Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 96.
Note [96]

V. notes :

  • [30], lettre 6, pour Jérôme Cardan ;

  • [5], lettre 9, pour l’hostilité de Jules-César Scaliger à son endroit ;

  • [48‑3] du Borboniana 7 manuscrit pour sa mort, qu’il aurait lui-même prévue, selon Jacques-Auguste i de Thou.

Sur la bâtardise alléguée de Cardan, Louis Moréri avance exactement ceci :

« Il a lui-même écrit sa vie, où il avoue, au ier chap., que sa mère avait pris plusieurs médicaments pour se faire avorter. {a} Et dans le troisième livre de la Consolation, il reconnaît que le Collège des médecins de Milan ne le voulait pas admettre sur le soupçon qu’on avait qu’il n’était pas légitime. » {b}


  1. Le Hieronymi Cardani de propria vita, liber [Livre de Jérôme Cardan sur sa propre vie] (tome premier, pages 2‑3, des Opera omnia, Lyon, 1663, v. note [8], lettre 749) traite de ses origines.

    • Chapitre ii, Nativitas nostra [Ma naissance] :

      Tentatis, ut audivi, abortivis medicamentis frustra, ortus sum an. m.d.viii. Calend. Octobris, hora noctis prima non exacta, sed paulo magis dimidia besse minore.

      [J’ai vu le jour le 1er octobre 1508, {i} avant une heure du matin, exactement quarante minutes après minuit. Ma mère avait, m’a-t-on dit, vainement pris des médicaments pour essayer d’avorter]. {ii}

    • Chapitre iii, Communia quædam quæ parentibus meis contigere [Quelques généralités sur mes parents] :

      Pater purpura vestiebatur, insolito civitatis more, quamquam capitium nigrum retinuerit, eratque blæsus in loquendo : variorum studiorum amator : ruber, oculis albis et quibus noctu videret ; usque ad extremum vitæ, usu perspiciliorum non opus habuit. In ore illud semper ei erat, Omnis spiritus laudet Dominum, quia ipse est fons omnium virtutum. Iuveni ex vulnere capitis detracta fuerunt ossa, ut absque capitio diu manere non posset. Caruit dentibus omnibus a lv. anno supra. Erat Euclidis operum studiosus, et humeris incurvis : et filius meus natu maior ore, oculis, incessu, humeris, illi simillimus : sed lingua forsan ob ætatem, expeditior. […] Mater fuit iracunda, memoria et ingenio pollens, parvæ staturæ, pinguis, pia.

      [Mon père se vêtait de pourpre, contrairement aux coutumes de la cité, mais respectait celle de porter un chapeau noir. Fort amateur de savoirs divers, il était bègue, roux, avec des yeux clairs qui voyaient la nuit ; jusqu’à la fin de sa vie, il n’a pas eu besoin de lunettes. Il avait toujours ces mots à la bouche : Tout esprit louera le Seigneur, {iii} car il est la source de toutes les vertus. Il ne pouvait rester longtemps sans porter un chapeau car, dans sa jeunesse, une blessure lui avait disloqué les os de la tête. Il avait perdu toutes ses dents dès l’âge de 55 ans. Il étudiait avec grande attention les œuvres d’Euclide et avait les épaules voûtées. Mon fils aîné lui ressemble énormément, pour le visage, les yeux, la démarche, les épaules ; mais, peut-être en raison de son âge moins avancé, il a l’élocution plus déliée. {iv} (…) Ma mère était irascible, intelligente et dotée d’une grande mémoire, elle était de petite taille, replète et pieuse].

    • Chapitre iv, Vitæ ab initio ad præsentem diem (finem scilicet Octobris, an. 1575) enarratio brevis [Brève relation de ma vie, depuis son commencement jusqu’à ce jour (soit la fin d’octobre 1575)] :

      Sub initio decimi anni domum quasi infaustam pater commutavit, e regione in eadem via : ubi trienno toto mansi ; sed non mutata sors mea, nam rursus pater me ut servum ducebat secum mira pertinacia, ne dicam sævitia, ut divino potius consilio factum, ex his quæ port sequuta sunt credas quam patris culpa : tum maxime quod mater, et matertera simul consenserint. Longe tamen mitius mecum egit, nam nepotes duos interim, unum post alium habuit, quorum servitute levior tanto mea facta est, si non irem secum, et minus molesta est sis imul comitaret

      [Au début de ma dixième année, mon père, trouvant sa maison sinistre, déménagea de l’autre côté de la même rue. J’y demeurai trois ans, mais mon sort ne s’en trouva pas changé car mon père, avec étonnante obstination, pour ne pas parler de cruauté, continua à me traiter en esclave, et la suite vous portera à croire que ce fut plutôt par un effet de la volonté divine que par la faute de mon père ; et ce tout particulièrement parce que ma mère et ma tante, sa sœur, se sont alliées à lui].

      1. À Pavie, mais tous les biographes de Cardan l’y font naître le 24 septembre 1501 : sans la résoudre, Bayle s’est interrogé sur cette discordance manifeste dans sa note A sur Cardan.

        Cardan continue sa Vita en décrivant longuement la configuration du ciel à la date très ultérieure qu’il donne pour celle de sa naissance : peut-être l’a-t-il sciemment modifiée pour l’adapter à ses impénétrables rêveries astrologiques.

      2. La mère de Cardan se nommait Clara Micheria. Son père, le jurisconsulte Facio Cardano, mourut en 1524 âgé de 80 ans. Bien des auteurs se sont interrogés sur leur ménage, sans trouver de preuve formelle qu’ils se soient jamais mariés, bien qu’ils aient vécu longtemps sous le même toit.

      3. Psaumes, 150:6.

      4. V. note [4], lettre 109, pour Giovanni Battista Cardano, fils aîné de Jérôme.

  2. Le gros livre de Cardan de Utilitate ex adversis capienda [sur le Profit à tirer des infortunes] {i} parle en plusieurs endroits de son exclusion du Collège médical de Milan, mais je n’y ai pas lu qu’il la liait clairement à l’illégitimité de sa naissance.

    En feuilletant cet ouvrage, mon regard s’est néanmoins attardé sur ce passage du livre ii, chapitre x (pages 281‑282), De Veneris Impotentia [L’Impuissance sexuelle] : {ii}

    Fateor ingenue hoc unum mihi malorum fuisse gravissimum. Non servitus paterna, non paupertas, non morbi, non inimicitiæ, lites, injuriæ civium, repulsa medicorum, falsæ calumniæ, infinitaque illa malorum congeries me ad desperationem, vitæ odium, voluptatum contemtum, tristiamque perpetuam adigere potuerunt : hoc unum certe potuit. […] Anno trigesimo inchoante pernitiosa illa tabe laborare cœpi, inops, sine fratribus aut sororibus, anu matre, extra patriam a collegio medicorum rejectus, cumque multis inimicis atque potentibus affinium litibus involutus. Verum ita prostrato Deus voluit ostendere, quam ipsi deberem. Præter spem enim, liberatus tabe, post septem menses statim et hoc vinculo sum solutus, sic ut ne vestigium remanserit, quin aliquando, quam deceret, pronior essem ad venerem, et quam mihi utile.

    [J’avoue ingénument que ce fut le plus pénible de tous mes maux. Ni la tyrannie de mon père, ni la pauvreté, ni les maladies, ni les inimitiés, ni les procès, ni les insultes de mes concitoyens, ni le rejet des médecins, ni les fausses calomnies, ni cette accumulation infinie de malheurs n’ont pu me pousser au désespoir, à la haine de la vie, au mépris des plaisirs, et à la tristesse perpétuelle ; mais cette impuissance y est bel et bien parvenue. (…) En entrant dans ma trente et unième année d’âge, j’ai commencé à souffrir de ce fléau qu’est le dénûment : sans frères ni sœurs, avec une vieille mère, loin de ma patrie, {iii} rejeté par le Collège des médecins, et engagé dans des procès avec de nombreux ennemis et de puissants membres de ma famille ; c’est néanmoins dans cette prostration que Dieu a voulu me montrer à quel point je lui étais redevable. En effet, contre toute espérance, au septième mois de cette année-là, je fus subitement libéré de ma déliquescence, et délivré de cette entrave, qui ne laissa aucune trace, sauf à être parfois plus assidu à l’amour charnel qu’il ne convenait, et ce bien inutilement pour moi].

    1. Bâle, 1561, v. note [30], lettre 6.

    2. Cardan décrit sans ambages l’impuissance qui l’a affligé entre les âges de 20 et 30 ans.

    3. À Milan.

Antoine Teissier (v. note [12] du Faux Patiniana II‑2) a poussé l’interprétation plus loin encore dans son addition à l’éloge de de Thou sur Cardan (Genève, 1683, page 495) :

« Il a voulu faire croire au public que celle qui l’avait engendré était une putain, commençant l’histoire de sa vie par décrire l’action criminelle de sa mère, qui avait fait tout ce qu’elle avait pu pour se blesser étant enceinte de lui. »

Sans rejeter la bâtardise, Bayle a été plus circonspect dans sa note B sur Cardan.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 96.

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(Consulté le 29/03/2024)

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