À André Falconet, le 10 avril 1654, note 3.
Note [3]

Les plumes des antistibiaux de la Faculté s’affûtaient pour attaquer L’Antimoine justifié… d’Eusèbe Renaudot (Paris, 1653, v. note [21], lettre 312) :

Remarques sur le livre de l’antimoine de Me Eusèbe Renaudot, docteur régent en la Faculté de médecine de Paris. Par Jean Merlet, écuyer, docteur régent de la même Faculté, et un de ses anciens doyens. Est in quibusdam tanta perversitas ut contemptis medicamentis veneno utantur. {a} {b}


  1. « Il y a tant chez certains de bizarrerie qu’ils utilisent un poison au mépris des autres médicaments. »

    Ce latin répondait à celui qu’Eusèbe Renaudot avait mis en exergue de son Antimoine justifié… : Est in quibusdam tanta perversitas, ut inventis frugibus glande vescantur [Il y a chez certains tant de bizarrerie qu’ils se nourrissent de glands, quand on a le blé] (Cicéron).

  2. Paris, Edme Pepingué, 1654, in‑4o de 185 pages, avec table des matières ; permission d’imprimer datée du 18 mars 1654.

V. note [3], lettre 380, pour le Rabat-joie de l’Antimoine triomphant de Jacques Perreau (Paris, 1654). Je n’ai identifié aucun ouvrage de Jean ii Riolan spécifiquement consacré à l’antimoine, ni d’autre libelle sûrement signé par Claude Germain à la suite de son Orthodoxe ou de l’abus de l’antimoine… (1652, v. note [2], lettre 276).

Les Remarques de Merlet s’ouvrent sur trois citations :

  • Mira sunt quæ dictis, nova sunt, falsa sunt, mira stupemus, nova cavemus, falsa convincimus. D. August.,

    [Ce que vous dites est vraiment étrange, vraiment nouveau, vraiment erroné ; cette étrangeté nous inspire de l’effroi ; ces nouveautés, nous les fuyons avec horreur ; ces erreurs, nous les réfutons hardiment] (Saint Augustin, Contre Iulianus, iii, 9) ;

  • Novitas mater temeritatis, soror superstitionis, filia levitatis. D. Bernard,

    [La nouveauté est la mère de la témérité, la sœur de la superstition, la fille de la frivolité] (saint Bernard de Clairvaux, Épître clxxiv, aux chanoines de Lyon sur la conception de sainte Marie) ;

  • Valeant novitates partim ex inscitia, partim ex intoleranda arrogantia natæ. Schol. D. Nazian.

    [Longue vie aux nouveautés qui sont nées partie de l’ignorance, partie de l’insupportable arrogance] (Elias Cretensis, Élie del Medigo, Notæ in S. Gregorium Nazianzenum, Notes sur saint Grégoire de Nazianze).

Suit la dédicace À Messieurs Messieurs les docteurs en médecine orthodoxes de la Faculté de Paris :

« Messieurs mes très chers et très honorés collègues, je vous présente ces Remarques pour preuve de mon zèle envers notre Faculté, laquelle j’aperçois souffrir beaucoup plus par le mépris qu’aucuns des siens font d’elle, et de ses statuts et décrets que par les attaques de ses ennemis de dehors. Je n’entreprends point ici sa défense, n’ayant assez de force et d’industrie pour m’en acquitter dignement comme l’affaire le mérite ; elle attend son secours de mains plus puissantes, lesquelles elle a déjà ressenties favorables contre les efforts étrangers. Ceci est seulement pour témoigner mon affection et mes ressentiments envers notre chère Mère, qu’on ne doit permettre d’être maltraitée sans au moins se condouloir avec elle {a} lorsqu’on ne pourra lui rendre autre service et assistance. Elle doit en espérer de vous de plus signalés, à quoi je vous invite pour sa consolation et sa satisfaction. Vous la comblerez de joie si par vos avertissements et semonces vous faisiez que ses enfants dévoyés rentrassent en eux-mêmes et retournassent dans son sein ; ce que je souhaite avec pareil désir et passion que j’ai de me conserver la qualité de, Messieurs, votre très humble serviteur et collègue, Jean Merlet. De Paris, ce 20 avril 1654. »


  1. Partager sa douleur.

La courte préface (un peu plus de trois pages) en français se termine sur ces mots :

« Je n’entreprends point d’écrire contre Maître Eusèbe Renaudot, mais seulement de l’avertir qu’il a beaucoup manqué : prétendant disculper (comme il parle en la page 191) son antimoine, il s’est chargé de plusieurs fautes que je lui représenterai en chapitres divers, mais avec moins d’injures ou médisances qu’il en a proférées avec excès dans sa satire, par laquelle il a entrepris de justifier l’antimoine pour ensuite le faire triompher. Mais le lecteur jugera qu’il a manqué en l’un et l’autre projet, car il n’a pu le justifier des crimes desquels il est chargé par les vrais et orthodoxes médecins, ce qui était nécessaire pour lui dresser un triomphe. »

Guy Patin figure aux côtés de ses collègues Jacques Perreau, René Moreau, Antoine Carpentier, Charles Guillemeau, Jacques Mentel et François Blondel qui ont écrit les Elogia virorum clarissimorum [Éloges d’hommes très illustres] au début des Remarques de Jean Merlet ; voici celui de Patin :

Ad eruditissimum nobilissimumque virum, D.D. Ioannem Merlet, Doctorem Medicum Parisiensem, acerrimum ac felicissimum venenati Chymistici Stibii Debellatorem.

Gaudeo, lætorque vehementer, Vir Clarissime, nec tamen miror, Te hoc perturbatissimo sæculo, quo nequitia omnia occupat, peneque iam nihil non licet, pro eo amore, quo et Veritatis lucem, qua nihil humanæ menti dulcius ; et Facultatem nostram, Medicarum omnium facile principem, semper complexus es ; almæ nostræ Scholæ disciplinam, purissimamque doctrinam, quam informes, infelicesque illius partus, sive ignorationis velo cæcati, sive novitatis, et aucupandæ popularis auræ studio ducti, palam violare aggressi sunt ; palam ipse tuo hoc eleganti Libro tam constanter tuearis, quam privatim tenuisti hactenus et propugnasti. Etsi enim literarum meditationi inimicæ occupationes tuæ maximæ, quibus Te non dicam exolvere, sed relaxare quidem unquam dabitur : et quæ Te iam septies lecto illigavit ægritudo medullitus hærens, ab eaque vix unquam abscedens carnifex corporis dolor, ipsaque adeo Senectus, perpetuus ingravescensque in dies morbus, avocare Te, et omne huic labori tempus eripere facile poterant ; magna tamen in spe semper fui, Te, quo es in commune bonum animo, vel valetudinis rerumque tuarum damno perfecturum, ne inertes et transfugæ isti, pestifero suo Stibio, quod a Collegio nostro probatum esse temere, falsoque prædicant, cum humanæ societati illudant, tum Ordini nostro mortiferam plagam infligant ; suaque summa indignitate, dignitati nostræ labem adspergant. Age igitur, et ne quos illi amplius in fraudem deducant, ne civibus nostris atrocissimas calamitates machinentur, ne vulgus ipsum in magna versetur opinionum inconstantia, igoratione veritatis, huius Tu patrocinium fidele subscripto, et quid de mortifero deleterioque sic > Stibio Maiores nostri senserint, quid Artis nostræ principiis, et rationi coniuncta experientia sentire nos compellat, cunctos aperte doceto sic >. Ita enim fiet, ut si qui adhuc eiusdem audaciæ futuri sunt æmuli, a Te moniti, aut silere in posterum, aut rectius loqui doceantur ; tuoque exemplo incitati Tui simillimi, id est nobilitate, probitate, optimarum artium studio, innocentia, omnique laudis genere præstantes viri, ad eiusdem causæ defensionem accedant, tandemque, quorundam levitate prope disiectæ res nostræ, Optimatum virtute revirescant, atque constabiliantur.

Sapientissimo et in Reipublicæ commodum nato et animato Scriptori vovebat ex animo, Guido Patin, Bellovacus, Doctor Medicus Parisiensis.

Jean Merlet, très savant et célèbre docteur en médecine de Paris, très énergique et heureux vainqueur du chimystique {a} antimoine empoisonné.

Je me réjouis et suis très profondément heureux, très illustre Monsieur, mais je ne m’étonne pas qu’en ce siècle très troublé, où la débauche envahit tout et où presque rien n’est interdit, vous ayez embrassé dans votre amour et la lumière de la vérité, sans égale en douceur pour l’esprit humain, et notre Faculté, de loin la première de toutes celles de médecine ; ainsi que l’enseignement de notre École et sa doctrine la plus pure, que certains de ses enfants affreux et misérables, ou aveuglés par le voile de l’ignorance, ou menés par la recherche assidue de la nouveauté et à l’affût de la faveur populaire, ont ouvertement entrepris de violenter ; vous la protégez ouvertement par ce livre exquis, avec cette même constance que vous avez en personne mise jusqu’ici à la diriger et à la défendre. Vos très lourdes occupations ne sont pas propices à la culture des lettres, je ne vous dis pourtant pas de les délaisser, mais de les relâcher un peu quand vous en aurez occasion. Ni cette maladie qui vous a déjà sept fois cloué au lit en vous enserrant jusqu’à la moelle des os, et dont la douleur, ce bourreau du corps, ne se dissipe presque jamais, ni la vieillesse, qui est une maladie perpétuelle et va s’aggravant tous les jours, n’avaient pu facilement vous détourner à aucun moment de ce labeur, ni vous en arracher. J’ai cependant toujours eu en moi le grand espoir que vous vous animeriez, pour le bien commun comme au détriment de votre santé et de vos affaires à parfaire, afin que ces traîtres et ignorants, avec leur antimoine mortifère que notre Collège a inconsidérément approuvé, ne prêchent faussement, tant en se moquant de la société humaine qu’en assénant un coup mortel à notre Ordre ; et en répandant, par leur insondable indignité, la souillure sur notre dignité. Faites donc en sorte qu’ils n’en entraînent un plus grand nombre dans la fourberie, afin que ne se trament d’horribles désastres pour nos concitoyens et que le peuple lui-même, par ignorance de la vérité, ne devienne le jouet du grand désordre des opinions. Par ce livre vous êtes son fidèle protecteur et enseignez ouvertement à tout le monde le jugement que nos anciens ont proféré contre l’antimoine mortifère et délétère, et ce que l’expérience conjuguée à la raison et aux principes de notre art nous incite à en penser. De la sorte, sur votre exhortation, ceux qui chercheront encore à imiter cette effronterie auront appris à se taire ou à parler plus sensément. Et sur votre exemple et votre parfaite imitation, c’est-à-dire en hommes qui se distinguent par la noblesse, l’honnêteté, l’application aux meilleurs arts, l’intégrité et toute sorte de mérite, ils contribueront à la défense de la même cause ; et enfin, la vertu du bon parti régénérera et rétablira nos affaire, que la légèreté de certains a presque détruites.

Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris, faisait ce vœu de tout cœur pour l’auteur très sage, qui est né et s’est animé pour l’intérêt de l’État].


  1. V. note [9], lettre 911.

Le traité lui-même est divisé en neuf chapitres :

  1. Des Calomnies (tire manquant, page 30) ;

  2. Des Mensonges ;

  3. Des Vanités ;

  4. Des Flatteries ;

  5. Des Gausseries ;

  6. Des Contradictions ;

  7. Des Pièces de Gazette,

    « Cet auteur n’a rien oublié de ce qu’il a estimé pouvoir servir à la justification ou triomphe de son antimoine ; car ayant employé mensonges, calomnies, etc., enfin il y a ajouté ce qu’il a cru être le plus convenable pour son dessein : des vieux lambeaux de Gazettes de feu son père, et quelques pièces de réserve des Conférences du Bureau d’adresse, etc. » ;

  8. Des Mélanges ;

  9. Examen du Codex et de l’antimoine en icelui.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 10 avril 1654, note 3.

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(Consulté le 28/03/2024)

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