À Johann Georg Volckamer, le 8 octobre 1666

Note [3]

V. note [20], lettre 104, pour l’emploi des mots ictus sanguinis et apoplexia par Aurelius Victor dans son « Abrégé des Césars ».

Les Portraits historiques des hommes illustres du Danemark, remarquables par leur mérite, leurs charges et leur noblesse, avec leurs tables généalogiques. Première partie de Tycho de Hofman (sans lieu ni nom d’imprimeur, 1746, in‑4o, page 54) relatent la mort du comte Hannibal Sehested (v. note [7], lettre 735) :

« Sehested retourna au mois de février < 1666 > avec le caractère d’ambassadeur extraordinaire à Paris. Mais les hommes qui ont quelques qualités au-dessus des autres, ont toujours quelque chose d’extraordinaire dans leur fin ; car comme on pouvait attendre encore beaucoup de ses négociations, la mort y coupa fatalement et subitement le fil de sa vie le 23 septembre 1666, à l’âge de 58 ans. Son corps fut ouvert et anatomisé, le lendemain de sa mort, par les médecins du roi de France, pour voir si on en trouverait la cause. Ils en donnèrent leur sentiment dans une lettre latine. Monsieur Giöe, {a} connu par son esprit et par son érudition, y fit son éloge par une harangue, qui sans doute a répondu au caractère de cet illustre seigneur. »


  1. Marcus Falksen Giöe, v. note [5], lettre latine 233.

Suit, en note de bas de page, la transcription du rapport anatomique :

Nos Consilarii et Medici Regii, nec non in Parisiensi Academia Doctores regentes, cum essemus vocati ad mortis, qua Perillustris Daniæ apud Gallos Legatus heri subito ereptus est, exquirendas venandasque in aperto cadavere causas, in dissectis renibus, ambobus solito mollioribus, alienumque colorem referentibus, non nihil puris comperimus et lienis, pulmonisque, tametsi cætera sana viderentur, involucra lividis maculis et quidem quam plurimis notissima, sed et sanguis sub illinium lumborum, dorsi totiusque, colli cutem largiter effusus, rubrum simul lividumque colorem induxerat. Resecto denique cranio ac cerebro tanta in hujus cavitatibus comparuit vel certe seri sanguinis copia, ut quin ab hanc unam rem repente exanimatus sit, minime dubitemus. An vero sanguis ipse e plenioribus, nec tamen ipsum capere valentibus vasis sponte sua eruperit, an in quædam ita concitatus sit, ut effractis repagulis domicilium mentis oppresserit, clam nos profitemur. Datum Lutetiæ Parisiorum, die 24. Sept. Anno 1666. Guido Patin Antiq. Decanus. E. Courtois Professor Regius.

[Nous, conseillers médecins du roi, ainsi que docteurs régents de la Faculté de Paris, ayant été appelés à rechercher et à débusquer, par ouverture de son cadavre, les causes de la mort qui a hier emporté le très illustre ambassadeur du Danemark en France, nous avons trouvé un peu de pus dans les deux reins, qui étaient plus mous qu’à l’ordinaire et présentaient une altération de leur couleur, bien que la rate et les poumons parussent sains ; {a} mais du sang épanché en abondance sous la peau des lombes, de tout le dos et du cou, leur donnait une couleur à la fois rouge et bleuâtre. {b} Ayant enfin ouvert le crâne et disséqué le cerveau, nous avons mis au jour dans ses ventricules une grande quantité de sang très certainement vieilli, sans guère douter que telle a été la raison de cette mort subite. {c} Nous déclarons ignorer si le sang a spontanément surgi de vaisseaux sains, sans pourtant coaguler, ou s’il s’est tant enflammé en quelque endroit qu’ayant brisé les parois qui le contiennent, il a comprimé le siège de la pensée.
Fait à Paris le 24e de septembre 1666.
Guy Patin, doyen d’âge. E. Courtois, professeur royal]. {d}


  1. Pour la cohérence de la syntaxe, j’ai traduit en considérant pulmonisque comme une coquille, pour pulmonesque.

  2. Sans m’acharner à trouver un sens au mot illinium (qui n’est dans aucun dictionnaire), j’ai traduit contextuellement ce qui décrit des lividités cadavériques, qui sont une accumulation normale de sang dans les parties déclives d’un corps humain maintenu couché sur le dos durant la journée qui suit la mort.

  3. V. note [15], lettre 554.

  4. Paul Courtois (v. note [5], lettre 265, seul Courtois qui ait été docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1666) était ancien doyen, charge qu’il avait occupée de 1652 à 1654, mais n’était pas professeur du Collège royal, titre qui convenait au seul Guy Patin (lui aussi ancien doyen, de 1650 à 1652, mais sans jamais avoir été l’ancien de la Faculté). Ces grossières erreurs dans les signatures permettent de conclure que la transcription de ce texte est aussi fautive en d’autres endroits : le latin n’a ni la qualité ni la précision ordinaire à Patin, et plusieurs passages (comme la phrase de conclusion) y sont difficiles, voire impossibles à traduire correctement sans interpoler ou interpréter.

Quant au diagnostic précis de l’accident artériel cérébral, il s’agissait probablement d’une banale hémorragie par rupture artérielle liée à une hypertension (maladie alors inconnue), chez un homme pléthorique âgé de 58 ans. Toutefois, depuis six mois (v. lettre du 20 mars 1666), Sehested souffrait de fièvre continue rebelle, accompagnée de symptômes divers, ce qui peut mener à supposer que son hémorragie cérébrale était la complication fatale d’un état infectieux prolongé, tel qu’une endocardite maligne lente (maladie d’Osler, décrite en 1907), atteinte bactérienne des valves cardiaques qui peut essaimer en provoquant la formation d’anévrismes cérébraux (dits mycotiques pour leur ressemblance avec des petits champignons), responsables d’hémorragie quand ils rompent (v. note [4], lettre 423). Le volume de la rate augmente habituellement dans cette affection, mais elle était qualifiée de saine dans le rapport d’autopsie, ce qui ne corrobore pas cette explication, sans toutefois l’exclure tout à fait (faute d’avoir soigneusement examiné les cavités cardiaques). V. note [2] de la lettre susdite pour le vocable hippocratique d’ακαθαρσιη [akatharsiê] que Guy Patin avait employé pour qualifier l’état de Hannibal Sehested : il peut correspondre à la diffusion d’une infection cardiaque à plusieurs viscères.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, le 8 octobre 1666, note 3.

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(Consulté le 11/10/2024)

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