L. 526.  >
À Hugues II de Salins,
le 24 mai 1658

Monsieur, [a][1]

J’ai reçu votre lettre par les mains du fils de M. Guyart, et en voici la réponse. Dans le distique de M. de Sainte-Marthe [2] touchant Fernel, [3] il faut, des lettres majuscules et élevées, en composer l’an 1558 qui fuit annus tanto viro emortualis[1] Cette nouvelle façon de supputer est une invention d’Allemands.

Dans les fièvres continues [4] et maladies aiguës, il ne faut aux malades que des bouillons ex carnibus vitellinis et gallinaceis, cum herbis refrigerantibus, ex acetosa, lactuca, portulaca, cichorio[2][5][6][7] et du verjus de grain, [8] selon la saison ; en donner un de quatre en quatre heures, qui soit frais fait et non gardé ; peu d’œufs frais, encore n’en faudrait-il point aux bilieux ne propter nimiam dulcedinem putrescant, et corrumpantur in ventriculo ; [3][9] mais pour leur boisson ordinaire, il ne leur faut que de l’eau bouillie ou de la tisane, [10] ou de l’eau panée, [4][11] et jamais de vin, quod tamen si vetulum fuerit, potest concedi multa aqua dilutissimum, senibus et languentibus si febris remissior fuerit. Apage aquam mulsam, aquam saccaro conditam, etc[5] Les règles de Fernel sont bonnes, mais ses remèdes sont quelquefois grossiers, tunc adhuc gemebat in cunis purior illa nostra medicina[6] Avec Fernel, lisez Sennertus [12] de febribus[7]

Brudus Lusitanus [13] était un Portugais de nation, juif de religion. Ces marauds sont ignorants et charlatans, comme ont été le Zacutus, [14] Varignana, [15] Amatus Lusitanus, [16] Rodericus à Castro [17] et alii nebulones qui non agnoscunt Christum[8][18]

Toutes les femmes, etiam valentes et sanæ[9] ont besoin d’être purgées [19] à la fin de leurs couches quia solus uterus expurgatur per lochia : indiget enim universum corpus universali quadam purgatione[10] avec casse, séné et sirop de roses pâles. [20][21][22][23] En voici la formule :

℞ fol. Orient. ʒ iij infund. in decoct. refrig.  v pro dosi, per noctem, in colat. diss. med. cassiæ recens extractæ ʒ iij. syr. rosar. solut.  j fiat potio, sumenda summo mane, trib. horis ante iusculum, et superdormiat[11]

Cette médecine fait les femmes saines ; indéque facilius concipiunt, et postea fœtus validiores edunt, quia etiam ab omni excremento residuo liberatur uterus[12]

Les suffocations de matrice qui viennent post partum, fiunt a plenitudine uteri : ideoque secanda est illis vena tum in brachiis, tum in pedibus[13] et plusieurs lavements [24] entre les saignées ; a venæ sectione sunt repurgandæ, postea conveniet eis balneum, ex aqua tepida ; [14] mais avant que d’en venir à la purgation, il faut ôter toute la plénitude [25] des grands vaisseaux par la saignée des deux bras, saphenæ enim sectio est remedium particulare, quod maiora vasa deplere non potest ; [15][26] c’est pourquoi il ne faut saigner du pied qu’à la fin, et immédiatement avant que de purger.

La petite fille de dix ans devait être saignée au plus tôt, tantôt du bras droit, tantôt du gauche, ad promovendam variolarum vel morbillorum eruptionem ; [16] tous les jours, un lavement, des bouillons et de l’eau bouillie. Il les faut traiter comme une fièvre continue ; apage ficta illa cardiaca et falso dicta sudorifica, quæ omnia perturbant, intemperiem et febrem accedunt, sanguinem deiiciunt, vires exsolvunt, etc[17][27] Il ne faut purger que extincta febre, circa diem 12, vel 13, vel 15, abstinendum die 14 propter religionem diei, ab omni purgatione[18] Et me semble que voilà réponse à vos questions.

Le Paracelse de Genève n’est pas encore fait. [28] Le Heurnius [29] est achevé à Lyon in‑fo chez M. Ravaud, [30] qui s’en va commencer le Cardan [31] en sept tomes in‑fo. Tout le M. Gassendi [32] est achevé, en six tomes in‑fo, de cette semaine.

Saluto dilectissimam uxorem, patrem, fratrem [19] et monsieur votre cousin. Vale et me, quod facis, amare perge. Tuus ex animo, Guido Patin[20]

De Paris, ce 24e de mai 1658.

Tout ce qu’a fait Heurnius est bon, et principalement sur Hippocrate, c’est pourquoi vous le devez avoir. Le roi [33] est devers Hesdin. [34] Nous avions intelligence dans Ostende, [21][35] laquelle a manqué : M. le maréchal d’Aumont, [36] gouverneur de Boulogne, [37] y était allé pensant s’en saisir, il a été fait prisonnier par les Espagnols avec l’intendant de justice, nommé M. Talon ; [38] nous y avons perdu beaucoup d’argent et plusieurs hommes. Nondum constat de urbe obsidenda[22] on dit que ce sera Hesdin, Gravelines [39] ou Dunkerque. [40] Quelques-uns disent que l’empereur [41] sera élu devant la Pentecôte. [42] On dit que le roi de Suède [43] menace d’entrer dans la Silésie [44] avec une armée de 40 000 hommes, mais il y a loin d’ici là. Vale.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 24 mai 1658

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(Consulté le 24/04/2024)

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