L. 809.  >
À André Falconet,
le 23 janvier 1665

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 23 janvier 1665

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0809

(Consulté le 14/11/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai il y a quelques jours un paquet de lettres avec une thèse [2] de sudore sanguineo[1][3] laquelle, comme je crois, vous trouverez belle et remplie de doctrine. Les chimistes [4] s’en font bien accroire tous les jours avec leurs prétendus sudorifiques [5] dont ils promettent de guérir la peste [6] et les autres maladies malignes. La peste est un terrible démon qui ne se chasse point avec de telle eau bénite. Cette dernière comète [7] qui a paru fournira de la matière aux astrologues [8] et sans doute, produira quelque livre nouveau aux curieux. Le mot de comète devrait être masculin, mais le peuple et l’usage l’ayant mis au féminin, je suis d’avis de parler comme les autres, malgré la règle de la syntaxe, de peur de passer pour novateur et pour grammairien, [9] qui est une sotte espèce d’hommes à ce que dit Athénée. [2][10] La comète qui parut l’an 1572 [11] au signe de Cassiopœa était toute autre chose qu’une comète d’Aristote, [12] qui n’avait rien vu de pareil et qui peut-être ne l’a jamais entendu. [3] Les astronomes d’aujourd’hui en savent bien plus que lui ; ce que je dis sans le vouloir mépriser, mais il n’a pas tout su. La vérité des choses se découvre petit à petit. Je tiens pour certain qu’il y a deux sortes de comètes, l’une sublunaire et l’autre céleste ou éthérée ; voyez ce qu’en a dit là-dessus Fromondus [13] dans son livre de météores. [4]

M. Rainssant [14] notre collègue est toujours malade et ne se porte point mieux. Dans ce mauvais train de son mal, il a eu recours aux empiriques [15] et chimistes, et il se sert de la pierre de Butler [16] dont Van Helmont [17] a bien dit des menteries. [5] Je vous prie pourtant de ne point lui en savoir mauvais gré car c’est là sa méthode ordinaire et il veut faire en mourant ce qu’il a pratiqué durant sa vie : Rainssant a fait toute sa vie le charlatan [18] et veut mourir en charlatan. Cicéron [19] a dit en quelque part qu’un certain Aristoxenus [20] était philosophe et musicien, et qu’étant interrogé < sur > ce que c’était que l’âme, il répondit que c’était une harmonie pour ne pas s’éloigner de son métier. [6] M. Piètre [21] est encore fort mal, ses accès lui ont repris avec ses convulsions ordinaires. [22] Dans Hippocrate [23] cette maladie est appelée morbus sacer et dans Apulée [24] morbus maior, et par d’autres morbus comitialis, dans Gellius [25] Herculeum pathema[7] parce que les plus grands génies en ont été atteints, comme Hercule, [26] Alexandre le Grand, [27] Jules César, [28] Charles Quint, [29] etc. Il vaut mieux être moins habile homme que d’être si savant comme M. Piètre et être malade comme lui. Pierre Charron, [30] qui a été un divin homme, préfère la santé du corps à la science. [8] Je suis, etc.

De Paris, ce 23e de janvier 1665.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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