Note [2] | |
Le baron Charles de Vateville (Watteville, Batteville ou Battevilla, mort en 1670), natif de Franche-Comté, alors espagnole, était entré de bonne heure au service de son roi. Il avait combattu dans la guerre de Guyenne (1650-1651, v. notes [46], lettre 226, et [19], lettre 274). Le cardinal de Retz a parlé de lui dans ses Mémoires (pages 1136 et suivantes, dans son voyage de Belle-Île vers l’Italie en traversant l’Espagne, en 1654) comme gouverneur de Saint-Sébastien (v. note [24], lettre 318) ; son nom figure dans le 8e article secret du traité des Pyrénées. Vateville fut surtout celui « qui, étant ambassadeur d’Espagne en Angleterre, fit [le 10 octobre 1661] cette insulte pour la préséance au maréchal d’Estrades, ambassadeur de France, qui fit tant de fracas et qui fut suivie de la déclaration solennelle que l’ambassadeur d’Espagne en France eut ordre de faire au roi de ne plus prétendre en nul lieu de compétence [compétition] avec lui » (Saint-Simon, Mémoires, tome i, pages 327‑328) : pour obtenir la préséance lors de la réception de l’ambassadeur de Suède, Vateville avait laissé massacrer par ses gens les laquais du maréchal d’Estrades. Le différend faillit rallumer la guerre entre la France et l’Espagne. Le 16 octobre, Louis xiv chassa de France l’ambassadeur d’Espagne, le comte de Fuensaldagne ; plus tard, il força son remplaçant, le marquis de la Fuente (v. note [7], lettre 766), à demander pardon pour son pays. Le roi fit frapper une médaille commémorant cette soumission, avec cette devise hispano-latine :
De retour en Espagne, Vateville devint gouverneur de Biscaye avec le titre de vice-roi et en 1669, ambassadeur à Lisbonne. Charles était frère de l’abbé Jean de Vateville (1613-1702) qui favorisa la première conquête de la Franche-Comté par la France en 1668 (ibid. tome ii, pages 153‑156). Samuel Pepys (Journal, page 103, en date du 30 septembre, 10 octobre nouveau style, 1661) a donné un point de vue anglais sur la querelle des ambassadeurs : « Comme c’est aujourd’hui l’arrivée de l’ambassadeur de Suède, on s’attend à des bagarres. Le roi a ordonné que nul Anglais ne se mêle de l’affaire et qu’on les laisse agir à leur guise. Tous les soldats et les miliciens étaient en armes. Il y avait un grand branle-bas dans la Cité. Je suis allé du côté de l’ambassade d’Espagne et de l’ambassade de France. On faisait de part et d’autre de grands préparatifs. Les Français étaient les plus bruyants et les plus fanfarons ; les autres ne bougeaient guère. Dans l’après-midi, on m’a raconté que les Espagnols avaient eu le dessus, qu’ils avaient tué aux Français trois chevaux et plusieurs hommes, et que leur carrosse avait traversé la Cité immédiatement derrière celui du roi. C’est curieux de voir comme tout le monde s’en réjouit. Il faut bien le dire, nous aimons les Espagnols et nous détestons les Français. […] je vis passer le carrosse espagnol entouré d’une garde de cinquante épées nues. Puis j’allai à l’ambassade de France, et je pus remarquer qu’il n’y a pas de gens au monde plus insolents que les Français quand ils réussissent et plus piteux quand ils échouent, car ils étaient tous là comme des spectres, sans échanger une parole. » |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À André Falconet, le 7 juin 1661, note 2.
Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0702&cln=2 (Consulté le 09/10/2024) |