À Charles Spon, le 24 octobre 1645, note 11.
Note [11]

V. note [7], lettre 100, pour les arminiens et l’arminianisme. Depuis 1634, Hugo Grotius avait été l’ambassadeur de la reine Christine de Suède auprès du roi de France.

Christine de Suède (Stockholm 1626-Rome 1689), fille unique du roi de Suède Gustave-Adolphe Vasa (Gustave ii le grand) et de Marie-Éléonore de Hohenzollern (v. note [10], lettre 13), avait 19 ans au moment de cette lettre. Le 14 mars 1633, « Mademoiselle la toute puissante princesse et demoiselle Christine » avait officiellement été proclamée « reine élue de Suède, des Goths et des Wendes, grande-duchesse de Finlande, duchesse d’Estonie, demoiselle d’Ingrie et de Carélie » par la grâce de Dieu et la volonté de son peuple, c’est-à-dire l’assemblée des quatre états du royaume, le Riksdag. La reine enfant avait d’abord été placée sous la tutelle d’un conseil de régence que présidait le Chancelier Axel Oxenstierna (v. note [3], lettre 16). Guy Patin allait souvent reparler de Christine dans ses lettres : son extravagante personnalité fascina, il est vrai, ses contemporains.

Après avoir reçu une éducation virile mêlant les exercices du corps aux études des langues, de l’histoire, de la géographie et de la politique, Christine avait entamé son règne personnel à 18 ans, à la fin de 1644. Son premier soin, malgré l’avis de ses ministres, fut de hâter la conclusion de la paix avec le Danemark et avec l’Allemagne. Le traité de Westphalie (1648), qui termina la guerre de Trente Ans, assura à la Suède la possession de la Poméranie et de plusieurs autres provinces, avec trois voix à la diète de l’Empire. Christine gouverna d’abord avec talent et habileté, et les grandes puissances de l’Europe recherchèrent son alliance. Ayant transformé sa cour de Stockholm en « nouvelle Athènes », elle y fit venir les plus éminents savants de l’Europe (René Descartes, qui y mourut en février 1650, Grotius, Saumaise, Bochart, Huet, Naudé, Vossius, Meibomius, etc.), mais aussi nombre d’individus moins recommandables qui, devenus ses favoris, l’entraînèrent dans le libertinage le plus effréné, aux très lourds dépens du trésor royal.

Résolue à ne pas se marier, la reine désigna et fit reconnaître par le Riksdag son cousin Charles-Gustave comme héritier présomptif du trône, et se fit couronner elle-même en octobre 1650, prenant le titre de reine. L’été suivant coururent les premières rumeurs d’une abdication. Très tôt lassée de régner, Christine hésita encore trois ans, avant d’abandonner définitivement le trône de Suède à son cousin, en juin 1654. Peu après, poussée par les jésuites qui l’influençaient depuis quelques années, elle marqua plus nettement la cassure d’avec ses origines en se convertissant du protestantisme au catholicisme (novembre 1654). Commença alors pour elle une longue vie de voyages et d’aventures souvent scandaleuses à travers l’Europe, qui s’acheva à Rome, à l’âge de 62 ans, sans que, semble-t-il, elle eût jamais trouvé la tranquillité du corps et de l’esprit.

Bayle sur Grotius :

« La reine Christine l’honora de la dignité de son conseiller et l’envoya ambassadeur auprès de Louis xiii. Après avoir eu cet emploi environ onze ans, il partit de France pour aller rendre compte de son ambassade à la reine de Suède. Il passa par la Hollande et reçut bien des honneurs à Amsterdam. Il vit la reine Christine à Stockholm et après l’avoir entretenue des affaires qu’elle lui avait confiées, il la supplia très humblement de lui donner son congé. Il ne l’obtint qu’avec peine et il reçut de cette princesse plusieurs témoignages d’une grande estime. Il avait beaucoup d’ennemis dans cette cour. Le vaisseau sur lequel il s’embarqua fut si maltraité par la tempête qu’il échoua sur les côtes de Poméranie. Grotius, malade et chagrin, continua son voyage par terre, mais son mal le contraignit de s’arrêter à Rostock où il mourut dans peu de jours, le 28 août 1645. Son corps fut porté à Delft au sépulcre de ses ancêtres. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 octobre 1645, note 11.

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(Consulté le 07/11/2024)

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