L. 132.  >
À Claude II Belin,
le 8 février 1646

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 8 février 1646

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(Consulté le 24/04/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Pour faire réponse à vos deux lettres, par lesquelles j’apprends que vous savez les nouvelles de monsieur votre fils [2] qui a quitté ses études pour s’en aller en campagne (il ne vous a point trompé, vu que vous me l’aviez bien mandé, et de fait, aussi trouvais-je grande apparence que tout ceci arriverait), je vous dirai qu’il faut prendre patience en ce malheur et prier Dieu qu’il le veuille bien assister de sa sainte grâce en ce désordre. On n’a encore rien fait contre le livre de M. de Saumaise [3] et ne sais pas ce qui se fera. [1] Je n’ai point vu le livre intitulé Vindiciæ Hispanicæ, ni l’autre intitulé Amico-Critica monitio. J’apprends que l’auteur du premier s’appelle Chifflet, [4] médecin d’Anvers ; [5] et M. Brun, [6] procureur général au parlement de Dole, [7] du second, et qu’il est aujourd’hui à Münster avec les plénipotentiaires ; [8] c’est pourquoi je ne puis pas vous rien mander d’iceux. Pour la réponse à M. Brun, je l’ai vue sous ce titre, Amico-criticæ monitionis litura, de laquelle on fait auteur Mess. Mathieu de Mourgues, [9] sieur de Saint-Germain, qui a fait autrefois tant de livres contre le cardinal de Richelieu [10] tandis qu’il était en Flandres [11] avec la reine mère. [2][12] Plusieurs disent ici qu’il n’y a pas assez bien répondu et s’en plaignent, je ne sais rien des autres réponses. Je n’ai point acheté le livre de M. de Saumaise pour moi et ne l’ai vu que par emprunt. La raison en est que mon frère [13] qui est en Hollande m’a mandé il y a trois mois entiers que je ne l’achetasse point et qu’il m’en enverrait un ou qu’il me l’apporterait lui-même. [3] Cela m’a empêché de l’acheter. J’attends le livre tous les jours, combien que je n’attende mon frère qu’après Pâques à cause du mauvais temps. Quand j’en aurai un, je vous l’enverrai très volontiers à Troyes, [14] bien empaqueté, où vous et vos amis le tiendrez tant qu’il vous plaira. Le jésuite d’Auxerre [15][16] est toujours fou, et sera. En récompense, il a bien des confrères qui ne le sont pas puisqu’ils sont les panurges du siècle. [4][17][18] Enfin, les jésuites ont fait un général, qui s’appelle le P. Carafe, [19][20] qui est parent du cardinal de même nom [21] et de la famille du pape Paul iv[5][22][23] M. Rivière, [24] professeur de Montpellier, [25] est ici avec dessein d’y laisser à imprimer un livre d’Observations ; une autre affaire l’y mène aussi, dont je vous entretiendrai quelque jour. [6] J’avais prêté à monsieur votre fils qui est allé à la guerre quelques livres qu’il ne m’a pas rendus, faute de me dire adieu, mais c’est peu de chose, ne vous en mettez point du tout en peine. Pour le fait de l’argent, je vous en envoie le billet signé de sa propre main. Il y a là quelque dépense superflue et dont vous vous fussiez bien passé, et moi aussi, mais elle n’a eu jamais autre fondement qu’une supposition qu’il me donna pour avoir de l’argent ; dont j’avérai la fausseté en sa présence, m’étant exprès transporté chez son hôte où on lui soutint le contraire de ce qu’il m’avait dit. C’est ce premier article de 10 livres 16 sols et 8 deniers que vous ne m’avouerez [7] pas si vous ne voulez ; combien que sans un mensonge qu’il me fit croire pour un temps, je ne lui eusse point baillé. Pour la seconde somme, qui est de 6 livres 13 sols, ce fut en attendant qu’il eût reçu son argent. De toute cette somme faites-en comme vous l’entendrez, sans vous en presser ni incommoder. J’ai céans encore mille écus à votre service, comme étant ce que je serai toute ma vie, à vous et à Mme Belin, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 8e de février 1646.

Le pape, [26] continuant de persécuter tous les héritiers du feu pape, [27] a obligé de sortir de Rome Don Taddée, [8][28] préfet de la ville, avec son frère le cardinal Barberin [29] qui vint ici nonce il y a vingt ans. S’étant embarqués à dessein de se réfugier en France, une tempête les amena aux îles de Saint-Honorat en Provence [30] où le cardinal Antonio, [31] qui était ici à la cour, est allé les trouver. Un bruit court, que je tiens néanmoins faux, que le roi d’Espagne, [32] voyant le piteux état de ses affaires, veut tout quitter et se faire moine. Si cela était, beaucoup de gens se moqueraient de lui, et surtout les moines mêmes. [9] On ne dit encore rien de nouveau, ni de la paix, ni de la guerre. Le roi d’Angleterre [33][34] est plus mal en ses affaires que jamais, il n’a plus en tout son royaume que quatre petites villes. [10] Le prince d’Orange [35] a pensé mourir ; s’il guérit, comme on espère, de sa goutte, [36] il y a apparence qu’il assiégera cette année Anvers.

Ce 8e de février 1646.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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