quæ quidem foramina sunt extremitates venarum capillarium : At nullæ aut paruæ venæ capillares terminantur in foraminibus Ramorum Cauæ. Inde cognosces discrimina Ramorum Cauæ et Portæ, et Chylum vasis Portæ excidere, et dispergi per substantiam Hepatis, vt contactu carnis ruber euadat, dein per poros Cauæ vndiquaque exsugi et excipi.

[Vous observerez deux sortes de vaisseaux dans la substance hépatique : les branches portes sont dispersées dans les parties inférieures du parenchyme, et les branches caves dans ses parties supérieures. Après avoir disséqué ces rameaux veineux, vous verrez que ceux de la cave sont troués par d’innombrables orifices, à la manière d’un tamis, pour sucer le sang de tous côtés ; tandis que les rameaux de la porte présentent beaucoup moins de perforations, lesquelles sont les extrémités de veines capillaires, mais aucune ou très peu d’entre elles se terminent dans les perforations des rameaux caves. {c} Vous distinguerez ainsi les rameaux portes et caves, et saurez que le chyle se perd dans les vaisseaux de la porte ; il se disperse dans la substance charnue du foie, devient rouge à son contact, puis en est extrait et sucé de toute part par les pores caves]. {d}


  1. La différence est, par exemple, bien illustrée dans la figure 1 (page 4) et dans le commentaire de Friedrich Theodor Frerichs, Traité pratique des maladies du foie, des vaisseaux hépatiques et des voies biliaires (Paris, J.‑B. Baillière et fils, Paris, 1877, in‑8o).

  2. Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, vBibliographie.

  3. Tout cela ressortit à la pure imagination de Jean ii Riolan, car ces structures (vaisseaux des lobules hépatiques) échappaient alors au regard le plus perçant (macroscopie) ; il y a fallu des moyens dont il ne disposait pas : microscope de bonne qualité, et techniques de fixation, de coupe et de coloration adéquates. Ce qu’il appelait des « capillaires » étaient les veines les plus grêles (ayant la taille d’un cheveu, capillus), visibles à l’œil nu. V. note [2], Dissertatio anatomica, chapitre v, pour la description des capillaires proprement dits par Marcello Malpighi en 1661.

  4. V. note [10], Dissertatio anatomica, chapitre v, pour les pores. Il s’agit ici encore d’une rêverie, et non d’une observation de Riolan, car le chyle laiteux ne pénètre pas dans le foie, comme l’avait magistralement démontré Jean Pecquet en 1651.

5.

Cet argumentaire, aujourd’hui incompréhensible, découle du fait que Jean ii Riolan croyait en l’alternance, centripète et centrifuge, du mouvement sanguin dans les veines (tout particulièrement dans la porte) : v. supra note [2].

6.

Avec une faute de latin que j’ai corrigée dans ma transcription (à trunco Portæ pour truncum Portæ), Jean ii Riolan résumait les deux premiers paragraphes de la page 32, chapitre ii de la Dissertatio anatomica (1654). L’origine artérielle cœliaque (estomac, rate, pancréas) du sang porte est bien moindre que son origine mésentérique (intestins).

7.

Comme s’il savait sa position de plus en plus indéfendable, le latin de Jean ii Riolan s’embrouillait curieusement quand il dissertait sur la circulation sanguine. Si on le traduit avec beaucoup de bienveillance, il jugeait impossible de ligaturer les veines sus-hépatiques, ainsi que Jean Pecquet disait être parvenu à le faire dans le dernier paragraphe du chapitre ii de sa Dissertatio anatomica (v. sa note [11]).

8.

Soit autour de 450 grammes (et quelques centigrammes de plus) : Jean ii Riolan n’était qu’un peu au-dessous du débit exact du chyle dans le thorax (v. note [6], 2e partie de sa première Responsio).

9.

La mauvaise foi de Jean ii Riolan laisse rêveur, car il est très clairement convenu, à la fin de sa Préface (v. sa note [24]), de la réalité des « canaux pecquétiens », dont le chirurgien Louis Gayan lui avait fait la démonstration. Néanmoins, y attendre la présence de sang après la mort, prouve tristement qu’il n’avait pas compris leur anatomie, car des valvules interdisent le reflux du sang subclavier dans le canal thoracique. Thomas Bartholin n’était qu’en train de découvrir que les lactifères véhiculent de la lymphe quand ils ne contiennent pas de chyle (Vasa lymphatica de 1653, v. note [25], Nova Dissertatio, expérience i).

10.

11.

Autre juste description des communications cardiaques fœtales par Galien, dans le livre xv de l’Utilité des parties du corps, chapitre vi, {a} sur la texture particulière de la chair des poumons :

« Il est donc juste ici encore d’admirer la nature qui, au temps où le poumon avait besoin seulement de se développer, lui fournit un sang pur ; et quand ce poumon devient apte à se mouvoir, lui donne une nature légère comme de la plume, afin qu’il soit aisément dilaté et contracté par le thorax. C’est pour cela que chez le fœtus il existe une ouverture servant de communication entre la veine cave et l’artère veineuse ; {b} de sorte que, ce vaisseau servant de veine au viscère, il était nécessaire, je pense, que l’autre {c} fît office d’artère. C’est pour cela que la nature a ouvert celui-ci dans la grande artère ; {d} mais en cet endroit, comme il existait un intervalle entre les vaisseaux, la nature a créé un troisième petit vaisseau {e} qui les rattache tous deux. Pour les deux autres vaisseaux, attendu qu’ils se touchent l’un l’autre, la nature leur a donné comme une ouverture commune à tous les deux, {b} et a disposé sur cette ouverture une membrane en guise d’opercule : cette membrane se relève sans peine vers le vaisseau du poumon {f} afin d’ouvrir passage au courant sanguin qui vient de la veine cave, et de s’opposer à son retour dans cette veine. »


  1. Daremberg, volume 2, page 148.

  2. Foramen ovale entre les oreillettes droite (« veine cave ») et gauche (« artère veineuse »).

  3. L’artère pulmonaire.

  4. Aorte.

  5. Le canal artériel.

  6. Oreillette gauche (« artère veineuse ») ; Gianbattista Carcano (v. supra note [10]) a confirmé l’existence et la fonction de cette membrane du foramen ovale, qui s’oblitère normalement à la naissance.

12.

Lu hors de son contexte, ce propos fait aujourd’hui dresser les cheveux sur la tête, mais il mérite d’être approfondi car Jean ii Riolan ne parlait pas à la légère. Il a longuement défendu ses idées sur la circulation fœtale dans le chapitre viii, De vitali facultate, et admirabili structura vasorum cordis in fœtu [Sur la faculté vitale et l’admirable structure des vaisseaux du cœur chez le fœtus], livre vi, De fœtu humano [Sur le fœtus humain], de son Anthropographia. {a} Quatre passages éclairent utilement ce qu’il écrivait ici.

  1. Sur l’intérêt de la question (page 389) :

    Est enim res magni momenti ad humani generis conseruationem scire, An Cor in Fœutu propriâ vitali facultate sit præditum, et moueatur ? quæ ad Medicum, Iurisperitum et Theologorum pertinere videtur.

    Nam si Cor in Fœtu vitali facultate præditum moueatur, citra materni Cordis communionem ; per aliquod tempus potest viuere, quo temporis spatio extinctæ matri fœtus adhuc viuens, secto vtero eripi potest saluus et incolumis. Sic natum dicunt Æsculapium ex Matre Coronide. Sic natum Cæsarem secto matris Vtero. Sic Gorgiam Epirotam, Scipionem, Manlium, et alios in lucem prodiisse. Est enim inhumanum post obitum matris, fœtui pereunti et suffocari parato, auxiliares manus denegare, et sæpe vivuentem adhuc, cum matre mortua eodem tumulo contegere, et obruere. Idcirco Iurisconsulti eum necis reum damnant, qui grauidam sepelierit, non priùs extracto fœtu, quod spem animantis cum grauida peremisse videatur.

    Interest quoque Theologo scire, An Cor in Fœtu moueatur, vt extinctæ matri superstes, baptismi particeps fiat, et ad cælos rediens, in beatorum sedibus Dei conspectu fruatur, quia nunc Parisiis consueuimus in moribundis, atque etiam mortuis grauidis, si digito in sinum pudoris intruso, caput infantis hianti osculo matricis oppositum deprehendatur, aquâ benedictâ aspergere, vel digito intincto rigare, prolatis verbis baptismi, quem conferre, et administrare ridiculum foret, si mortuus esset infans.

    [Pour le médecin, le juriste et le théologien, une question de grande importance pour la conservation de l’espèce humaine me semble être de savoir Si le cœur du fœtus est doué d’une faculté vitale qui lui est propre et s’il bat.

    Si le cœur du fœtus, doué d’une faculté vitale, bat indépendamment de sa connexion avec la mère, il peut encore vivre quelque temps après qu’elle est morte, et une incision de l’utérus peut l’extraire sain et sauf. {b} On dit qu’Esculape est ainsi né de Coronis, sa mère, {c} et qu’une section de la matrice a permis à César, Gorgias l’Épirote, Scipion, Manlius {d} et autres de voir le jour. Il est en effet inhumain, après le décès de sa mère, de refuser du secours à un fœtus en train de succomber et sur le point de suffoquer ; souvent pourtant, il est enseveli avec elle, encore en vie et caché dans son sein. C’est pourquoi les juristes accusent de meurtre celui qui enterre une femme enceinte sans avoir extrait son enfant, parce qu’on le considère coupable, en agissant ainsi avec la mère, d’avoir détruit une espérance d’être vivant. {e}

    Il intéresse aussi le théologien de savoir Si le cœur du fœtus bat, afin que celui qui survit dans sa défunte mère reçoive le baptême et, remontant aux cieux, jouisse de la contemplation divine parmi les bienheureux : ainsi avons-nous aujourd’hui pour habitude, à Paris, chez les femmes enceintes moribondes, et même mortes, quand un doigt introduit dans le vagin perçoit la tête de son enfant appuyé au contact de l’orifice utérin, de l’asperger d’eau bénite, ou d’y tremper le doigt qui la touche, en prononçant les paroles du baptême ; mais l’administration de ce sacrement serait ridicule si l’enfant était mort].


    1. Dernière édition, Paris, 1649, v. supra note [4].

    2. Vnote Patin 7/159 pour la césarienne.

    3. V. note [4], lettre de Jacques Mentel.

    4. Un « brave et illustre » Gorgias l’Épirote (natif d’Épire) serait né par césarienne, au dire de Valère Maxime (vnote Patin 7/41), Faits et paroles mémorables, livre i, chapitre viii. Lucius Manlius Vulso Longus, consul romain du iiie s. av. J.‑C. s’est illustré durant la première guerre punique.

      V. notes Patin 18/34 pour Jules César, né en 100 av. J.‑C., et 4/561 pour Scipion l’Africain, né en 235 av. J.‑C.

    5. Digeste justinien (vnote Patin 22/224), livre xi, titre viii.

  2. Sur le dogme péripatéticien (page 391) :

    Quare cùm primum formatur Cor moueri incipit, ut docet Aristoteles, cap. 4. lib. de spiritu, quærens quænam ex tribus motionibus, respiratione, pulsu, et alimenti aduectione, siue nutritione præcedat, sic statuit. Quamuis attractionem menstrui humoris ad formationem fœtus sit necessaria, respiratio postrema succedat, pulsus tamen per initia statim in constitutione Cordis emergit : id quod in sectione viuorum, et pulli formatione ex ouo deprehendere licet, atque per actionem calidi in humidum, feruorem hunc, et pulsus agitationem cieri manifestum est. Quare Cordis primus erit motus. Id satis superque declarat motus arteriarum vmbilicalium, quæ cùm sint arteriis vterinis, nec contiguæ, nec continuatæ, vim tamen pulsatilem à Corde fœtus mutuantur. Quoniam motus Cordis, et arteriarum matris est improportionatus calori ipsius fœtus, ita ut idem rythmus ambobus nequaquam conuenire queat, siue alternatim cum Corde agitentur arteriæ, siue Cor et arteriæ in motu eundem seruent rythmum, eodem tempore per eandem motus speciem.

    [Puisqu’Aristote enseigne que le cœur commence à battre dès qu’il se forme, il se demande (livre du souffle, chapitre iv) {a} lequel de trois mouvements apparaît en premier : respiration, pouls et transport de l’aliment, ou nutrition. Il énonce que, bien que l’attraction de l’humeur menstruelle {b} soit nécessaire à la formation du fœtus, la respiration apparaît en dernier, mais le pouls s’établit dès le début, aussitôt qu’émerge la formation du cœur. C’est ce que permettent de voir la dissection des animaux vivants et le développement du poussin dans l’œuf, et ce sous l’impulsion manifeste de l’action du chaud sur l’humide, puis de l’ardeur résultante et de l’agitation du pouls. Le cœur est donc le premier à se mettre en mouvement. Cela est suffisamment et amplement démontré par le mouvement des artères ombilicales qui, puisqu’elles ne sont ni en contiguïté ni en continuité avec les artères utérines, empruntent leur battement au cœur du fœtus. Comme le mouvement du cœur et des artères de la mère n’est pas proportionné à la chaleur du dit fœtus, le même rythme ne peut en rien convenir à l’une et à l’autre : soit les artères battent alternativement avec le cœur de l’une et de l’autre ; soit le cœur et les artères en mouvement conservent le même rythme au même moment par la même espèce de mouvement]. {c}


    1. Première phrase du chapitre intitulé De tribus motionibus spiritus in arteria contenti [Des trois mouvements du souffle qui est contenu dans l’artère], 2e tome, pages 178‑179 des Aristotelis Opera omnia (Paris, Ægidius Morellus, 1639, in‑fo, bilingue grec et latin).

    2. La semence féminine (aujourd’hui l’ovule) : vnote Patin 1/8175.

    3. Ce charabia n’est pas dans Aristote, mais cherche à résoudre le fait que le cœur fœtal bat beaucoup plus rapidement que le cœur maternel.

  3. Avis de Riolan sur les deux communications ou « anastomoses » (foramen ovale et canal artériel) {a} qui caractérisent le cœur fœtal, et opinions de William Harvey et Galien (pages 392‑393) :

    Altera, quæ ab aorta cum vena arteriosa perficitur, ad nutritionem et vitalitatem pulmonis amplissimi visceris comparata est, qui cùm sit ex tenui et spumoso sangine concretus, eodem reficiendus erat : propterea scriptum ab Hippocrate, pulmonem contrarium alimentum trahere, reliqua membra simile. Altera anastomosis venæ cauæ cum arteria uenosa ad ditributionem sanguinis venosi, cùm non possit iungi venæ areriosæ, propter interiectam aortam, constructa est, vt sanguis effusus in sinistrum Cordis ventriculum, vitalis fiat, et in aortam refundatur. Itaque cùm sanguis venosus et arteriosus à Corde suppeditari non posset ad procreationem pulmonum, quia Cor primis conceptionis mensibus solidum est, sensim excauatur, spiritu insito ibi concluso, et parenchyma distendente. Idcirco natura per alia diverticula, nempe per illas anastomoses, sanguinem venosum et arteriosum deduxit. Venam arteriosam aortæ coniunxit, arteriam venosam venæ cauæ copulauit, propter vasorum contiguitatem, quia semper venæ arteria comes adiungitus, atque ista vasa Cordis sunt alternatim disposita, vt venæ cauæ et venæ arteriosæ sit interposita aorta : Inter venam arteriosam et venam cauam, arteria venosa media consistat. Vbi verò Cor excauatum est, et in duos sinus discretum, tum suscipit sanguinem, et eo modo distribuit quo in adultis.

    Doctissimus Medicus et Anatomicus Harueus, admittit quidem Cor in fœtu moueri, sed ex illo fundamento quod verum esse statuit, scilicet in infantibus in lucem editis sanguinem per pulmones traduci, anastomoses vasorum Cordis in fœtu factas fuisse iudicat, ob defectum respirationis, et pulmonis immobilitatem. Ideoque sanguis cùm è dextro Cordis ventriculo expulsus, nequeat permeare pulmonis parenchyma densum et immobile, in sinistrum Cordis ventriculum defertur, per anastomosim venæ cauæ cum arteria venosa. Altera portio sanguinis è caua transmissi in dextrum Cordis ventriculum, per alteram anastomosim venæ arteriosæ cum aorta labitur in aortam, atque ita sanguis in vtrumque ventriculum Cordis, tunc temporis peræque capacem et amplum æqualiter recipitur, vt amborum ventriculorum æqualis sit actio.

    Vt autem omnis dubitandi occasio rescindatur, Galeni dissentientes locos super ea quæstione componere oportet. Scribit lib. de format. Fœtus, ipsum Fœtum in principio suæ generationis, neque arteriarum, neque pulsuum, neque Cerebri, aut Cordis vtilitate indigere, quod plantæ more viuat. Is verum est, donec Fœtus suæ perfectionis motus edere incipiat : Nam, ut ipse ait, lib. 7 de usu partium, cap. 12. Cor non tantùm in perfectis, sed etiam in Fœtibus suppeditat arteriis vim quâ mouentur. Id quotidie obstetrices deprehendunt in ligatis vasis vmbilicalibus.

    [La première, qui s’établit, entre l’aorte et la veine artérieuse, {b} pourvoit à la nutrition et à la vitalité du poumon, viscère de très vastes dimensions qui, bien qu’étant un agrégat compact de sang délié et spumeux, doit être alimenté par du sang : c’est pourquoi Hippocrate a écrit que le poumon attire un aliment qui lui est contraire, quand les autres organes attirent un aliment qui leur est semblable. {c} La seconde anastomose, entre la veine cave et la veine artérieuse, {d} est établie pour distribuer le sang veineux, puisqu’il ne peut atteindre la veine artérieuse, étant donné l’interposition de l’aorte, {e} de manière que le sang parvenant dans le ventricule gauche du cœur devienne vital et s’écoule dans l’aorte. Le cœur ne peut pas délivrer aux poumons le sang artériel et veineux nécessaire à leur développement, parce que le cœur est un organe plein pendant les premiers mois qui suivent la conception, dont les cavités ne se forment que petit à petit, sous l’effet de l’esprit qui y est enfermé et de la distension du parenchyme. {f} La nature a donc fait passer le sang veineux et artériel par d’autres voies, qui sont ces deux anastomoses : elle a joint la veine artérieuse à l’aorte {b} et soudé l’artère veineuse à la veine cave, {d} étant donné leurs contiguïtés, parce qu’une artère est toujours assortie d’une veine, et que ces vaisseaux du cœur ont une disposition croisée, avec l’aorte placée entre la veine cave et la veine artérieuse : l’artère veineuse siège au milieu, entre la veine artérieuse et la veine cave. {g} Le cœur reçoit le sang quand ses cavités se sont vraiment creusées et forment deux sinus distincts, et il distribue alors le sang comme il fait chez l’adulte. {h}

    Harvey, très savant médecin et anatomiste, admet certes que le cœur bat chez le fœtus, mais en partant de ce fondement exact, il déclare que chez les nouveau-nés le sang passe à travers les poumons, jugeant que les anastomoses des vaisseaux cardiaques fœtaux s’expliquent par l’absence de respiration et par l’immobilité des poumons. Ne pouvant pénétrer dans le parenchyme pulmonaire qui est compact et immobile, le sang qui sort du ventricule droit gagne le ventricule gauche par l’anastomose de la veine cave avec la veine artérieuse. {d} Une autre partie du sang que la veine cave envoie dans le ventricule droit emprunte la seconde anastomose, entre la veine artérieuse et l’aorte, {b} pour s’écouler dans l’aorte. Ainsi les deux ventricules, dont les capacités sont égales, reçoivent-ils au même moment une égale quantité de sang et exercent-ils une action identique.

    Néanmoins, pour couper court à toute occasion de douter, il faut mettre en accord les passages où Galien s’est contredit sur cette question. Dans son livre sur la Formation du fœtus, il écrit qu’au début de son développement le fœtus n’a besoin ni d’artères, ni de pouls, ni de cerveau, ni de cœur, parce qu’il mène la vie d’une plante. {i} Cela est vrai jusqu’au moment où le fœtus commence à engager le mouvement qui le mène à sa perfection, car, dit-il lui-même, au chapitre xii, livre vii sur l’Utilité des parties du corps, le cœur procure aux artères la force qui les fait battre, et ce non seulement chez les individus entièrement développés, mais aussi chez les fœtus : {j} et c’est ce que les sages-femmes constatent tous les jours, quand elles lient les vaisseaux ombilicaux].


    1. V. note [3], Dissertatio anatomica, chapitre iv.

    2. Canal artériel joignant l’artère pulmonaire à l’aorte.

    3. Hippocrate, traité De l’aliment, § 29, Littré Hip, volume 9, page 109 :

      « Le poumon attire un aliment d’un genre autre que le corps ; toutes les autres parties attirent un aliment de même genre que le corps. »

      L’obscurité de ce paragraphe a incité Émile Littré à le sous-titrer Opposition entre l’aliment ou air que le poumon attire et l’aliment proprement dit qu’attirent les autres parties et à y ajouter une note :

      « Galien entend ceci de l’artère pulmonaire, qui apporte au poumon un aliment autre que l’aliment qui va aux autres parties ; mais cette explication me paraît erronée car, dans la phrase suivante, l’auteur dit expressément que cet aliment du poumon est le souffle ou air ; il dit aussi expressément que le souffle est aliment. »

    4. Trou de Botal ou foramen ovale, entre les oreillettes droite et gauche.

    5. Passage incompréhensible en dépit d’une transcription et d’une traduction fidèles : ce n’est pas l’aorte, mais la cloison interatriale qui barre le passage entre la veine cave (oreillette droite) et la veine artérieuse (oreillette gauche).

    6. Ainsi s’explique la prétendue inexistence du ventricule droit avant quatre mois (perception des mouvements fœtaux par la mère) dont Riolan accablait ici Pecquet.

    7. Torsion du pédicule cardiaque : l’aorte sort du cœur à droite de l’artère pulmonaire (« veine artérieuse »), pour passer entre cette artère et l’oreillette droite (« veine cave »), avant d’obliquer à gauche (crosse de l’aorte) ; mais l’oreillette gauche (« artère veineuse ») n’occupe pas une position exactement médiane entre l’artère pulmonaire et l’oreillette droite.

    8. Riolan se trompait : la circulation adulte ne s’établit qu’à la naissance, avec le premier cri de l’enfant, comme le pensaient William Harvey (dont l’avis suit) et Jean Pecquet (v. note [3], Dissertatio anatomica, chapitre iv).

    9. Loc. cit., Kühn, volume 4, page 665, avec une traduction latine différente, mais de même sens (sans le cerveau) :

      […] fœtum neque arteriarum, neque pulsuum, neque cordis ullo necessario usu in principio generationis, quemqdmodum nec stirpes, indigere.

    10. La référence fournie par Riolan est inexacte. Il s’agit de l’un des trois faits sur le mouvement du sang que Galien déclare prouver dans le chapitre xxi, livre vi sur l’Utilité des parties (traduction de Daremberg, 1854, volume 1, pages 454‑455) :

      « Les artères ne se dilatent que parce qu’elles se remplissent du pneuma {i} fourni par le cœur ; à chaque dilatation elles attirent quelque chose des veines ; enfin, chez les embryons, il est nécessaire, comme l’artère veineuse tire du sang de la veine cave, {ii} que le cœur, en se dilatant, fasse pénétrer dans la cavité {iii} gauche une quantité de sang assez considérable, lequel ne trouve pas d’obstacle dans les épiphyses membraneuses {iv} qui sont dirigées de dehors en dedans. Ainsi, l’on voit clairement que le cœur communique cette faculté d’impulsion aux artères non seulement chez les animaux déjà parfaits, mais encore aux fœtus. » {v}

      1. Esprit vital, air souffle.

      2. Passage du sang par le trou de Botal.

      3. Ventricule.

      4. Valves mitrale et aortique.

      5. Conclusion reprise par Riolan.

  4. Conclusion de Riolan après avoir exposé six objections (page 394) :

    Itaque de vsu anastomoseωn vasorum Cordis, et eius motus sic statuo, his iactis et constitutis fundamentis. Certum est venas et arterias vteri non expandi et dilatari in tot ramos, quot sunt rami vasorum vmbilicalium in placenta : nec possunt eadem vasa extendi vsque ad fundum vteri, ubi placenta adhærescit, quoniam vasa hæc non sunt eiudem naturæ, qualis est substantia spongiosa vteri. Propterea sanguis maternus, tam venosus quàm arteriosus effunditur in vteri substantiam spongiosam, et per tubulos ac elices quoquouersum distribuitur. Hoc posito verissimo fundamento, arteriæ vmbilicales non coëunt, et uniuntur vasis vmbilicalibus per anastomosin. Ideoque arteriæ non exsugunt, et eliciunt sanguinem vitalem maternum nisi permixtum, et venoso confusum intra placentam. Inde sequitur istum sanguinem, licèt puriorem et subtiliorem venoso, exuctum ab arteriis vmbilicalibus, indigere præparatione noua, vt reddatur fœtui propitius et consocialis. Vt id fiat, Cor et ante suam excauationem, et postquam excauatum est, moueri debuit ad eam actionem perficiendam. Quapropter anastomoses vasorum Cordis, quamuis vsque ad partum et vltra, peruiæ et integræ remaneant, eum dumtaxat vsum habent, quem præscripsit Galenus, donec Cor fuerit excauatum. Quod accidit eo potissimum tempore, quo mouetur fœtus : Tunc Cor incipit moueri ad elaborationem vitalis spiritus. Atque hoc modo exponenda videtur Galeni sententia de vsu anastomoseωn, et de motu Cordis, quod deberet esse immobile, si ad partum vsque staret ac permaneret vsus Anastomoseωn vasorum Cordis, qualis à Galeno describitur.

    [Quant à l’utilité des anastomoses entre les vaisseaux du cœur et à son mouvement, je déclare donc, sur les arguments que j’ai présentés et établis, que les veines et les artères de l’utérus ne se dispersent et ne se dilatent pas en autant de branches qu’en possèdent les vaisseaux ombilicaux dans le placenta ; et qu’ils ne peuvent pas s’étendre jusqu’au fond de l’utérus auquel est collé le placenta, parce que ces vaisseaux n’ont pas une nature identique à celle de la substance utérine, qui est spongieuse. Le sang maternel, tant veineux qu’artériel, s’écoule donc dans la substance spongieuse de l’utérus et s’y disperse en tous sens par des tubules et des rigoles. Sur cette base parfaitement sûre, les artères ombilicales ne se joignent et ne s’anastomosent pas aux vaisseaux ombilicaux. {a} Lesdites artères ombilicales ne puisent et ne distribuent donc pas le sang vital de la mère, sauf s’il se mélange et confond avec le sang veineux dans le placenta. Par conséquent, ce sang absorbé par les artères ombilicales, bien que plus pur et subtil que le sang veineux, requiert une nouvelle préparation qui le rendra favorable et adapté au fœtus. Pour accomplir cette action, le cœur doit battre, tant avant son excavation qu’après que ses cavités se sont creusées. {b} Leurs anastomoses, bien qu’elles demeurent perméables et intactes jusqu’à l’accouchement et après lui, n’acquièrent la fonction que Galien leur a assignée qu’à partir du moment où les cavités cardiaques se sont formées et qu’il s’est mis à battre, ce qui correspond au moment où le fœtus commence à bouger. {c} C’est ainsi, me semble-t-il, qu’il faut expliquer la sentence de Galien sur la fonction des anastomoses et le mouvement du cœur, parce que le cœur devrait être immobile si la fonction des anastomoses, telle que décrite par Galien, demeurait inchangée jusqu’à l’accouchement]. {d}


    1. Sic pour « utérins » : les vaisseaux de la mère (utérins) ne se joignent et ne s’anastomosent pas avec ceux du fœtus (ombilicaux).

    2. Les cavités du cœur fœtal se forment à la 4e semaine de grossesse et il commence alors à battre.

    3. La mère commence à percevoir les mouvements de son fœtus entre la 16e et la 20e semaine de la grossesse.

    4. Propos obscur même en lisant ce que Galien a écrit sur la fonction des anastomoses cardiaques fœtales : v. supra note [10].

13.

V. note [7], Dissertatio anatomica, chapitre iii, mais Jean Pecquet entendait prouver que, chez l’adulte, tout le sang passe de droite à gauche en traversant les poumons, sans qu’une goutte ne transite par la cloison interventriculaire (v. supra note [10], première notule {a}).

14.

V. note [8], Dissertatio anatomica, chapitre iii, pour ce débat périmé, mais qui ne simplifie pas la lecture des anciens textes anatomiques.

15.

Manuel anatomique et pathologique de Jean ii Riolan, livre ii, chapitre xxxviii, Des parties génitales internes de la femme (page 282) : {a}

« C’est du mélange des deux semences, à savoir de l’homme et de la femme, que le fœtus se forme, commençant par un petit point, lequel a un battement ou palpitation dès le troisième jour, ainsi que l’on peut remarquer dans les œufs couvés par une poule. {b} En suite de quoi se forment les pellicules, {c} dans lesquelles se tracent les premiers linéaments des vaisseaux et des autres parties (que nous appelons en médecine spermatiques, et se font de la semence même), avec lesquelles, le sang menstruel de la femme survenant, s’incorpore et les couvre. {d} Pour lors, le placenta, {e} ou arrière-faix, se forme, qui n’est autre chose qu’une masse de chair, laquelle s’attachant et collant aux parois de la matrice, se place entre les vaisseaux ombilicaux du fœtus et ceux de la matrice de la mère, lesquels étaient auparavant joints ensemble. »


  1. Traduction française de 1661, v. note [8], Experimenta nova anatomica, chapitre i.

  2. Sans dire que le battement apparaît nettement plus tard chez le fœtus humain (v. supra dernière notule {c}, note [12]).

  3. Petites peaux (ou membranes).

  4. Idée antique et bien sûr fausse de la fécondation, où la semence féminine (sang menstruel supposé contenir l’ovule) venait s’ajouter secondairement à la semence masculine (sperme supposé avoir déjà entamé le développement de l’embryon).

  5. V. note [2], Dissertatio anatomica, chapitre iv, où est commenté le nom de « foie utérin » qu’on donnait au placenta.

16.

À la page 36 de sa Dissertatio anatomica (1654), chapitre iv, Jean Pecquet a en effet donné au trou de Botal le nom d’ovalem aperturam (que j’ai traduit par « foramen ovale »).

17.

Faille dans l’exposé de Jean ii Riolan : le sang ne peut aller de l’oreillette gauche dans l’aorte qu’en passant par le ventricule gauche, lequel, selon Riolan, n’était pas encore « bien creusé » à ce stade précoce du développement embryonnaire cardiaque.

18.

Cela est en effet absurde avant la naissance (en l’absence de respiration), mais correspond à ce que Jean Pecquet a dit se produire à la naissance (en omettant malencontreusement de le préciser, v. note [4], Dissertatio anatomica, chapitre iv).

19.

Au début du deuxième paragraphe, page 4, chapitre ii des Experimenta nova anatomica (première dissection du chien).

20.

Chez les poulets (v. supra note [15]), mais pas avant le 4e mois chez les humains (selon Jean ii Riolan, v. supra notule {h}, note [12]).

21.

C’est-à-dire le sang qui arrive dans l’oreillette gauche à la fois par le foramen ovale (directement venu de l’oreillette droite) et par les veines pulmonaires (venu de l’artère pulmonaire par l’intermédiaire des poumons) : en mélangeant absurdement les circulations prénatale et postnatale, Jean ii Riolan exploitait avec cruelle jubilation l’omission de Jean Pecquet (v. supra note [18]).

22.

V. note [2], Dissertatio anatomica, chapitre iv, pour le nom de « foie utérin » (iecur uterinum) qu’on donnait alors au placenta.

Jean ii Riolan a décrit les artères ombilicales dans le livre vi, chapitre iv de son Anthropographia (pages 376‑377) : {a}

Rectiùs autem ex semine vmbilicalia vasa produci dicetur, quia ortu et generatione sunt prima, et ab iis venæ et arteriæ corporis propagantur. […] Venarum et arteriarum vmbilicalium oscula non coëunt per anastomoses cum vasis {b} et arteriis vteri, ob interiectam uterinam placentam. […] Deinde vasa vteri non ramulosè distribuuntur, sed suum sanguinem effundunt tam venosum quàm arteriosum in tubulos et elices, per vteri substantiam exsculptos ac dispersos. Placenta excipit, simulque confundit, vt ex tali permistione, crassus et impurus sanguis venosus ab arterioso tenuior puriorque reddatur. Nihilominus in ista sanguinis confusione, venæ et arteriæ proprium sibique familiarem sanguinem attrahunt. Venæ sanguinem alimentarium ad radices venæ portæ deferunt : Arteriæ sanguinem vitalem deducunt ad Iliacas arterias.

[On dit fort justement que les vaisseaux ombilicaux proviennent de la semence, parce qu’ils sont les premiers à naître et à se former, et les veines et artères du corps en dérivent. (…) Les terminaisons des veines et des artères ombilicales ne s’anastomosent pas avec les veines et artères de l’utérus parce qu’elles en sont séparées par le placenta. (…) Les vaisseaux utérins ne s’éparpillent pas en petites branches, mais déversent leur sang, tant veineux qu’artériel, dans des tubules et des rigoles, qui sont creusés et dispersés dans la substance utérine. Le placenta y puise son sang, en même temps qu’il le mélange, de sorte que le sang artériel purifie et dilue le sang veineux, qui est impur et épais. Néanmoins, dans cette confusion du sang, les veines et les artères attirent chacune celui qui leur est familier. Les veines portent le sang alimentaire aux racines de la veine porte, et les artères conduisent le sang vital aux artères iliaques]. {c}


  1. V. supra notule {a}, note [4].

  2. Sic pour venis.

  3. Beaucoup plus proche de la physiologie fœto-placentaire moderne, l’explication de Jean Pecquet était indiscutablement supérieure à celle de Riolan, qui semblait n’avoir pas compris ou admis que les veines ombilicales transportent du sang saturé (« artériel », riche en oxygène) et que les artères font l’inverse.

    V. infra note [28] pour l’opinion plus claire et juste que Riolan a donnée dans son Anatomie pneumatique.


23.

Relation tronquée et infidèle de l’expérience commentée dans la note [6] des Dissertatio anatomica, chapitre iv : Jean Pecquet disait bel et bien avoir introduit son chalumeau dans les vaisseaux de l’ombilic (umbilici canalibus).

24.

La dernière expérience rapportée par Jean Pecquet dans le chapitre iv de sa Dissertatio anatomica était peu convaincante, mais la relation et le commentaire de Jean ii Riolan le sont encore beaucoup moins.

25.

Jean ii Riolan s’attaquait aux 2e et 3e paragraphes, page 38, du chapitre v de la Dissertatio anatomica, où Jean Pecquet avait abordé la délicate question des anastomoses capillaires. Comme William Harvey, il n’en niait pas l’existence fonctionnelle dans les deux circulations, grande (aortique) et petite (pulmonaire), mais convenait qu’y manquait une démonstration anatomique.

26.

Jean Pecquet a démontré et reconnu la communication fonctionnelle (réellement capillaire) des artères avec les veines pulmonaires dans le chapitre v de sa Dissertatio anatomica (premier paragraphe de la page 39).

Parlant ici des synanastomoses, {a} Jean ii Riolan renvoyait aux interprétations erronées qu’il a fournies dans le chapitre x, De Anastomosi Venarum et Arteriarum [Sur l’anastomose veines et des artères] (pages 51‑54), de sa Responsio ad Haruei primam exercitationem anatomicam de Circulatione Sanguinis [Réponse au premier essai anatomique de Harvey sur la circulation du sang] (Paris, 1652) : {b}

Miror te repudiare Anastomoses venarum et arteriarum, quum tua Circulatio vniversalis, meliùs per osculationem mutuam vasorum absoluetur, quàm per effusionem Sanguinis arteriosi in porositates carnium, vnde resorbetur à venis. Nam in manu et carpo vsque ad vngues, in pede à malleolis vsque ad vngues, paucissimæ carnes ibi collocatæ, et tamen insignia vasa eò perueniunt, si arteriosi Sanguinis guttulæ exsilientes diffunderentur, ecchymosim producerent, vel Aneurisma, aut aliud tumorem.

Quamuis admittas Anastomoses mutuas venarum, et arteriarum communiones per fibrulas ; vidi cum aliis notaui in brachio post ligatam et resectam arteriam supra cubitum, ad sanandum Aneurisma, tandem insignes surculos venarum insertos arteriæ rescissæ infra cubitum nullo modo micante arteriâ propter arteriæ cum corde communionem interruptam. Vnde agnoui istos surculos esse anastomoses venarum cum arteriis.

Intra spinalem medullam detractis membranis, obseruantur venæ et arteriæ descendentes è cerebro, quæ occurrunt lumbaribus venis et arteriis.

Obseruatur manifestè mutua Anastomosis venæ splenicæ cum arteria splenica, antequam hæc vasa lienem subeant. Vide meam Anthropographiam, pag. 131. ultimæ et sextæ editionis.

In vtero muliebri extrinsecus venæ spermaticæ in se admittunt arterias hypogastricas per Anastomosim cum nullæ sint arteriæ spermaticæ. Lege pag. 178 meæ Anthropographiæ.

Spigelius notat se obseruasse mutuas Anastomoses venarum et arteriarum in manibus et pedibus. Vide pag. 341. meæ Anthropographiæ.

In musculis Rectis abdominis anastomosis conspicua est venæ et arteriæ mammariæ cum epigastrica. Istam communionem venarum et arteriarum accuratè exposui in mea Anthropographia, lib. 3. pag. 224.

Obseruaui nuper cum Dom. Pimpinello Chirurgo experientissimo, in iis quibus ad curandum Aneurisma ex incisa arteria pro vena, infra cubitum exortum fuit ; atque post duos tresve menses curationem quærentibus, appositis spleniolis duris, et emplastro glutinante strictè obligatus fuit cubitus, supra ligaturas, ramulos transuersim inter venas et arterias traductos, sine ulla palpitatione, propterea dubitauimus, an isti ramuli essent vel arteriolæ, aut venulæ. Inde cognouimus mutuas synanastomoses venarum et arterioarum inter se, quod mihi affirmauit idem Dom. Pimpinelle, à se sæpius obseruatum fuisse in simili casu, et post penitus incisam arteriam brachij, ad curandum vetus et magnum Aneurisma.

Pag. 25. Lætor plurimùm quod te habeam ομοψηφον in Anastomosibus radicum venæ portæ et cauæ intra Hepar, quas nullas esse asseris, etiam diligenter à te inuestigatas : conformationem cauæ et portæ intra Hepar à te descriptam, iamdudum annotaui in mea Anthropographia : atque hoc facit contra tuam Circulationem Sanguinis gastricam. Nam quomodo ad cauam deducetur Sanguis primæ regionis intra Hepar, si chylo sit permixtus, et plurima inueniat impedimenta à me commemorata ? defectu istarum Anastomoseωn, non potest commodè transire in cauam, atque hoc fauet meæ opinioni.

Adducis aliud experimentum à te tamen nondum administratum ad indagandum si venæ sese exonerent in arterias. Amicè moneo, debueras id experiri antequam describes, facilis erat experientia in cane ; hoc dubitare faciet de tuis aliis experimentis, cum in hoc tam facili, fueris adeo negligens, quod tua experientia dignum erat ad refutandum experimentum Galeni, qui scripsit incisâ alicubi arteriâ, non tantùm arterias, sed etiam venas depleri. Proponis aliud experimentum contrarium faciendum, sed ligas truncum Cauæ iuxta Cor, quod fieri non debet.

[Je suis fort étonné que vous rejetiez l’existence d’anastomoses entre veines et artères car votre circulation générale s’expliquerait bien mieux par la connexion des vaisseaux que par l’épanchement du sang artériel dans des porosités des chairs, d’où il serait résorbé par les veines. {c} De très nombreux vaisseaux parviennent à la main et au poignet, jusqu’aux ongles, comme au pied, de la cheville jusqu’au bout des orteils, et étant donné qu’il y a là fort peu de chair, si le sang artériel s’y répandait goutte à goutte, il devrait produire une ecchymose, voire un anévrisme {d} ou quelque autre tuméfaction.

Vous admettez pourtant que de minces filaments joignent les artères aux veines : au membre supérieur, après avoir lié et réséqué l’artère humérale au-dessus du coude pour soigner un anévrisme, j’ai vu et remarqué, comme d’autres, sous le coude, les ramifications des veines insérées dans l’artère coupée, laquelle ne battait plus du tout, puisqu’elle n’était plus en communication avec le cœur ; j’en ai déduit que ces rameaux étaient des anastomoses entre les veines et les artères. {e}

Quand on a dégagé les méninges de la moelle épinière, on observe des veines et des artères qui descendent du cerveau et rejoignent les veines et les artères lombaires. {f}

On observe que la veine et l’artère spléniques s’anastomosent avant de pénétrer dans la rate. Voyez la sixième et dernière édition de mon Anthropographie, page 131. {g}

Sur la paroi externe de l’utérus, les veines spermatiques s’unissent par anastomose aux artères hypogastriques, étant donné qu’il n’existe par d’artères spermatiques chez la femme. Voyez la page 178 de mon Anthropographie. {h}

Spiegel remarque avoir observé des anastomoses artérioveineuses au niveau des mains et des pieds : Voyez mon Anthropographie, page 341. {i}

Dans les muscles droits de l’abdomen, se voit une anastomose entre les veines et artères mammaires et épigastriques. J’ai soigneusement exposé cette connexion des artères et des veines dans mon Anthropographie, livre iii, page 224.

En opérant ceux qui demandaient à être guéris d’un anévrisme formé sous le pli du coude, deux ou trois mois après qu’on eut incisé l’artère au lieu de la veine, puis serré un bandage dur et un emplâtre agglutinant, j’ai récemment observé, avec Monsieur Pimpinelle, {j} chirurgien fort expérimenté, la présence, au-dessus des ligatures, de rameaux placés transversalement entre les artères et les veines. Comme ils ne battaient pas, nous nous sommes demandé s’il s’agissait d’artérioles ou de veinules, et sommes convenus que c’étaient des anastomoses artérioveineuses. M. Pimpinelle m’a affirmé avoir très souvent observé cela en pareil cas, après avoir profondément incisé l’artère humérale pour soigner un anévrisme ancien et de grande taille]. {d}


  1. Unions à plein canal des artères avec les veines, ou anévrismes artérioveineux (v. note [1], Dissertatio anatomica, chapitre v).

  2. V. supra note [3], notule {c}.

  3. Il est tout de même touchant de voir Riolan raconter des fariboles à William Harvey pour le consoler de ne pas avoir trouvé les communications invisibles entre les artères et les veines qui auraient levé tous les doutes sur sa circulation du sang (v. infra note [27]).

  4. Comme Riolan l’a mieux expliqué plus bas, ces anévrismes huméraux étaient traumatiques, consécutifs à un accident de saignée : la lancette du chirurgien avait incisé l’artère et la veine, au lieu de la veine seule, ce qui provoque la formation cicatricielle d’une fistule artérioveineuse, avec une importante dilatation des veines qui y contribuent.

  5. La moelle épinière est très richement vascularisée par un double entrelacement complexe d’artères et de veines, mais sans communication normale entre les deux lacis.

  6. Anastomoses fictives décrites dans l’avant-dernier paragraphe, page 131, Anthropographia, 1649 (v. supra notule {b}, note [4]).

  7. Observation également erronée, ibid. supra, page 178, antépénultième paragraphe.

  8. Observation d’Adriaan van de Spiegel (v. note [8‑3], Historia anatomica, chapitre iii, de Thomas Bartholin) également erronée, ibid. supra, page 341, sixième paragraphe.

  9. Sans décrire celles de la paroi abdominale (qui n’en sont pas), Riolan a dit des anastomoses en général dans le troisième paragraphe de la page citée :

    Porro venarum tam internarum quàm externarum inter se, imò arteriarum inter sese, et venarum cum arteriis mutua est anastomosis, ita vt dextræ venæ sinistris coniungantur, atque dextræ in partem sinistram, et sinistræ in dextram transeant, vt in posticis et humoribus et femoribus videre est.

    [En outre, les veines, tant profondes que superficielles, s’anastomosent entre elles, ainsi qu’avec les artères, et les veines du côté droit avec le gauche, et inversement, comme on le voit aux racines des bras et des cuisses].

    Tout cela est vrai pour les branches des veines ou des artères, mais faux pour les veines et les artères entre elles. V. note [21], Responsio ad Pecquetianos, 4e partie, pour la grande anastomose (ou arcade) artérielle colique, dite de Riolan.

  10. Sous le nom de Simon Pimpernelle (sic), Riolan a parlé de ce chirurgien dans une autre de ses relations anatomiques : vnote Patin 13/253.

27.

Dans les deux Exercitationes [Essais] qu’il a écrits en 1649 pour contrer les objections de Jean ii Riolan à la circulation du sang (v. supra note [3]), William Harvey n’a parlé des anastomoses que dans le premier, avec ce passage (traduction de Charles Richet, 1879, pages 198‑199) :

« Mais, et c’est peut-être beaucoup d’audace, je dis que ni Galien ni aucune expérience n’ont pu démontrer les anastomoses, de manière à nous les faire voir, ou nous les faire toucher.

J’ai cherché avec tout le soin possible, en y consacrant toutes mes veilles et tout mon travail, à voir ces anastomoses. Jamais je n’ai pu trouver deux vaisseaux, c’est-à-dire une artère et une veine, s’unissant par leurs orifices. Je voudrais bien que ceux qui sont asservis à Galien au point d’oser jurer par lui pussent me les montrer. Ni dans le foie, ni dans la rate, ni dans les poumons, ni dans les reins, ni dans aucun viscère, il n’existe une semblable anastomose. Même quand les viscères sont cuits, au point que tout leur tissu est devenu friable et se réduit en poussière, j’ai pu détacher avec une aiguille tous les vaisseaux, et d’une manière évidente voir toutes les divisions fibrillaires et capillaires de ces vaisseaux. {a} J’ose donc affirmer hardiment qu’il n’y a d’anastomoses ni entre la veine porte et la veine cave, ni entre les veines et les artères, ni entre les capillaires cholédoques et les veines hépatiques qui se répandent dans tout le tissu du foie. {b} Seulement on peut observer sur un foie frais que toutes les ramifications de la veine cave qui pénètrent dans la convexité du foie {c} ont des parois criblées d’une infinité de petites ouvertures, lesquelles sont destinées à recevoir le sang qui y tombe comme dans une sentine. {d} Les branches de la veine porte n’ont pas la même disposition ; elles se divisent en rameaux, une partie se distribue à la portion inférieure, l’autre à la portion supérieure du foie ; ils arrivent ainsi jusqu’au bord externe de ce viscère sans anastomoses. »


  1. Par ses multiples expériences de ligature, Harvey avait fonctionnellement prouvé le passage périphérique du sang des artères dans les veines ; et cela expliquait son acharnement à trouver la preuve anatomique de leur existence, mais la cuisson des organes en avait dissous les capillaires.

  2. Original latin (Rotterdam, 1649, page 41) : ut [anastomoses] pori cholidoci capillarium ramulorum, qui, per totam hepatis simam, disperguntur cum venis [ni (d’anastomoses) des petits rameaux capillaires du méat cholédoque, qui parsèment toute la concavité du foie, avec les veines].

  3. Harvey ne pouvant bien sûr écrire que les rameaux de la veine cave pénètrent dans le foie, il s’agit d’une traduction fautive de l’original latin (ibid. supra) : omnes propagines venæ cavæ, per gibbam hepatis perreptantes [toutes les ramifications de la veine cave qui rampent sur la convexité du foie].

  4. Égout.

28.

En cherchant vainement à mieux comprendre ce propos, {a} j’ai feuilleté le court Traité de l’anatomie pneumatique de Jean ii Riolan, qui est traduit à la fin du Manuel anatomique et pathologique (1661), avec ce passage (pages 768‑769) sur sur une question déjà débattue plus haut : {b}

« Aussitôt après l’accouchement, l’arrière-faix étant tiré du ventre de la femme et séparé du nombril de l’enfant comme il appartient, {c} vous soufflerez puissamment la veine ou l’artère ombilicale de cet arrière-faix, afin de connaître les connexions ou synanastomoses de ces vaisseaux ombilicaux dedans le placenta ; et si ces vaisseaux s’enflent de sorte qu’ils paraissent manifestement, vous pouvez par là conjecturer que le sang qui est superflu dans les vaisseaux du corps du fœtus retourne par les artères ombilicales dans le placenta, où il se mêle et confond avec l’autre sang ; < et > que le même arrière-faix, attaché aux parois de la matrice, suce < le sang > de la mère. »


  1. Autrement que par un grossier artefact expérimental lié aux dégâts que provoque une insufflation trop énergique

  2. V. supra note [22].

  3. Comme il convient de faire (ut decet dans le latin d’origine).

29.

Jean ii Riolan recourait à sa conception de la circulation, qui n’obligeait pas le sang à remonter des veines vers le cœur, pour répondre à la juste objection de Jean Pecquet (v. note [5], Dissertatio anatomica, chapitre v). Je ne sais pas comment le choléra morbus (vnote Patin 24/222) et les « accès fébriles les plus ardents » (summi ardores febrium) chassent le sang « à l’intérieur » (intus), sauf à admettre que cela correspond à ce que la pathologie moderne appelle un collapsus au cours d’un choc septique.

30.

Avec ses railleries sur les viles opérations de cuisine, Jean ii Riolan voulait tourner en dérision les justes intuitions de Jean Pecquet sur les protéines dans les fonctions et la structure corporelles (v. note [6], Dissertatio anatomica, chapitre v).

V. supra note [27], pour l’incapacité de William Harvey à voir les capillaires, dont il s’est désespéré dans son « second Essai » [Exercitatio] contre Riolan. Il y a insisté sur les preuves indirectes (fonctionnelles) de ces communications, en allant jusqu’à cet argument scabreux : {a}

« Pour qu’on admette que le sang peut passer par toutes les porosités des tissus et se rendre dans toutes les parties, je n’ajouterai qu’une seule expérience. La corde fait au cou des hommes étranglés ou pendus ce que la compression {b} fait au bras : la face, les yeux, les lèvres, la langue, toutes les parties superficielles de la tête sont gorgées de sang, sont couvertes d’une vive rougeur et se gonflent extrêmement. Si après avoir enlevé le lacet nous plaçons un tel cadavre dans une position quelconque, en peu d’heures vous verrez tout le sang abandonner le visage et la tête pour aller des parties élevées aux parties basses, en passant par les pores de la peau, de la chair et des autres parties. Le sang semble tomber, conduit par son propre poids, et il colore d’une bouillie noirâtre les parties inférieures, et surtout la peau, qu’il remplit. {c} Combien le sang vif et animé par les esprits d’un animal vivant doit mieux pénétrer par les pores ouverts, que le sang stagnant et coagulé, condensé par le froid de la mort dans chaque partie, alors que les vaisseaux se sont resserrés et comprimés ! Combien, chez les vivants, le passage du sang est alors plus facile et plus rapide dans les organes ! »


  1. Traduction un peu modifiée de Charles Richet, 1879, pages 241‑242.

  2. Garrot.

  3. Lividités cadavériques, v. note [2], Dissertatio anatomica, chapitre vii.

31.

La critique de Jean ii Riolan reprenait fidèlement le dernier paragraphe, page 41, chapitre v de la Dissertatio anatomica, et se référait au second Exercitatio [Essai] de William Harvey (page 209‑212, traduction de Charles Richet, 1879, v. supra note [27]) :

« Si vous remplissez deux vases de même dimension, l’un de sang artériel jaillissant, l’autre de sang veineux extrait de la veine du même animal, vous pourrez vous rendre compte, lorsque tous les deux se seront refroidis et coagulés, qu’il n’existe pas de différence entre les deux. Cependant, il est des gens qui croient qu’il y a dans les artères un autre sang que dans les veines, que le sang artériel est plus bouillant et, je ne sais comment, agité par des esprits abondants et tumultueux, et remplissant un plus grand espace, comme le lait et le miel bouillonnent et entrent en effervescence lorsqu’on les met sur le feu.

Si le sang lancé dans les artères par le ventricule gauche du cœur était en bouillonnement et en effervescence, de sorte qu’une ou deux gouttes suffiraient à remplir toute la cavité de l’aorte, il devrait, lorsque toute cette fermentation aurait cessé, se réduire à quelques gouttes (c’est ce qu’on allègue quelquefois pour expliquer comment les artères sont vides de sang après la mort), et nous verrions le même fait se produire dans le vase rempli de sang artériel. C’est en effet ce que nous voyons quand le lait ou le miel chauffés se refroidissent. Mais si, dans les deux vases, le sang garde la même couleur, si le caillot a à peu près la même consistance et exprime de la même manière son sérum, s’il occupe le même espace à chaud qu’à froid, je pense que tout le monde trouvera là des raisons suffisantes pour rejeter les rêves de ces auteurs, et pour penser que le sang du ventricule droit et le sang du ventricule gauche du cœur sont semblables (comme nos sens et le raisonnement le démontrent). Ou bien il faudrait affirmer que l’artère pulmonaire est dilatée par quelques gouttes de sang spumeux, et que le sang est aussi tumultueux et effervescent dans le ventricule droit que dans le ventricule gauche, puisque celui qui entre dans l’artère pulmonaire et celui qui sort de l’aorte ont la même apparence et occupent le même volume.

Il y a trois principales raisons pour admettre cette opinion de la diversité du sang : 1o en ouvrant les artères, on voit s’écouler un sang plus vermeil ; 2o dans les dissections de cadavres, on trouve le ventricule gauche du cœur et toutes les artères complètement vides ; 3o on regarde le sang artériel comme plus animé et plus rempli d’esprits, on pense donc qu’il occupe plus d’espace. Un examen attentif montre les causes et les raisons de tous ces faits.

D’abord, pour ce qui concerne la couleur, toutes les fois que le sang sort par une étroite ouverture, il est comme filtré et plus ténu ; et c’est la partie la plus légère, celle qui surnage et qui est plus subtile, qui sort de la plaie. Ainsi dans la phlébotomie, le sang qui jaillit au loin, par un large orifice, en abondance et avec force, est plus épais, plus dense et plus foncé. Mais s’il s’écoule au contraire goutte à goutte, par une ouverture mince et étroite, comme lorsqu’il sort des veines quand la bande de compression est enlevée, il est vraiment vermeil et comme filtré ; c’est la partie la plus subtile et ténue qui sort seule, comme dans les hémorragies nasales ou lorsqu’on l’extrait par des sangsues, des ventouses, ou lorsqu’il sort par diapédèse. {a} C’est que l’épaisseur et la consistance des tuniques artérielles augmentent, et l’ouverture devient plus étroite et plus difficile pour le sang qui cherche à trouver une issue. Le même fait arrive chez les gens obèses. La graisse qui est sous la peau comprimant l’orifice de la veine, le sang paraît plus ténu, plus vermeil et presque artériel. Si, au contraire, on ouvre largement une artère, le sang reçu dans un vase aura l’apparence du sang veineux. {b} Le sang des poumons semble bien plus vermeil, lorsqu’on l’exprime, que celui qu’on trouve dans les artères. […]

En troisième lieu, pour ce qui concerne les esprits, leur nature, leur corps, leur consistance, leur union ou leur séparation avec le sang et les parties solides, il y a tant d’opinions, et elles sont si variées, qu’il ne faut s’étonner que, par un subterfuge de commune ignorance, on explique tout par les esprits dont on ne connaît nullement la nature. En effet, les ignorants, lorsqu’ils ne savent pas expliquer un phénomène, disent aussitôt qu’il est produit par les esprits et introduisent partout les esprits comme agents universels. Ils font comme les mauvais poètes qui, pour le dénouement et la catastrophe finale de leurs pièces, font venir en scène le Deus ex machina. {c} »


  1. Extravasation spontanée de sang dans les tissus (ecchymose).

  2. On a vu ailleurs Harvey beaucoup mieux inspiré qu’ici, confronté à l’enjeu de l’hématose (v. note [11], Dissertatio anatomica, chapitre v).

  3. Les gaz du sang sont aujourd’hui ce Deus ex machina (vnote Patin 33/152) et ont établi la distinction entre les sangs artériel (saturé en oxygène) et veineux (désaturé) qu’Harvey niait avec vigueur.

Riolan reprochait à Pecquet d’avoir suivi Harvey sur l’identité des sangs artériel et veineux (en disant néanmoins le premier plus rouge que le second), à la fin du chapitre vi des Experimenta nova anatomica (v. sa note [9]).

32.

Ce commentaire porte sur l’antépénultième paragraphe du chapitre v de la Dissertatio anatomica. Le début correspond, mais je n’ai pas trouvé le propos de Jean Pecquet sur l’anévrisme (v. supra note [26]).

Sans la rosée, les esprits et les vents (flatus) dont parlait Jean ii Riolan, Hippocrate a ainsi écrit sur les ecchymoses dans le traité des Fractures, § 11, Luxation du calcanéum, Littré Hip, volume 3, page 459 :

« Voici les signes qui feront reconnaître si le mal s’aggrave ou ne s’aggrave pas : quand les ecchymoses, effet de la rupture des veines, et les lividités se manifestent, et que les parties avoisinantes deviennent rouges et dures, il y a danger que le mal ne s’aggrave […]. Au contraire, quand il ne doit pas y avoir d’aggravation, les ecchymoses, les lividités et les parties avoisinantes deviennent jaunâtres, sans dureté ; cela est un bon signe dans toutes les ecchymoses qui ne doivent pas mal tourner ; au lieu que, les parties devenant dures et livides, ils est à craindre qu’elles ne se gangrènent. »

33.

Jean ii Riolan citait fidèlement deux passages tirés de l’avant-dernier paragraphe du chapitre v de la Dissertatio anatomica.

Sur la mélancolie, il renvoyait à ses Animadversiones in Casp. Bartholini Anatomia page 771 : {a}

Interim monebo à Medico impropriè melancholiam appellari, humorem melancholicum, est enim nomen morbi […].

[Au passage, je ferai remarquer qu’un médecin a tort d’appeler mélancolie l’humeur mélancolique, car c’est le nom d’une maladie (…)]. {b}


  1. Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, v. note [9], 4e partie de la première Responsio.

  2. Vnote Patin 1/8142.

34.

Jean ii Riolan achevait sa première Responsio en passant au chapitre x de la Dissertatio anatomica de Pecquet, sans rien dire des quatre qui le précèdent, principalement consacrés à des considérations physiques et hémodynamiques qui l’intéressaient peu, en dépit de leur originalité.

Il prenait plaisir à embrouiller l’explication pourtant claire que Jean Pecquet a fournie dans le premier paragraphe sur la contraction spontanée des vaisseaux (pages 73‑74). La périsystole (télésystole ou protodiastole) est le très bref instant (quelques centièmes de secondes), qui sépare la fin de la systole du début de la diastole, où toutes les valves cardiaques sont fermées. Pour rendre cela à peu près compréhensible, j’ai traduit per irradiationem, « en rayonnant », par « en se dilatant » (c’est-à-dire en augmentant son rayon).

35.

En s’acharnant à comprendre Jean Pecquet de travers, Jean ii Riolan critiquait de manière injuste son premier paragraphe sur la compression des vaisseaux, ou vasomotricité (page 75, chapitre x, Dissertatio anatomica). Cette fonction est assurée par la musculature autonome des vaisseaux sanguins, nettement plus développée dans les artères que dans les veines.

36.

Le début de ce paragraphe, sur la circulation vue comme une absurdité nutritionnelle, cite mot à mot la conclusion du chapitre x de la Dissertatio anatomica (v. sa note [8]) ; mais sa fin emprunte des idées exposées à la page 41 du chapitre v (v. supra note [33]).

37.

William Harvey, au début du premier des deux Exercitationes [Essais] qu’il a écrits pour répondre à Jean ii Riolan, {a} a ainsi expliqué leur genèse : {b}

« Il y a peu de mois a paru l’ouvrage d’anatomie et de pathologie de l’illustre Riolan, {c} qui me l’envoya de sa propre main, {d} ce dont je le remercie beaucoup. Je tiens à le féliciter du succès avec lequel il a terminé cet ouvrage digne des plus grands éloges. Représenter le siège de toutes les maladies est une œuvre qu’une grande intelligence pouvait seule accomplir, et c’est entrer dans un domaine difficile à parcourir que de chercher à mettre sous les yeux du lecteur des maladies qui échappent presque à la vue. {e} Il n’y a pas de science qui ne dérive d’une idée a priori et il n’y a pas de connaissance solide et sûre qui ne tire son origine des sens. »


  1. Rotterdam, 1649, v. supra note [3].

  2. Traduction de Charles Richet, 1879, page 181.

  3. Première édition de l’Encheiridium anatomicum et pathologicum (Paris, 1648, vnote Patin 25/150).

  4. ipsissima authoris manu : cela signifie que Riolan avait accompagné son livre d’une dédicace manuscrite ; cette lettre ne figure ni dans les Guilielmi Harvei Opera omnia (1766) ni dans ses Some recently discovered letters (1912).

  5. Richet a curieusement omis de traduire l’ironique proposition qui introduit la suite dans l’original latin (page 2) : Decent hæc conamina Anatomicorum principem … [De tels efforts sont à la portée du prince des anatomistes …]

Harvey a répondu à la question de Riolan dans son second essai de 1649 (page 85), traduit du latin par Richet (pages 220‑221) :

« Pour ceux qui rejettent la circulation parce qu’ils n’en voient ni la cause efficiente ni la cause finale, il reste à démontrer à quoi elle sert : car je n’en ai point encore parlé. On avouera cependant qu’il fallait chercher d’abord si la circulation existe avant de chercher à quoi elle sert. {a}

Examinons donc l’usage et les avantages des vérités qui dérivent de la circulation. On admet en physiologie, en pathologie et en thérapeutique bien des choses dont nous ne connaissons pas les usages, et dont pourtant personne ne doute, comme les fièvres putrides, les révulsions, les purgations. Eh bien, tous ces faits s’expliquent parfaitement par la circulation.

Il y a des auteurs qui attaquent la circulation parce qu’ils ne peuvent résoudre par là certains problèmes médicaux, ou grouper les conséquences qu’elle entraîne pour la guérison des maladies et l’emploi des médicaments, ou parce qu’ils trouvent inexactes les causes indiquées par les maîtres, ou parce qu’ils jugent criminel d’abandonner les opinions reçues, et considèrent comme un sacrilège de douter d’une doctrine admise depuis tant de siècles et de mettre en doute l’autorité des Anciens.

Eh bien, je leur réponds à tous que les œuvres de la nature se montrent en toute évidence, et que ni les opinions ni l’Antiquité ne peuvent les entraver ; car il n’y a rien de plus antique que la nature, et personne ne peut avoir plus d’autorité qu’elle. »


  1. Sans le pédant grec ajouté par Riolan : Prius in confesso esse debet, quod sit circulatio, ante quam propter quid fiat, inquirendum [Il faut évidemment étudier d’abord ce qu’est la circulation, avant d’expliquer pourquoi elle existe].

38.

« Vouloir en savoir plus qu’il n’est besoin est un signe d’intempérance » : Sénèque le Jeune, Lettres à Lucilius (épître citée).

Vnote Patin 30/8215 pour Archimède.

39.

Jérôme de Stridon (v. note [9], préface de la première Responsio de Jean ii Riolan), né vers 347, a écrit un commentaire sur le Livre d’Abdias, l’un des prophètes mineurs de l’Ancien Testament. Jean ii Riolan se référait à ce que Jérôme en a écrit dans sa préface de cet ouvrage (écrite en 395) :

Quum essem parvulus, ut parvulus loquebar, ut parvulus sapiebam, ut parvulus cogitabam ; postquam factus sum vir, quæ parvuli erant deposui. Si Apostolus proficit, et quotidie præteritorum obliviscens, in priora se extendit, ac secundum præceptum Domini Salvatoris, stivam tenens, post tergum non respicit : quanto magis ego, qui necdum ad ætatem perfecti viri, et in mensuram Christi veni, mereri debeo veniam, quod in adolescentia mea provocatus ardore et studio Scrpiturarum, allegorice interpretatus sum Abdiam prophetam, cujus historiam nesciebam !

« Quand j’étais enfant, je parlais en enfant, je jugeais en enfant, je pensais en enfant ; mais une fois devenu homme, j’ai mis de côté ce qui était de l’enfant. Si l’Apôtre {a} progresse ; si, oubliant chaque jour les choses passées, il s’avance vers ce qu’il y a de plus parfait et, selon les préceptes du Sauveur, ne regarde point derrière lui en tenant la charrue, à combien plus forte raison, moi, qui ne suis point encore arrivé à l’âge d’un homme parfait, à la mesure du Christ, dois-je obtenir mon pardon de ce que, dans ma jeunesse, provoqué que j’étais par mon ardeur à l’étude des Écritures, j’interprétai allégoriquement le prophète Abdias, dont je ne savais pas l’histoire ! » {b}


  1. Saint Paul.

  2. Traduction de F.-J. Collombet, 1842.

40.

« Je ne croirai pas que le reste t’a plu si tu ne me fais pas connaître ce qui t’a déplu » : Pline le Jeune (v. note [14], préface de la première Responsio de Jean ii Riolan), livre iii, fin de la lettre xiii écrite à son ami Romanus, pour obtenir un avis sur un discours que Pline avait écrit (sans contexte de flatterie de part ou d’autre),

Sed quid ego hæc doctissimo uiro ? Quin potius illud : adnota, quæ putaueris corrigenda. Ita enim magis credam cætera tibi placere, si quædam displicuisse cognouero.

[Mais que dirai-je au très savant homme que tu es ? Bien plutôt ceci : annote ce que tu crois devoir être corrigé ; je croirai tout à fait que le reste t’a plu si tu me fais connaître ce qui t’a déplu].

41.

Galien, loc. cit., Daremberg, volume 1, pages 419‑420 : {a}

« Ainsi, j’ai voulu relever les erreurs d’Asclépiade {b} au sujet des vaisseaux du poumon, et prouver que personne ne peut échapper à la loi d’Adastrée : {c} fût-on doué d’une certaine éloquence pleine d’astuce, on confessera soi-même sa mauvaise foi, on rendra hommage à la vérité, on aura alors un témoin d’autant plus digne de confiance qu’il témoigne malgré lui. »


  1. Chapitre xiii du livre vi dans Kühn, volume 3, page 466.

  2. Asclépiade de Pruse, v. note [30], première Responsio de Jean ii Riolan, 4e partie.

  3. Daremberg cite en note des extraits d’un commentaire très érudit de Caspar Hofmann sur ce passage de Galien : {i}

    Hæc lex (meminit ejus paulò post iterum, quemadmodum etiam 2. Diff. puls. 10. et 2. Sem.4. ubi Deam ipsam nominat) qualis fuerit, valdè obscurum est. Erasmus Chil. 2. Cent. 6. Adagio 38. laudans hæc loca, Miniatur (inquit) Galen. Medicis, qui falsa pro veris docent. Sed hoc dicere contextus non permittit. Docet enim, τον αδραστειας θεσμον esse lumen et splendorem veritatis : quo perstricti adversarij cogantur tandem veritati palmam dare. Et hæc est Adrastéa Platonica, in Phædro, 5. item de Rep. non procul initio, cujus Plotinus etiam meminit, l. de uniuscujusque Dæmone, et quam adumbrare voluisse videtur Homerus, Iliad. θ. initio, (ubi vide Spondanum) figmento aureæ catenæ, quæ à cælo dependens, terram contingit. Est autem (ut Ficinus apud Platonem interpretatur, ex Macrobio, ni fallor, l. i. in Somn. Scip. 14) ordo causarum fatalium (vide Gellium l. 6. cap. 2. Marcum Imper. in vitâ suâ lib. 10.) seu naturalium, à providentiâ divinâ institutus, et ob id αναποδραστον αιτια, ut in fine l. de Mundo Aristot. loquitur, caussa prima, caussa caussarum ην ουδεις αποδρασειε, (quæ Etymologia est, vide Nat. Comitem 10. Mythol. 19.) hoc est, cujus vim et efficaciam nemo hominum, imò nihil in his sublunaribus, possit effugere aut evitare. Hoc igitur velit Galen. In Naturâ omnia tam benè sunt apta suis causis, ut qui studio velit premere veram alicujus rei causam, non possit id facere perpetuò, sed vel denuò cogatur dicere, quod ipsa Natura disceret, si voce posset uti. Hoc Philosophus diceret, ειτω αυτης της αληθειας εκβιασθηναι, ab ipsa veritate cogi. Hunc Galen. sensum esse, persuadet mihi, quod in vestigio loqui incipit de causis, quarum numerum etiam texit. Tamen, si quis velit ex Philopono, 1. Post. et Plutarcho l. de Fato, hoc intelligere de demonstrationibus, quæ non minus cogunt, quam ipsa Adrasteas lex, quod video velle Budæum, Comm. Græcæ linguæ, et Langium 1. Epistol. 78. cum illo ego non pugnabo. Quia enim demonstrationes nectuntur ex causis, de verbis potius lis esset, quàm de rebus. Tu, si per otium licet, circumspice in his libris, et deposito amore, qui vetat te cernere verum, considera. An non Galen. sæpiculè ab hâc Deâ superatus, seipsum refutaverit ?

    [Ce qu’était cette loi (que Galien mentionne à nouveau un peu plus loin, ainsi que dans le livre ii sur la Différence des pouls, chapitre x, et au livre ii sur la Semence, chapitre iv, où il nomme ladite divinité) {ii} est fort obscur. Louant ce passage, Érasme (Adages, 38, 2e chiliade, 6e centurie) dit que « Galien en menace les médecins qui font prendre le faux pour le vrai » ; {iii} mais le contexte ne le permet pas, car Galien déclare que la loi d’Adrastée est la lumière et l’éclat de la vérité, qui force ses adversaires vaincus à la faire enfin triompher. Telle est l’Adrastée de Platon, dans Phèdre et dans le 5e livre de la République. {iv} C’est elle que Plotin a aussi citée dans son livre Du Démon qui est propre à chacun de nous, {v} et qu’Homère semble avoir voulu dissimuler dans L’Iliade, au début du chant viii (voyez Sponde sur ce passage), sous l’image d’une chaîne d’or qui atteint la terre en descendant du ciel. {vi} Elle est encore (comme l’interprète Ficin dans son Platon, d’après Macrobe, si je ne me trompe, au livre i sur le Songe de Scipion) {vii} l’ordre des causes fatidiques (voyez Aulu-Gelle, livre vi, chapitre ii, et l’empereur Marc-Aurèle, au livre x de ses Pensées), {viii} ou naturelles, que la providence divine a institué, qui est donc la cause inévitable, comme dit Aristote à la fin de sa lettre sur le Monde, {ix} soit la cause première, la cause des causes, qu’on ne peut fuir (à l’origine de son nom, voyez la Mythologie de Natalis Comes, livre x, chapitre xix) : {x} pour dire que nul être humain, et même rien en ce monde sublunaire, {xi} ne peut se soustraire ni échapper à sa force et à sa puissance. Voilà donc ce qu’a voulu dire Galien : toutes choses dans la Nature sont si intimement liées à ses causes que quiconque voudrait s’acharner à connaître la véritable cause de quoi que ce soit ne pourrait le faire indéfiniment, mais serait contraint de répéter ce que la Nature enseignerait elle-même si elle pouvait parler. Le Philosophe dirait que c’est être poussé de force par la vérité. {xii} Je suis persuadé que c’est le sens entendu par Galien, car il poursuit en parlant des causes, dont il tisse une liste. {xiii} Néanmoins, je n’irai pas me battre avec celui qui veut interpréter cela à la manière de Philopon, au premier livre des Posteriora, et de Plutarque, dans son livre sur le Destin, quant aux démonstrations qui ne sont pas moins convaincantes que la loi d’Adrastée elle-même, comme je vois qu’ont voulu faire Budé dans ses Commentaires de la langue grecque, et Langius, livre i, lettre lxxviii. {xiv} Les démonstrations, en effet, sont nouées aux causes, et on y débat plutôt sur les mots que sur les faits. Quant à toi, si tu en as le loisir, parcours ces ouvrages et, sans cette passion qui t’empêche de discerner le vrai, demande-toi si Galien aurait nié n’avoir pas assez souvent été surpassé par cette déesse]. {xv}

    1. Kühn : 1. volume 8, pages 625‑635, mais sans claire allusion à Adrastée dans une discussion sémantique sur les divers dialectes grecs (doriens et attique) ; et 2. volume 4, pages 621‑622, où la déesse est nommée à propos des médecins étreints par le doute scientifique (latin traduit du grec) :

      Quare hujus rei gratia non expectant externum accusatorem, sed ipsi seipsos dejiciunt ab Adrastea victi.

      [Pour résoudre une telle question, qu’ils n’attendent donc pas un accusateur extérieur, mais qu’ils s’en débarrassent l’esprit, vaincus par Adrastée].

    2. Commentarii in Galeni de Usu partium corporis humani lib. xvii [Commentaires sur les 17 livres de Galien concernant l’Utilité des parties du corps humain] (Francfort, 1625, vnote Patin 11/9062), livre vi, chapitres xii‑xiii, pages 113‑114.

    3. Fin du long commentaire sur l’adage no 1538, Adrastia Nemesis. Rhamusia Nemesis (pour dire qu’Adrastée et Rhamnusie sont deux autres noms de Némésis), dont Érasme écrit :

      Licebit uti vel in eos, quibus ob insolentiam arrogantiamque fortunæ commutationem minamur vel qui a rebus florentibus ad calamitosam fortunam redacti sunt. Hanc quidam Nemesim deam esse putant insolentiæ et arrogantiæ vindicem quæque spes immoderatas et vetet et puniat, Αδρστεια dicta απο του α στερητικου μοριου και δρασμου, quod nemo nocens meritam pœnam usquam effugerit, etiam si quando serius assequitur.

      [Pourra s’employer contre les insolents et arrogants à qui nous souhaitons un revers de fortune, ou contre ceux qui sont passés d’une situation florissante à un sort calamiteux. Certains pensent que cette Némésis est la déesse qui venge l’insolence et l’arrogance, et celle qui interdit et punit les espérances démesurées. Son nom d’Adrastée unit la particule privative a et drasmos, « fuite », car aucun coupable n’a jamais pu échapper au châtiment qu’il avait mérité, même si la déesse peut tarder à le punir].

    4. Propos de Socrate dans le Phèdre de Platon : « C’est une loi d’Adrastée, que toute âme qui, compagne fidèle des âmes divines, a pu voir quelqu’une des essences soit exempte de souffrance jusqu’à un nouveau voyage, et que si elle parvient toujours à suivre les dieux, elle n’éprouve jamais aucun mal. »

      La République de Platon, loc. cit. : « Je me prosterne donc devant Adrastée, Glaucon, pour ce que je vais dire. Car j’estime que celui qui tue quelqu’un involontairement commet un moindre crime que celui qui se rend coupable de tromperie en ce qui concerne les belles, bonnes et justes lois. »

    5. Plotin (v. notule {b}, note Patin 27/8210) a traité du démon familier (vnote Patin 46/8199) dans le livre iv de sa troisième Ennéade. Platon y est copieusement cité, mais sans allusion explicite à Adrastée.

    6. L’Iliade, vers 19‑22 du chant viii : « Du haut du ciel suspendez une chaîne d’or, et tous, dieux, et vous, déesses, attachez-vous à cette chaîne ; mais quels que soient vos efforts, vous ne pourrez entraîner Jupiter, le maître suprême, sous les régions inférieures. »

      Jean de Sponde (vnote Patin 4/677) a longuement commenté ce passage (Homeri quæ extant omnia [Œuvres complètes d’Homère], Bâle, Eusebius Episcopius, 1593, in‑fo, page 132), Aurea ista catena allegoricè à multis, idque variè explicata est… [De nombreux auteurs ont diversement et allégoriquement expliqué cette chaîne d’or…], pour conclure (sans nommer Adrastée) que Jupiter y figure le Dieu des monothéistes, unique créateur et maître de l’univers.

    7. Marsille Ficin (v. note [7], première Responsio, 5e partie, notule {d}) a édité et commenté tout Platon au xve s. Macrobe (vnote Patin 2/52) a laissé deux livres de commentaires sur Le Songe de Scipion (de Cicéron). Je n’ai pas approfondi ces deux références.

    8. V. notes Patin 40/99 pour les Nuits attiques d’Aulu-Gelle, et 1/671 pour les Pensées de Marc-Aurèle.

    9. Lettre à Alexandre le Grand sur le Monde (attribuée à Aristote), chapitre vii, Des noms de Dieu :

      « Je pense que ce qu’on appelle Nécessité n’est autre chose que Dieu, parce que sa nature est immuable, que c’est lui qu’on appelle Fatalité, parce que son action a toujours son cours ; Destin, parce qu’il conduit chaque chose à sa destination et qu’il n’y a point d’être qui n’aille à une fin ; Méra, parce qu’il distribue ses dons à chacun des êtres ; Némésis, parce qu’il fait cette distribution avec justice ; Adrastée ou Toute-Puissance [αναποδραστον αιτιαν], à cause de son pouvoir irrésistible sur toute la nature ; Aisa, parce qu’il est toujours le même. »

    10. Sic pour livre ix de la Mythologia de Natalis Comes (Natale Conti, Milan 1520-ibid. 1582), chapitre sur Némésis (pages 1007‑1011, édition de Lyon, Petrus Landrus, 1602, in‑8o) : son étymologie du nom Adrastée reprend celle d’Érasme (v. supra notule {iii}) comme on le lit dans l’édition française (Rouen, 1611, page 840).

    11. Sur la Terre.

    12. Source non identifiée.

    13. Daremberg, ibid. pages 420‑422.

    14. Passablement éreinté par cette litanie, je ne suis pas allé chercher ce que Philopon (vnote Patin 57/8196), auteur de commentaires sur les Analytica Posteriora [Seconds Analytiques] d’Aristote, et Plutarque (Œuvres morales, vnote Patin 9/101) ont exactement écrit sur le sujet, mais j’ai consulté les deux autres sources citées par Hofmann.

      • Guillaume Budé (vnote Patin 6/125) parle brièvement du sujet (sans allusion à la divinité, et en se disant de même avis que Plutarque) dans la colonne 257, lignes 44‑47, de ses Commentarii Linguæ Græcæ (édition de Bâle, Nicolaus Episcopus, 1556, in‑fo) :

        […] lex Adrastiæ dicitur propter consecutionis necessitatem, et quæ Συνειμαρμενα, quasi affata dicuntur, uel fati consequencia atque comitantia.

        [(…) la loi d’Adrastée qualifie la nécessité de la conséquence ; et les arbitrages du destin sont prononcées comme des prescriptions, qui découlent du destin et l’accompagnent].

      • Publiée dans l’Epistolarum medicinalium Volumen tripartitum [Volume en trois parties de lettres médicales] (Francfort, 1589, vnote Patin 17/264) (pages 467‑474) la lettre de Johannes Langius est intitulée Quid sit apud Galenum Lex Adrastia… [Ce que serait la loi d’Adrastée dans Galien…], et il dit y être de même avis que Budé.

    15. De ce très savant argumentaire, Daremberg conclut :

      « Je crois que c’est aller bien loin chercher des explications qui sont très près : Adrastée était un des noms de Némésis, et dire qu’on est soumis à la loi d’Adrastée, c’est dire qu’on est soumis à cette loi, fatale, inévitable de la justice qui toujours découvre la vérité et confond les faux témoins. »

      Cela ressemble fort, me semble-t-il, à ce que voulait dire Jean ii Riolan en citant Galien pour conclure son implacable mais boiteux réquisitoire contre Jean Pecquet.


a.

Page 189, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

De Circulatio Sanguinis.

Pag. 26. et 27. Vt demonstret motum San-
guinis ferri à Corde per ar-
terias in vniuersum corpus, et ab extremis
partibus per venas in Cor remeare, pro-
ducit experimenta, quæ sunt ex Harveo
et Valleo deprompta, sed alia circumlo-
cutione descripta. Hæc non demonstrant
ex ambitu, et habitu corporis recursum
Sanguinis ad Cor.

Pag. 30. Vt ostendat per venam Portam
recurrere Sanguinem ad Hepar : Ligatis
splenico ramo, et mesenterico iuxta truncum
Portæ, Sanguinem deferri in Hepar ex deple-
tione trunci vidit, infra ligaturam turge-
scentibus venis. Atque putat venam Portam

b.

Page 190, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

Sanguinis copiam feruidam arteriæ titulo,
in ventriculi fomentum effundere, quia in-
tra iecur adepta est crassiorem tunicam
. Du-
bito de isto experimento, quamuis ab
Harveo sit productum contra Rio-
lanum
, atque tunicam radicum Portæ
esse crassiorem tunica radicum Cauæ per-
nego. Discrimen vtriusque tunicæ Cauæ
et Portæ intra Hepar, descripsi in Anthro-
pographia, cap. de Hepate
. Miror quomo-
do vena Porta arteriæ officio fungi queat,
ex illo Sanguine, quem ventriculo distri-
buit, cum sit iste Sanguis ab arteria cœ-
liaca refluus in venam Portam. Ac pro-
inde non est amplius arteriosus, nec per
venas ad ventriculum redire potest, ex
doctrina Circulationis Harveianæ,
quam tueris, atque vena Porta Sangui-
nem ventriculo suppeditare, quod repu-
gnat Circulationi.

Pag. 32. Vt à trunco Sanguinem ad ex-
tremos ramusculos demittant arteriæ, venæ
autem ab extremis ad truncum reducunt ;
sic à trunco {a} Portæ Sanguinem ad Hepar ad
extremas mittit propagines, quem extra vi-
sceris terminum, siue ab extremis ad trun-
cum collegerat
. Sed vnde colligit istum
Sanguinem non explicat : An à propagi-
num cœlicarum exilitate impari vt con-
jicis ?
Ergo Sanguis ille, qui subit iecur


  1. Sic pour : truncum.

c.

Page 191, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

magna copia, et in ventriculi fomentum
effunditur, non potest totus in Cauam
refluere. Ergo Sanguis venosus ventricu-
lo distribuitur à Porta feruidus, contra
doctrinam Circulationis Harveianæ,
et iecur tantum eliciet bilem Sanguinis
in porta conclusi, et attracti è cœliaca ar-
teria ; Reliquus Sanguis, qui non transit
per Hepar, neutiquam sua bile repurgatus
circulabitur, nisi à renibus cum sero emul-
geatur ab arteriis, vel a venis.

Pag. 32. Sed ramus quem truncus cauæ
transmittit in Hepar ad eliciendum Sangui-
nem, remoto ab ipso iecore vinculo constrin-
gi impossibile, nisi portio parenchymatis di-
scerpatur
. At istæ Encheirises possuntne
administrari absque magna Sanguinis
profusione, et vitæ interitu tumque cessat
motus sanguineus ?

Pag. 33. Docet Sanguinem à dextro Cor-
dis sinu per pulmones in sinistrum fluere ;
si hoc ita sit, ergo chylus simul cum San-
guine pulmones permeabit ; Potestne
concoqui et mutari in Sanguinem, tam
celeri transitu per Cordis dextrum ventri-
culum et pulmones, absque detrimento
Cordis et pulmonum ? Neutiquam ex-
purgatus suis excrementis traditur Aortæ,
continuo et indesinenti cursu. Cum au-
tem chylus ex varietate ciborum impurus

d.

Page 192, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

gignatur, et ex vno pastu plusquam libra
chyli producatur : Potestne ista quantitas
celeriter percolari per exilia duo vascula,
et intra Cor, et pulmones velociter tradu-
ci sine noxa, et detrimento istarum par-
tium ? Cur post obitum euanescunt istæ
venæ lacteæ cum Receptaculo ? Si vere ex-
stant, deberent saltem Sanguine repletæ
remanere. At nullum earum, neque rece-
ptaculi vestigium vllum superest.

Pag. 33. Aperturam oualem tribuit Bo-
tallo
, cum à Galeno detecta fuerit et de-
scripta, dum vasorum Cordis fabricam
in fœtu dissimilem descripsit, et post eum
Baptista Carcanus libello ea de re scripto
tractauit. Sed mirari subit tuam ignoran-
tiam in rebus Anatomicis, cum nullam
mentionem feceris in ista apertura ouali
membranulæ pendulæ, quæ obturat ostium,
ceditque fluenti Sanguini, refluenti obsi-
stit, tandemque ostij clausuram facit suo
tempore.

Pag. 34. et 35. Ignorat Sanguinem in
fœtu vsque ad quartum mensem non in-
trare dextrum Cordis ventriculum, non-
dum excauatum, quia totus diuertit per
aperturam oualem in arteriam veno-
sam. Nunc per ligaturas vasorum Cordis,
commeatum Sanguinis à dextro ventricu-
lo in sinistrum per medios pulmones, co-

e.

Page 193, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

natur probare, quod euidentissimum est, nec
in dubium reuocatur. Sed ridiculus est,
quando cum Cartesio, Philosopho quidem
eximio, non autem Anatomico, venam
arteriosam simpliciter arteriam mauult
appellare ; et arteriam venosam absolutè
venam. Nescit venam arteriosam esse pro-
paginem Aortæ, vt arteriam venosam
Cauæ.

Pag. 35. et 36. Ignorat veram tradu-
ctionem Sanguinis circularem, qualem
in Fœtu delineaui, suopte ingenio absur-
dissimam fingit et comminiscitur. Nescit
ille diuersa esse tempora conformationis
partium in fœtu, et vasa vmbilicalia prius,
et inter ea venam primam formari, quam
placenta siue iecur vterinum, rudimenta
suæ formationis præbuerit. Propterea
Sanguis maternus guttatim instillatur va-
sis vmbilicalibus, siue sit arteriosus, siue
venosus ad Cordis generationem, dein ad
hepatis, et placentæ concretionem. Vbi
formatum est iecur, tum vena vmbilicalis
defert Sanguinem ex placenta deprom-
ptum in Hepar, cumque sit bifida, vna
portio Portæ, altera Cauæ intra iecur in-
seritur. Sic diditus Sanguis, qui caua ex-
ceptus est, per Anastomosin oualem, siue
aperturam (vt ille vocat) iuxta Cor non-
dum probe excauatum, defertur in arte-

f.

Page 194, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

riam venosam, ab ea in auriculam sini-
stram Cordis, quæ tum grandior est dex-
tra, et ab ea in Aortam, vt per viniuersum
corpus excurrens redeat in venas, versus
aperturam oualem, donec Cor sit absolu-
te conformatum, vt suo fungatur officio.
Quoniam vero pulmo immobilis defectu
respirationis, indiget Sanguine ad sui nu-
tritionem et incrementum per canalicu-
lum Aortæ in venam arteriosam produ-
ctum, ei suppeditatur. Tum nulla est per
pulmones Circulatio Sanguinis. Notate
istius Iuuenis absurditates in isto progressu
Sanguinis per anastomoses vasorum Cor-
dis in Fœtu. Arteria venosa ex Caua reci-
pit Sanguinem, et transmittit in Aortam,
vt Sanguis venæ arteriosæ per respirationem
citatus, in pulmones traducatur, per arte-
riam venosam in sinistrum Cordis ventricu-
lum ; Inde fertur in Aortam
. Quot verba,
tot errores absurdissimos proposuit, pro-
pter ignorationem artis Anatomicæ in ca-
daueribus, quam mutam, frigidamque
sapientiam appellat
, quia anismalium cru-
deliter tortorum vociferatione et latratu
canum delectatur. Fingit fœtum respira-
re. Respiratio in viuente necessaria pro-
pter motum Cordis ; At in fœtu Cor mo-
uetur 3. vel 4. die conceptionis sine pul-
monibus, et in fœtu belluino suis mem-

g.

Page 195, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

branis obuoluto, si experientiam fecisset
dissecto animali prægnante, comprehensis
ore, et naribus cum membranis, alibi tamen
rescissis, obseruasset Cor moueri, immotis
pulmonibus ; Atque nullus Anatomico-
rum præter Pecquetum, sustinuit fœtum in-
tra vterum respirare, et intra pulmones
fœtus Sanguinis circulationem fieri, at-
que arteriam venosam bis recipere eun-
dem Sanguinem.

Pag. 37. Quod scribit, Arterias vmbi-
licales Sanguinem superfluum reuehere in
iecur vterinum
 ; Id prius declaratum fuit
à Riolano ; sed alio modo descriptum
iter. Ad huius rei conformationem experi-
mentum adducit valde obscure et falso
scriptum. Si stipulam intra fœtum inspi-
raueris, in placentam, arteriæ aërem effun-
dent, flaccida penitus vena
. Non exprimit
(το intra fœtum) in quam partem sit in-
troducenda stipula ? Falsum etiam, arte-
rias vmbilicales manifestiores apparere ipsa
vena umbilicali, si inflentur, et infinitis
earumdem ramusculis illam  luxuriem tu-
mida inanitate declarare
. Arteriæ vmbili-
cales vena vmbilicali citius exarescunt, et
si luxuries obseruatur iis inflatis, istam lu-
xuriem facit spiritus intra duplicaturam
peritonæi inclusus. Nam istæ arteriæ in
suo progressu, nullos ramusculos vicinis

h.

Page 196, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

partibus suppeditant, cum non sint ad
hunc vsum destinatæ.

Pag. 38. Pergit demonstrare extraua-
satum Sanguinem, per venas ad Cor re-
meare ; Inficiatur anastomoses venarum et
arteriarum, quas ne quidem microscopio li-
cet obseruare accurate intuentibus. Negat
etiam radicibus in iecur à porta inspiratum
halitum, coniunctos Cauæ subire ramos,
et in pulmonem à trunco venæ arteriosæ in
extremas sese arteriæ venosæ propagines in-
sinuare
.

Quod attinet ad synastomoses venarum
et arteriarum, in responsione ad Har-
uevm
satis manifeste demonstraui, veras
esse, et in plurimis locis corporis huma-
ni conspicuas. Propterea non repetam,
cum videam ipsum postea admittere pag.
39. lin. 9. cum arteriæ venas habeant co-
mites, et adiunctas. Quod spectat ad con-
sortium venæ Portæ cum Caua per ana-
stomoses, id à me refutatum, ab Har-
ueo
confirmatum in secunda parte de
Circulatione Sanguinis. Sed monebo in
fœtu si insufflaueris fortiter venam vmbi-
licalem, omnes corporis tubulos, et par-
tes cauas inflabis, et discissis thorace et
abdomine, videbis omnia viscera vtrius-
que ventris, et vasa mirum in modum
intumescere, pro copia sufflaminati et

i.

Page 197, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

violenter impulsi spiritus, quod exare-
scente vena vmbilicali fieri non potest.

Pag. 39. Probat diffusionem Sanguinis
in carnes hoc modo. Nisi efflueret Sanguis,
undè corporeæ molis augmentum ad instau-
rationem partium, quæ sensim consumun-
tur, nisi alimento reparantur ?
Sed ex Cir-
culatione Sanguinis à Riolano pro-
posita, qui in habitum corporis effundi-
tur Sanguis, non refluit in venas, quia
facessit in nutritionem partium. Nec re-
trahitur nisi in summa inedia, et inanitio-
ne maiorum vasorum, vel per aliquem
violentum motum reuellitur intus, ut in
cholera morbo, et summis ardoribus fe-
brium.

Pag. 39 et 40. At ille credit, Quidquid
minus digestum et crassum cum fluidiori se-
ro in venas a foris in interiora cicumqua-
que forsan peruias refugit, in Cordis caca-
bum recoquendum
. Quæro an sponte eò
feratur, an attrahatur ? si trahitur, ergo
cum delectu, et ex habitu corporis impu-
rus humor indigestus recurrit ad Cor tan-
quam ad ollam coquinariam, vel forna-
cem, vt recoquatur. Harvevs vbi vidit
et agnouit aliquid deesse suæ Circulatio-
ni Sanguinis, in secunda parte, multos
diorismos proposuit, quos ibi legere li-
cet, nec repeto.

j.

Page 198, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

Pag. 41. Nunc obiectiones, proponit
aduersus extrauasationem Sanguinis et
dissoluit. Si transcolatus est Sanguis in car-
nibus, quî venæ crassiorem effundunt ? Re-
spondet, imminutum est serum, et temperatus
calor, admixtæ carnium nutritarum fæces,
quid mirum arteriosum Sanguinem à ve-
noso substantiæ consistentia superari
. Quod
pernegat Harvevs, qui vtrumque San-
guinem venosum et arteriosum consi-
milem esse sustinet, colore et consistentia, et
pondere, ac mensura, et tu idem affirmas
pag. 45. lin. 13.

Pag. 41. At Sanguinis extra vasa re-
stagnantis ineuitabilis est corruptela
. Non
inde sequitur, quia ex Hippocrate, Sanguis
tenuissimus, per diapedesim, roris instar
effusus in habitum corporis, inundat cor-
pus cum spiritibus in sanis ; at in ægris
pro Sanguine serum, pro spiritu flatus
circumfluunt. Verum, Reformidatur in
arteriosi Sanguinis extrauasatione diffusio,
quæ faciet aneurisma nisi arteria habeat
proximam, et adhærentem venam, quæ
recipiat Sanguinem
.

Pag. 41. Tu tamen fateris, Si longior
fuerit mora fluentis Sanguinis, qui succes-
surus est, retentæ fæcis mixtura conspurca-
tur, et in varios pro noxia dominantium
humorum diuersitate morbos dissoluitur
. Er-

k.

Page 199, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

go fæx Sanguinis reuehitur, quæ deberet
in habitu corporis remanere. Ergo ista re-
ductio Sanguinis ad Cor, non est saluta-
ris, sed noxia.

Pag. 41. Scribis, Melancholiam San-
guinis in scirrhum condensari
. Nescis me-
lancholiam esse nome morbi, non hu-
moris.

Pag. 73. Nunc inquiris causas Sangui-
nis motus. Sustineo impossibile in sanis,
multo minus in ægris corporibus, impe-
tum Sanguinis à Corde exilientis in systo-
le ferri ad extremos artus, simulque im-
pellere Sanguinem versus Cor ante dia-
stolen ; quia quies, siue perisystole inter-
jecta inter diastolen et systolen adeo bre-
uis est, ut momento etiam per irradiatio-
nem, intra arterias Sangine turgidas vix
fieri queat, ut describis.

Pag. 74. Scribis etiam, Vasorum com-
pressionem adiuuare istum motum ex ins-
pirati intra pulmonem aëris pressura, et
adjacentium canalibus musculorum conne-
xu
. Ergo si pulmones non agitentur solo
diaphragmate moto, ut sæpe fit, non poterit
motus Sanguinis perfici, nisi in partibus
thoracicis. Dormiendo placide nullus est
connixus musculorum ; Deinde, nulla est
vasorum spontanea contractio, quia mo-
tus tantum inest iis corporibus membra-

l.

Page 200, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

nosis, quæ fibras habent carnosas, vel
membranam carnosam, quibus desti-
tuuntur vasa.

Pag. 75. Addis, Atque ita Sanguis in
arterias à Corde exprimitur ex arterijs elu-
triatur partim per anastomoses ; partim in
carnes effunditur, et inde recollectus intra
venas, in Cor iterum redit, tam necessario
vitæ circulo, ut vel tantillum interturba-
tus, aut lipothymia, aut syncope, aut
mors consequatur
. Imò, sine reductione
istius Sanguinis effusi per vniuersum cor-
pus, vitam subsistere, atque eam Circu-
lationem, quæ fæces nutritarum {a} carnium
nutrituram secum reuehit ad Cor
, vitæ po-
tius noxiam, quam vtilem asseuero, quia
dixisti, morbos excitare, pag. 41.

Porrò post inuentas venas lacteas, Pec-
quetus
debebat imitari modestiam Har-
vei
, qui interrogatus à Riolano, cur Cir-
culationis vsus non exposuisset, modeste
repondit, prius stabiliendum esse illud
το οτι, priusquam το διοτι inquiratur. Cre-
do ipsum ea in re tot difficultatibus obrui,
vt vix ab illis emergere queat.

Tu verò ex tua inuentione Archimede
gloriosor, inuenisti nouas venas lacteas,
et subitò ex tui ingenij subtilitate, vsus
falsissimos assignasti, Plus scire velle quam
sit satis, intemperantiæ signum est, inquiebat


  1. Sic pour : mutatarum.

m.

Page 201, ioannis riolani responsio ad experimenta nova anatomica.

Seneca. epist. 88. Itaque non pudeat, nec in-
honestum reputes, mutare sententiam.
Ex Aristotele, multi Philosophi veritatis
amore sua decreta teractarunt. D. Hie-
ronymus
anno 30. ætatis scripsit Commen-
taria ad Abdiam Prophetam, quæ senex
60. annorum, non eribuit retractare, alia
substitua interpretatione. Si sapis pro ista
censura mihi gratias referes, vt fecit Pli-
nius iunior
, ad Amicum adulatorem scri-
bens, Non credam cætera tibi placeret, nisi
quædam displicuisse cognouero
.

Galenus, lib. 6 de usu partium, cap 12.
Ostendit neminem Adrastriæ legem posse
effugere, etiam si astutus admodum, ac
dicendi peritus fuerit, quin confiteatur
tandem et ipse suam vafriciem, feratque
veritati testimonium, quod tibi tuisque
fautoribus forsan Deus inspirabit.

                 FINIS.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean ii Riolan, Première Responsio (1652) aux Experimenta nova anatomica de Jean Pecquet (1651). 6. Sur la circulation du sang

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/pecquet/?do=pg&let=1005

(Consulté le 13/06/2024)

Licence Creative Commons "Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.