À Charles Spon, le 12 septembre 1645, note 16.
Note [16]

Edon i von Neuhaus (Neuhusius, 1581-1638), écrivain et humaniste hollandais, devint recteur du collège de Leeuwarden (Frise). {a} Son principal ouvrage est le :

Theatrum ingenii humani, sive de cognoscenda Hominum Indole et secretis Animi motibus. Libri ii.

[Amphithéâtre de l’esprit humain, ou deux livres pour connaître le tempérament des hommes et les mouvements secrets de l’âme]. {b}


  1. Guy Patin a correspondu avec Reiner von Neuhaus, fils d’Edon i et père d’Edon ii (v. note [1] de sa lettre datée du 15 mars 1668).

  2. Amsterdam, Jan Jansson, 1633, in‑8o.

Ce livre contient un virulent passage contre les médecins (pages 195‑196) :

Christus ægris corporibus pestem depulit. Reges magni medicinam fecerunt. Philosophi docti curationem ægris adhiberunt.

Vir medicus multis virtutibus unus
Prævalet ante alios multos ; seu tela sagaci
Corporibus defixa manu trahit, intima scrutans ;
Mitia seu docta miscet medicamina dextra.

Sed pauci admodum hanc doctrinæ industriæque laudem merentur, plerisque medicorum filiis, cum tenuem ex fallacibus libris atque experimentis cognitionem hauserunt, medicandi operam ad quæstum usurpantibus. Qui aliorum discentes et ditescentes periculo, de vita capitibusque hominum negotiantur, et Carnificum more, post factam cædem mercedem exigunt. Plurima enim medendi opera non ex certiore ægri corporis atque ægritudinis cognitione ; sed præscripto codicilli, dubiaque experientia et conjecturis exercetur. Ita periculosa de capitibus hominum alea jacitur, salusque ægrotantium permittitur fortunæ. Sæpe inde salus petitur, unde certa est ruina. Cujus beneficium auxilium expectamus, ejus veneficam manum experimur.

[Le Christ a chassé la peste des corps malades. De grands rois ont exercé la médecine. De doctes philosophes se sont consacrés à soigner les malades.

Par ses muliples vertus, le médecin surpasse beaucoup d’autres hommes : sa main est habile quand, explorant les profondeurs du corps, elle extrait les flèches qui s’y sont fichées ; elle est savante quand elle mêle les remèdes adoucissants. {a}

Fort peu de médecins méritent pourtant cette louange de la doctrine et de l’art. La plupart l’étant de père en fils, ils puisent leur maigre savoir d’expériences et de livres fallacieux, utilisant leur métier pour gagner de l’argent. En apprenant et en s’enrichissant au péril des autres, ils font commerce de la vie des hommes et de leurs têtes, et à la manière des bourreaux, ils exigent un salaire après avoir commis leur meurtre. La plupart des remèdes s’exécutent non pas à partir d’une connaissance sûre du corps malade et de la maladie, mais à partir d’un code rigide, d’une expérience douteuse et de conjectures. La vie des hommes est ainsi soumise à un périlleux coup de dés, et le sort des malades est abandonné au hasard. C’est souvent la ruine assurée qui guette celui qui recherche son salut. Quand nous attendons du médecin un secours bienfaisant, nous faisons l’expérience de sa main maléfique].


  1. Neuhaus citait la libre traduction latine, donnée par Jacob Mycillus (humaniste allemand, 1503-1558), de L’Iliade d’Homère (chant xi, vers 514‑515), à propos de Machaon (v. note [4], lettre 663) :

    ιητρος γαρ ανηρ πολλων ανταξιος αλλων
    ιους τ’εκταμνειν επι τ’ηπια φαρμακα πασσειν.

    [car le médecin vaut beaucoup d’autres hommes, pour extraire les flèches et, sur la blessure, répandre des remèdes adoucissants].

Pour Jean Barclay, Guy Patin faisait allusion au passage de l’Euphormion (v. note [20], lettre 80) où le héros éponyme est chargé par son maître Callion (Charles iii, duc de Lorraine, v. note [35] du Borboniana 4 manuscrit) de porter un opiat qui guérit tout à Fibullius, son intime ami, malade de la pierre. La lettre qui accompagne la panacée de Callion s’achève par de dures paroles contre les médecins (pages 21‑22) :

« Percas, un des miens que vous chérissez le plus, vous peut assurer de cette santé miraculeuse. Je lui ai commandé de vous en déduire {a} les particularités et de vous faire un dénombrement de tous ceux que j’ai guéris. Fiez-vous en < à > moi sous son rapport. Il n’est point menteur. Il a bon esprit et ne se laisse pas facilement abuser. Surtout ne vous abandonnez pas tellement aux médecins que vous croyiez qu’ils soient seuls capables de vous guérir. Ce sont des cruels, des barbares, des empoisonneurs. S’ils n’en savent pas tant que Médée, au moins la passent-ils en méchanceté. La fable ne parle que d’un vieillard, Pélias, qu’elle fit mourir. {b} mais on ne tient pas < le > compte de ceux qu’ils tuent. Leur intention principale est de se rendre maîtres de la Toison d’or. Vous vous garantirez de leurs mains si vous vous servez de mon remède. Je sais bien que ce ne sera pas de leur avis. Ils jetteront mal à propos mille scrupules dans votre âme. Votre maladie ne la rend déjà que trop faible. Mais souvenez-vous qu’ils tireront plus de profit de vos douleurs que vous ne tirerez de secours de ce qu’ils vous promettent et qu’ils me blâmeront à cause que je vous veux persuader qu’il y a un autre moyen de guérir que le leur qui coûte si cher. Adieu. »


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  2. V. 2e notule {d}, note [1], lettre latine 167.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 12 septembre 1645, note 16.

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(Consulté le 06/10/2024)

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