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Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, à Leyde.
Très distingué Monsieur, [a][1]
La gravité de votre maladie m’a épouvanté. Dieu fasse que vous vous portiez mieux et que je sois délivré de cette crainte. La phlébotomie peut faire disparaître à la fois la maladie et sa cause, et ses bons effets peuvent rapidement vous soulager. Prenez donc garde à ne pas avoir d’aversion pour un si grand remède. [2] La purgation douce, répétée deux ou trois fois, avec séné et sirop de roses pâles ou de fleurs de pêcher, mais sans du tout de scammonées, emportera heureusement les reliquats de votre mal. [3][4][5][6][7] Agissez donc en sorte qu’avant la fin de ce mois, je reçoive l’agréable nouvelle de votre meilleure santé. Votre dégoût des aliments est pour moi de mauvais présage s’il ne disparaît pas rapidement pour laisser place à un louable appétit. Je ne me soucie pas de votre portrait pour le moment : ne vous préoccupez que de mieux vous porter, et consacrez-vous-y tout entier ; mais après que vous aurez recouvré une parfaite santé, nous penserons à ce tableau. [1][8] Mes deux fils vivent et se portent bien : ce matin, j’ai été appelé en consultation avec Robert pour une fièvre quarte, [9][10][11] et hier soir, avec Charles, pour une douleur néphrétique. [12][13] Tous deux étudient avec diligence et s’appliquent avec bonheur aux opérations du métier ; on m’appelle souvent en consultation avec eux et je me réjouis que beaucoup de gens les apprécient. Ils habitent des logis distincts du mien ; [14] chacun a sa propre maisonnée : valet, servante, cheval et bibliothèque ; mais aucun n’a encore d’épouse. [2] Nous ne penserons pas à mariage tant que la paix universelle ne sera pas rétablie ; il en est fortement question et tous les braves gens l’espèrent ; Dieu fasse qu’elle nous vienne vite. [15] L’éminentissime Mazarin, premier ministre de notre royaume, a récemment souffert de podagre ; [16][17][18] mais ensuite, il a été pris des douleurs néphrétiques les plus aiguës et les plus atroces ; [19] pour les apaiser, on l’a saigné six fois ; [20] enfin, il a expulsé un très gros calcul. On dit pourtant qu’il ne s’en trouve pas mieux, et certains suspectent qu’un autre plus grand calcul ne subsiste dans la vessie, qu’aucun autre recours que la lithotomie ne pourra retirer de là. [21][22] On dit que le Jupiter capitolin, ou ce pape qu’on appelle Alexandre vii, est devenu fou et qu’il est tombé en démence sénile. [23][24][25] Je ne me soucie aucunement que les grands de ce monde, les maîtres des affaires, soient ou non bien portants ; je m’inquiète seulement de vous, et prie à genoux Dieu tout-puissant de remettre vite en meilleure et plus solide santé. Vale et envoyez-moi sans tarder la nouvelle de votre rétablissement.
De Paris, le 8e de mai 1659.
Votre Guy Patin de tout cœur.
Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fo 81 ro.
Ni la cette lettre, ni le contenu des suivantes ne permettent d’identifier la maladie qui affectait alors Johannes Vander Linden. Guy Patin lui recommandait son ordonnance quasi universelle.
Avant de venir loger chez son père, place du Chevalier du Guet, en avril 1669, Robert Patin demeurait au port de l’île de la Cité, actuel quai aux Fleurs (v. note [18] de La bibliothèque de Guy Patin et sa dispersion).
En 1667, Charles Patin habitait sur la rive droite de la Seine, rue de la Tissanderie (ive arrondissement, v. note [32] des Déboires de Carolus).
Rien ne permet toutefois d’affirmer que telles étaient leurs adresses en 1659, avant leurs mariages (en 1660 pour Robert, et 1663 pour Charles).
Ms BIU Santé no 2007, fo 81 ro.
Clariss. viro D. Io. Ant. Vander Linden, Leidam.
Terruit me, Vir Cl. morbi tui magnitudo : utinam melius Tibi sit, ut hoc
metu me liberes : Ipse morbus et causa morbi per venæ sectionem tolli possunt, ejusq.
beneficio brevi potes levari : cave igitur ne abhorreas à tanto præsidio : morbi
reliquas feliciter averruncabit blanda purgatio bis terve repetita ex folijs
Orientalib. cum syr. rosarum solutivo, vel de floribus mali persicæ, absque ullis
scammoniatis : effice igitur ut ante finem mensis gratiorem nuntium accipiam de
tuao convalescentia. meliori statu. Pravi mihi est ominis tuum cibi fastidium, nisi citó tollatur,
atque recurrat laudabilis appetentia. De tua effigie, nunc non curo : hoc unum age
ac stude, ut nempe valeas : postea v. quam assequutus fueris perfectam valetudinem,
de illa pictura tunc cogitabimus. Uterque Filius meus vivit et valet ; hodie mane vocatus
fui in consilium cum Roberto, pro febre quartana : hodie serò cum Carolo, pro dolore
nephritico : uterque diligenter studet, et operibus artis feliciter incumbit ; sæpe vocor cum
illis in consilium, et gaudeo quod à ab illis à multis probentur : distinctes habent ædes à meis,
uterque suam habet familiam, servum, ancillam, equum et bibliothecam, sed nullam
adhuc uxorem : de quo negotio non cogitabimus nisi Pace illa universali constituta, de
qua fortiter hîc agitur, et quam boni quique sperant : utinam citò veniat. Summus
ille Regni nostri Administer Maz. Eminentissimus, nuper podagram passus est,
postea v. nephriticos dolores pertulit acutissimos et atrocissimos, pro quib. mitigandis
secta fuit ei vena sexies, tandem calculum grandiorem ejecit : nec dum tamen inde
melius habere dicitur : quidam suspicantur in vesica majorem calculum alterum restare, qui nulla
alia arte quàm vesicæ sectione tolli poterit. Iupiter Capitolinus sive Papa ille dictus
Alex. 7. dicitur fatuus esse factus, et in senile delirium incidisse. Magnates illi, rerum
domini, bene se habeant, necne, non nihil moror : de Te uno angor, pro quo supplex
oro Deum Opt. Max. ut Tibi meliorem firmioremq. valetudinem citò restituat. Vale igitur, et meliorem tuarum rerum statum statim nuntia. Datum Parisijs,
8. Maij, 1659.
Tuus ex animo Guido Patin.