L. 898.  >
À André Falconet,
le 4 février 1667

Codes couleur
Citer cette lettre
Imprimer cette lettre
Imprimer cette lettre avec ses notes

×
  [1] [2] Appel de note
  [a] [b] Sources de la lettre
  [1] [2] Entrée d'index
  Gouverneur Entrée de glossaire
×
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 4 février 1667

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0898

(Consulté le 03/12/2024)

 

Monsieur, [a][1]

En continuant notre petit commerce de lettres, qui est fort innocent, je vous dirai que le roi [2] n’ira point au Parlement pour la réforme des abus de la chicane et qu’il a remis cette affaire à M. le premier président[3] aux conseillers de la Grand’Chambre et à Messieurs les présidents aux Enquêtes ; aussi bien la chicane ne mérite-t-elle pas un tel réformateur que le roi, qui a bien d’autres affaires. Non vacat exiguis rebus adesse Iovi. Aquila non capit muscas. Tu regere imperio populos, Romane, memento, parcere subiectis ac debellare superbos[1][4][5][6][7] c’est là véritablement son emploi et je prie Dieu qu’il y réussisse. J’ai aujourd’hui parlé à M. l’abbé de Villeloin, [8] qui a traduit presque tous les poètes latins, qui m’a dit que l’on imprime de sa traduction les six petits historiens latins qu’on appelle ordinairement Historiæ Augustæ scriptores[9] qui sera un gros in‑8o, et Grégoire de Tours[10] qui sera in‑4o[2]

Ce 27e de janvier. On ne parle ici que de voleries, massacres et autres crimes : il y a un notaire de Paris qui sera pendu pour fausseté ; on parle de trois moines qui sont dans la Conciergerie [11] pour des crimes abominables ; un jeune homme natif de Limoges [12] nommé Des Champs [13] a été rompu aujourd’hui dans la rue Saint-Denis [14] pour une affaire de guet-apens qu’il y commit hier. [15] Nous avons un lieutenant criminel [16] qui fait merveilles d’exécution. On parle encore d’un autre méchant et enragé garnement nommé Trainel, [17] fils d’un papetier, qui est par appel à la Cour. Il a été condamné à faire amende honorable [18] devant Notre-Dame, [19] d’avoir la langue percée d’un fer chaud, puis d’être pendu et brûlé. Ne pourrait-on pas dire que le diable est déchaîné ? [20] On parle ici d’une grande revue de 50 000 hommes que le roi a dessein de faire le mois prochain en Champagne ; ne serait-ce point pour passer delà dans les Flandres [21] ou en Allemagne ? On parle encore douteusement de la santé de la petite Madame, [22] fille du roi, d’autant qu’elle a eu quelque mouvement convulsif. [3][23] On dit que le roi a sur pied aujourd’hui 80 000 hommes, mais on ne sait pas ce qu’il en veut faire. Ce qui fait aujourd’hui parler le monde est l’infâme banqueroute [24] de Mme de Fouquerolles. [4][25] Elle emporte beaucoup de bien à plusieurs particuliers avec beaucoup d’infamie, sans que l’on ait encore pu découvrir où elle est allée. Plusieurs croient qu’elle est cachée dans quelque monastère, n’est-ce pas là le moyen d’être bien cachée ?

Hier fut tirée de la Conciergerie [26] une jeune fille de Tours, [27] et delà menée à la Grève [28] où elle fut pendue et étranglée pour avoir, à ce qu’on dit, défait son enfant ; [29] mais aussitôt, un carrosse arriva dans la Grève, dans lequel fut mis ce corps et emporté dans le Louvre où quelque grand en veut avoir la démonstration. [30] On dit que le roi ne veut plus voir tant de gens qui portent des épées et que, pour en ôter la mode, il veut que les gentilshommes, pour marque de leur noblesse, portent pendue à leur col une médaille d’or où sera son portrait. J’ai céans des portraits de mon Carolus [31] en taille-douce pour vous envoyer. Ils sont très bien faits, on lui en demande de toutes parts, tant à cause de lui, qu’on aime, qu’à cause de celui qui l’a gravé, qui est excellent en son art, nommé Masson. [5][32] Cent cinquante soldats de la compagnie dite des Royaux ont été noyés au lac de Conflans, [33] près de Saint-Germain et Andrésy, [34] qui venaient pour la revue que le roi a fait faire près de Saint-Germain dans la plaine de Houilles. [6][35] Le vaisseau, qui était trop chargé, s’est entrouvert par le milieu, ils en sont tous morts et ont été repêchés le lendemain. Le roi est fort fâché de cette perte. Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur, etc.

De Paris, ce 4e de février 1667.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.
Une réalisation
de la BIU Santé