Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 2 manuscrit, note 4.
Note [4]

« Galeotto [ii], fils de son frère Lodovico, ainsi que son propre fils Alberto, en l’an 1533 ; il a été assassiné au pied d’un crucifix. Ce comte Galeotto avait des sicaires armés. L’épouse de [Giovanni] Francesco, Giovanna Carafa fut jetée en prison. »

Cette phrase résume (et corrige, v. infra notule {f}) la sombre affaire que Jacques-Auguste i de Thou a expliquée dans l’Histoire des Pic, princes de la Mirandole (Pico della Mirandola) insérée dans le livre viii de son Histoire universelle (règne de Henri ii, année 1551, Thou fr, volume 2, pages 123‑124) :

« À Francesco succéda Giovanni Francesco, à celui-ci Nicolo, à Nicolo un autre Giovanni, et à Giovanni un autre Giovanni Francesco. Ce fut celui-ci qui fit le premier fortifier le château, l’an 1360, avec une dépense prodigieuse ; il laissa quatre enfants, Galeotto i, Antonio, Maria et Giovanni, que sa vaste et profonde érudition, et la connaissance qu’il avait des langues, jointes à sa vertu et à sa rare piété, firent appeler dès sa jeunesse le phénix de son siècle. {a}

Un si grand exemple de vertu et de science méritait d’être mieux imité par sa famille, et qu’ils observassent du moins plus régulièrement les droits du sang les uns à l’égard des autres ; mais Galeotto i, l’aîné des quatre frères, ayant laissé trois enfants, Giovanni-Francesco, Lodovico et Frederico, {b} Lodovico, qui était le second, se souleva contre son aîné, viola le droit des gens, et secondé d’Hercule, premier duc de Ferrare, il chassa son frère de la Mirandole. Ce Lodovico avait épousé une fille naturelle de Giangiacomo Trivulzio, de laquelle il eut un fils nommé Galeotto ii. {c} Après la mort de Lodovico, Giovanni Francesco, son frère aîné qui, à l’imitation de son oncle, s’était appliqué avec succès aux belles-lettres, à la philosophie et à la théologie, fut remis par Jules ii en possession du bien de ses aïeux. Louis xii l’en dépouilla de nouveau après la bataille de Ravenne ; et le cardinal Matthäus Lang, évêque de Gurk, ambassadeur de Maximilien ier, l’y rétablit. {d} Il demeura paisible possesseur de la Mirandole jusqu’à l’an 1533, que Galeotto ii, son neveu, étant entré de nuit dans la ville avec quarante hommes armés, commit un parricide horrible en la personne de son oncle, homme d’une grande piété, qu’il tua au pied d’un crucifix, devant lequel il était alors prosterné. Non content de cet exécrable attentat, il y joignit le meurtre d’Alberto, son fils, et fit mettre en prison Giovanna Carafa, femme d’Alberto, avec Paolo son fils, et Charlotte, de la Maison des Ursins, femme de Giantommaso, qui était un autre fils d’Alberto. {e} Ce fut par cette suite de crimes qu’il s’empara de la Mirandole ; mais craignant avec raison la vengeance de ses cousins, il avait remis la Mirandole entre les mains du roi, trois ans auparavant qu’il en fût question dans le traité, et il reçut en compensation des terres du domaine du roi. Lorsqu’on parla néanmoins de cette affaire dans le traité de Crépy, {f} et depuis encore au commencement du règne de Henri ii, comme on ne put être d’accord sur cet article, on jugea à propos de n’y plus penser. »


  1. La Mirandola (la Mirandole) est une ancienne ville fortifiée d’Émilie-Romagne, dans l’arrondissement de Modène. De 1354 à 1707, elle fut la capitale d’un petit État indépendant (successivement seigneurie, comté, principauté puis duché), associé au comté de Concordia et dirigé par la famille des Pic (Pici).

    Pour faciliter la compréhension du récit, j’ai italianisé les prénoms et numéroté ceux de Galeotto (Galeottus dans le Borboniana). Galeotto i (1442-1499) était le frère aîné du célèbre humaniste, Giovanni (Jean, 1463-1494, v. note [53], lettre Naudæana 2).

  2. Le philosophe et écrivain Giovanni Francesco Pico della Mirandolla (Jean-François Pic de la Mirandole, Mirandola 1469-ibid. 1533), que le Borboniana prénommait ici Franciscus, était le fils de Galeotto i et le neveu de Giovanni, dont, parmi maints autres ouvrages (v. supra première notule {a}, note [1] pour ses copieuses Opera omnia), il a écrit la Vita [Vie] (1496, plusieurs fois publiée avec les ouvrages de Giovanni).

    Giovanni Francesco avait succédé à son père en 1499, mais en 1502, son frère puîné, Lodovico, lui ravit le pouvoir sur la Mirandola ; Giovanni Francesco ne retrouva sa souveraineté qu’à la mort de l’usurpateur, en 1509.

  3. V. note [13], lettre 630, pour Giangiacomo Trivulzio (Trivulce). La suite du récit porte sur les méfaits de son petit-fils, le condottiere Galeotto ii Pico (Mirandola 1508-Paris 1550). Fille légitimée de Trivulzio, sa mère se prénommait Francesca.

  4. V. note [98] du Faux Patiniana II‑7 pour le pape Jules ii et la bataille de Ravenne le 11 avril 1512 où les Français avaient vaincu la Sainte-Ligue (alliance de Rome et de l’Espagne).

  5. Matthaüs Lang von Wellenburg (mort en 1540), évêque de Gurk (Autriche) en 1505, avait été nommé cardinal en 1511. V. note [4], lettre 692, pour Maximilien ier qui régna sur l’Empire germanique de 1508 à 1519.

  6. Quoique fidèlement traduit du latin, ce passage est inexact et donne raison au Borboniana manuscrit : Giovanna Carafa di Maddaloni (morte en 1537) avait épousé Giovanni Francesco Pico della Mirandola en 1591 ; elle était la mère (et non l’épouse) d’Alberto (âgé de 24 ans en 1533), qui fut tué en même temps que son père. Giantommaso (mort en 1567) était un frère (et non un fils) d’Alberto.

  7. La trêve de Crépy-en-Laonnois a été signée par François ier et Charles Quint le 18 septembre 1544, interrompant la 9e guerre d’Italie (terminée en 1546). Charles Quint avait condamné Galetto ii Pico à mort, mais il échappa au bourreau en rejoignant le parti français.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 2 manuscrit, note 4.

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(Consulté le 06/12/2024)

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