À Claude II Belin, le 18 juillet 1642, note 7.
Note [7]

« Je crois en Dieu le Christ crucifié, etc. [paroles extraites du Credo catholique], le préteur ne se préoccupe pas des broutilles [adage juridique romain]. »

Dans son article de sept grandes pages sur Guy Patin, Bayle a déclaré que « les Lettres de Patin témoignent que le symbole de l’auteur n’était pas chargé de beaucoup d’articles », avec ce commentaire (1738, tome 3, page 618, note G) :

« Rapportons ces paroles de son Éloge : {a} “ Il disait les choses avec un froid de stoïcien, mais il emportait la pièce, {b} et sur ce chapitre il eût donné des leçons à Rabelais. On disait qu’il avait commenté cet auteur et qu’il en savait tout le fin. C’est ce qui le fit accuser d’être un peu libertin La vérité est qu’il ne pouvait souffrir la bigoterie, la superstition et la forfanterie ; mais il avait l’âme droite et le cœur bien placé : il était passionné pour ses amis, affable et officieux envers tout le monde, et particulièrement envers les étrangers et les savants. ” Prenez bien garde que pour répondre à l’accusation de libertinage, l’auteur de l’Éloge ne dit pas que M. Patin fût dans le fond bien persuadé de l’orthodoxie chrétienne ; on se contente de nous assurer qu’il haïssait la superstition et qu’il était honnête homme […]. Ce n’est pas ainsi qu’on répond pour le prince de Condé : on oppose à la renommée la déclaration qu’il fit en mourant, Je n’ai jamais douté des mystères de la religion, quoi qu’on ait dit, mais j’en doute moins que jamais. On dira peut-être que les libraires de Genève ont fourré dans cet ouvrage de M. Patin tout ce que bon leur a semblé, mais cette pensée serait ridicule. »


  1. Préface de la première édition des Lettres (1683) et ses auteurs (Charles Patin et Jacob Spon).

  2. « On dit d’un médisant, qu’il a taillé en pièces la réputation d’une personne, qu’il l’a déchirée de toute sa force, qu’il est mordant, qu’il emporte la pièce » (Furetière).

Comme nombre de ses convictions morales ou politiques, la foi religieuse de Guy Patin est difficile à bien cerner, car sa profession variait au gré des circonstances et plus encore, de ses correspondants. On peut néanmoins en saisir quelques principes généraux.

  • Élevé dans le catholicisme, Guy Patin en respectait les grands rites. Dans sa jeunesse, il avait refusé de devenir prêtre comme sa mère désirait. Il n’a jamais fait profession d’athéisme.

  • Son option radicale était le gallicanisme, avec une profonde prévention contre l’ultramontanisme : Rome, ses papes et leur infaillibilité (qui n’était pas encore un dogme au xviie s., v. note [2], lettre 741), ses ordres monastiques (les mendiants surtout), sa Compagnie de Jésus. Sa véhémence était presque inconditionnelle contre les loyolites et leur hypocrisie ; il en estimait toutefois quelques-uns comme les RR. PP. Théophile Raynaud, Philippe Labbe ou Pierre Labbé, pour la qualité de leurs travaux historiques.

  • Patin ne prisait ni les mystiques, ni les dévots catholiques. Il citait volontiers la Bible et les Pères de l’Église (saint Augustin, Tertullien, etc.) pour appuyer ses jugements. Les interrogations des philosophes antiques sur l’essence divine ou l’immortalité de l’âme éveillaient tout son intérêt. On ne le prend jamais à la moindre complaisance envers toutes les formes de superstition, de divination, de miracle ou de pensée magique.

  • Les divisions et les schismes chrétiens de son époque suscitaient la curiosité de Patin, et même sa bienveillance. Ses propos révèlent souvent de nettes inclinations vers la « prétendue Réforme » ou vers Port-Royal. Les vexations et les persécutions qu’on infligeait à leurs adeptes éveillaient certes en lui de la commisération, voire du dégoût, mais il admirait leur attachement sincère aux préceptes évangéliques, la simplicité de leur culte, la conformité de leurs mœurs avec leur foi ; sans aller pourtant jusqu’à prendre franchement parti sur l’essence de la grâce divine, quand le choix entre libre arbitre et prédestination fondait les grandes scissions entre les chrétiens. Jamais pourtant on ne sent que Patin ait envisagé d’adhérer au jansénisme ou de se convertir au protestantisme. Il grinçait des dents chaque fois qu’il mentionnait le retour d’un réformé dans le giron de Rome.

  • Là cessait la largeur d’esprit religieuse de Patin : il méprisait profondément les juifs et les musulmans, jusqu’à en obscurcir son discernement médical, regrettant amèrement, par exemple, que son bien-aimé séné fût une invention des Arabes et s’acharnant vainement à chercher les preuves du contraire ; il tenait en bloc tous ces mécréants pour des ennemis résolus et dangereux de la chrétienté. Jamais, il ne s’est ouvertement interrogé sur le bien-fondé de ce préjugé, que tous les « bons Français » d’alors tenaient pour un axiome irréfragable ; contrairement à d’autres, comme ses confrères de Montpellier.

Pour son christianisme sceptique et souple, comme pour ses amitiés avec Pierre Gassendi ou Gabriel Naudé, certains critiques ont eu tôt fait de ranger Patin parmi les libertins érudits, ces précurseurs des Lumières du siècle suivant et des libres penseurs qu’elles ont engendrés (v. notes [9], lettre 60, [6], lettre 159, ou [26] des Préceptes particuliers d’un médecin à son fils). Il est sans doute naïf de si peu se défier du caméléon qui rampait constamment sous la plume de Patin (v. note [51] des Avis critiques sur les Lettres de Guy Patin).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 18 juillet 1642, note 7.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0065&cln=7

(Consulté le 19/04/2024)

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