L. 740.  >
À André Falconet,
le 19 janvier 1663

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 19 janvier 1663

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(Consulté le 19/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

La saignée de la petite Madame, [2] fille du roi, [1][3] a été ici fort blâmée. Les princes sont malheureux en médecins, Blaise de Montluc [4] maréchal de France, l’a fort bien remarqué dans ses Commentaires[2] L’éducation de Louis xiii[5] la mort de Gaston duc d’Orléans, [6] son frère, et celle du Mazarin [7] en rendent de grands témoignages. Cette petite Madame n’est morte que d’un coup qu’elle avait eu à la tête, qui avait fait un ébranlement du cerveau et qui lui a causé les convulsions à la mort ; donc elle n’avait pas besoin de saignée. Il y a bien des gens qui ressemblent à ce peintre dont Pline [8] a parlé, qui ne pouvait pas s’empêcher de mettre toujours la main à ses tableaux ; [3] quand un tableau est bien fait, il n’y faut plus toucher. Il ne faut faire des remèdes qu’à ceux qui en peuvent être soulagés, de peur, comme dit Celse, [9] de diffamer des remèdes qui ont été salutaires à plusieurs autres, et il fallait simplement s’en tenir au pronostic. Dans la première race de nos rois, il y en eut un à qui tous les enfants mouraient ; sa femme lui remontrait que Dieu le permettait ainsi à cause qu’il chargeait trop son peuple ; tous ses enfants moururent et le peuple ne fut point déchargé. Ce n’est pas que je le voulusse appliquer au roi [10] car tous les gens de bien sont ici assurés de < sa > bonne volonté, mais je voudrais qu’il en sût la remarque. J’ai fait saigner autrefois un enfant de trois jours pour un érysipèle [11] qu’il avait à la gorge ; il est encore vivant, âgé de 35 ans, il est capitaine de Dunkerque, c’est le fils de Mlle Choart. [4][12][13] J’ai fait saigner le fils de M. Lambert de Thorigny [14][15] le 62e jour de sa vie, qui a aujourd’hui 10 ans. [5] L’application des grands remèdes dans un âge si tendre demande beaucoup de jugement. [16]

Guénault [17] ne sait tantôt plus ce qu’il fait, il n’a ni mémoire, ni jugement, il n’a plus que l’avarice et l’ambition dans l’esprit. C’est grand’pitié que vieillesse, Quid non longa dies, quod non consumitis anni ? [6][18] Punition divine ! dit Homenaz [19] dans l’auteur François. [20] Le petit Gascon [21] avait beaucoup de feu et peu de fonds, mais il avait de la malice et de l’ambition extraordinaire : il avait supposé de faux contrats pour se marier, ces tours n’appartiennent qu’à des Gascons. Il a laissé du désordre en sa maison, on dit que son grand-père Ludovicus Lopes, [22] Medicus Lusitanus Iudaïcæ religionis[7] fut pendu en Angleterre l’an 1594. Vide Grotium de Bello Belgico, et Cambdenum in Annalibus Elisabethæ Anglorum Reginæ ; [8][23][24] c’est une méchante peste qu’un juif portugais, [25] empoisonneur, etc. Mme de Rohan [26] a fait faire quelque satisfaction à M. Morisset, [27] mais cela ne va pas encore bien, Ex inflicto vulnere remanet cicatrix quæ non facile deletur, Semper avarus eget[9][28]

Les deux rapporteurs de M. Fouquet [29] travaillent aux pièces de son procès pour en faire leur rapport, qui ne sera pas sitôt, d’autant qu’il faut bien du temps à visiter tant de papiers. On dit qu’il y a des conclusions de mort contre Catelan, [30] qu’il sera pendu et étranglé, et que son corps demeurera à la potence trois jours et trois nuits. [31] On dit qu’il y a trois nouveaux intendants des finances, MM. Charon, [32][33][34] Picon [35] et Hotman, [36] dont le premier est beau-père de M. Colbert [37] qui est aujourd’hui le mignon et le favori de la Fortune. [10][38] On ne parle ici que de la guerre en Italie et contre le pape, [39] et qu’il y a des troupes qui ont ordre de marcher.

Je vous envoie un petit mot de réponse pour monsieur votre fils, [40] que je vous prie de lire et de lui envoyer ensuite ; mais retirez-le de là le plus tôt que vous pourrez, Heu fuge credulis terras, fuge litus avarum ! [11][41] Il ne sera jamais mieux qu’auprès de vous, ce sera votre présence qui le retiendra et l’enseignera. Il se doit imaginer que vous lui dites tous les jours Disce puer virtutem ex me, verumque laborem[12][42] On commence ici l’impression in‑fo de la Pratique de Houllier [43] in qua, præter textum et scholia Hollerii, enarrationes et annotationes Lud. Dureti, et exercitationes Valetii, legentur commentarii novi et observationes selectæ Ioh. Haultin, Med. Paris.[13][44][45][46] qui a été fort savant et fort employé, et qui mourut ici l’an 1616 ; [14] mais j’ai bien peur qu’il n’y ait bien des fautes car tous nos libraires sont bien taquins et bien ignorants, ils n’ont pas même d’esprit pour bien faire. J’espère de renvoyer à MM. Huguetan [47] et Ravaud [48] leur épître dédicatoire pour le Cardan [49] la semaine qui vient et que le soir de dimanche prochain, on me la rendra < de > chez M. le premier président : [50] j’y suis invité, mais je ne puis y aller. Le jeune M. de Rhodes [51] est-il de retour d’Italie ? Je suis, etc.

De Paris, ce 19e de janvier 1663.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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