« Plût au ciel que le loyolisme s’écarte bien loin de vous ».
C’était la troisième tentative de la Compagnie de Jésus pour s’installer à Troyes et y fonder un collège, comme ils avaient déjà fait bien ailleurs (v. note [28], lettre 97). Le R.P. Henri Fouqueray, en a détaillé les épisodes (chapitre v, Les fondations, de 1635 à 1643, pages 184‑188).
François Pithou s’était opposé à eux de 1603 à 1611 (v. note [2], lettre 50), mais une résidence avait été ouverte de 1619 à 1624. Le P. Caussin (v. infra note [5]), devenu confesseur du roi avait obtenu en juillet 1637 des lettres patentes pour l’établissement d’une maison de la Compagnie dans sa ville natale. Outre Louis xiii et Richelieu, ses principaux appuis étaient de Noyers, secrétaire d’État, et Le Bouthillier, qui écrivait le 25 octobre aux maire et échevins de Troyes :
« Je crois qu’il est maintenant du bien de la ville d’obéir et de faire volontairement ce que vous ne pouvez ni ne devez refuser ; vu même qu’il n’est question que d’une résidence et qu’il n’y a aucun dessein d’établir un collège dans la ville, celui qui y est étant suffisant pour l’instruction de la jeunesse […]. Vous feriez chose fort désagréable au roi si vous traversiez en aucune façon l’intention de sa volonté sur ce sujet, vous priant de croire que si j’avais jugé qu’il allât en cela de l’intérêt de la ville, j’aurais apporté tout ce qui aurait dépendu de moi pour la détourner, désirant vous faire connaître en toutes les occasions qui s’offriront, que je suis, Messieurs, votre très affectionné serviteur. »
Le premier jésuite arriva discrètement à Troyes au début de 1638, bientôt suivi d’un, deux, puis trois autres. Aux protestations du bailliage, Louis xiii répondit le 4 mars par une lettre :
« Nos amis et féaux, la satisfaction que Nous témoignent tous les jours les villes de Notre royaume où les pères jésuites ont été établis, Nous avait toujours fait croire que les habitants de Notre ville de Troyes recherchaient très volontiers les occasions de les avoir parmi eux. Ce qui fait qu’ayant été averti qu’il s’est ému quelque contention entre eux sur l’enregistrement des lettres patentes que Nous avons fait expédier pour leur établissement en Notre ville de Troyes, Nous l’attribuons plutôt à la difficulté qui s’est rencontrée sur les adresses de Nosdites lettres patentes, qu’à aucune mauvaise inclination que vous ayez contre lesdits pères jésuites. C’est pour cette raison que Nous avons bien voulu écrire ces présentes pour vous exhorter et ordonner, comme Nous faisons, que vous ayez tous à concourir unanimement à la réception desdits pères, suivant Notre désir, afin que l’exemple de votre concorde, union et obéissance dispose tous les ordres de Notredite ville de se porter plus promptement à l’exécution en cela de Notre volonté. Si n’y faites faute, car tel est Notre plaisir. »
Le 29 mars, sur ordre du Conseil d’État, une assemblée de dignitaires locaux se réunit et vota majoritairement en faveur des jésuites. L’échevinage protesta en vain et se résolut à déclencher une agitation factice de la population :
« ils firent tant et si bien que les clameurs se changèrent en menaces et que des menaces, on passa aux coups. Non contents de huer et de siffler les religieux, des bandes soudoyées enfoncèrent leurs portes, et on parla même de les brûler dans leur maison. »
À la fin d’avril, les jésuites quittèrent la ville (v. note [1], lettre 41). Le 29 juin, le Conseil du roi rendit un arrêt ordonnant d’informer contre les séditieux qui avaient eu part à cette expulsion.
« Pierre Denise, lieutenant en la prévôté de Troyes, commença les interrogatoires, dans lesquels on releva des propos peu respectueux pour le cardinal, par exemple “ que les jésuites en avaient imposé à la cour… qu’il y avait deux rois, et que les ordres dont les pères étaient porteurs n’émanaient pas du véritable ”. Richelieu ne jugea pas à propos de faire connaître à Louis xiii ce que le peuple pensait de son ministre. Il se contenta de réprimander “ sept ou huit personnes de la chambre de l’échevinage ”, et supprima toute la procédure. »
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