L. latine 45.  >
À Johann Georg Volckamer,
le 25 février 1656

[Ms BIU Santé no 2007, fo 40 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Georg Volckamer, etc. à Nuremberg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

J’attends de jour à autre les livres que vous m’avez achetés et expédiés ; toutefois, à cause des difficultés des chemins et de la rigueur du temps très froid, aucun d’eux n’arrive (mais vous, en attendant, ne soyez pas inquiet de votre débiteur) et bien que la date où ils arriveront ne soit pas encore certaine, je vous écris dès à présent pour vous faire savoir que je suis pas oublieux de tant de bienfaits que je reçois de vous, et que je vous en remercie extrêmement. D’après cette liste des œuvres du très savant Conring, [2] que vous m’avez envoyée, j’apprends qu’il m’en manque beaucoup ; je vous écrirai plus tard pour les obtenir, quand j’aurai reçu ceux qui traînent en chemin. Notre Riolan est en vie et se porte plus ou moins bien, [3] il n’a pas encore vu le nouveau livre de Bartholin contre lui et ne craint rien pour lui venant de ce côté. [1][4][5][6][7][8] Les objections de Bartholin contre notre ami Hofmann ne sont pas non plus si considérables qu’elles méritent réponse. [2][9] La gloire du très éminent Hofmann demeure intacte et le demeurera toujours, appuyée sur sa propre force, et la malveillance de simples particuliers de ce genre ne la renversera jamais ; non plus que la jalousie impuissante qui, sans aucun doute, ne résistera pas aux siècles à venir. Vous connaissez ce vers d’Ovide, Pascitur in vivis livor, post fata quiescit[3][10] Que bouillonnent donc entre jeunes anatomistes ces luttes, plus curieuses que studieuses, sur des innovations dont je ne me soucie pas, quousque venerit Elias ille qui veritatem nobis patifaciet ! [4][11][12] Je m’en remets quant à moi aux anciens, me reposant sur Galien [13] et sur mon Riolan. Il n’y a aucun intérêt à tant de nouveautés, qui ne font à peu près rien en faveur de notre métier ou du moins apportent peu de chose à l’art de bien remédier[14] Vous saluerez, s’il vous plaît, de ma part le très distingué Rolfinck, et le remercierez pour le livre qu’il m’a envoyé et que je n’ai pas encore reçu ; cela fait, je lui enverrai quelque cadeau. [15] Notre Gassendi est ici mort le 24e d’octobre, terrassé par une fièvre lente issue d’un poumon usé et desséché. [16][17] On s’occupe ici à une nouvelle édition de ses œuvres complètes en 8 tomes in‑fo, mais ce travail est lent et ne progresse pas aisément.

J’en viens à votre troisième question. Notre ami Spon, médecin de Lyon, n’a pas encore reçu les livres que vous lui avez envoyés à mon intention ; [18] mais recevez, s’il vous plaît, le paiement des livres que vous avez précédemment achetés pour moi : soit par M. Metscher, soit par M. Pomer ; [19] M. Picques le remboursera aussitôt ; il reste, dans les prochains jours, en grande impatience et de marchandises et de livres qu’on lui a envoyés par Hambourg. [20] Voici dix jours que j’ai expédié à Jean Elsevier, imprimeur de Leyde le Théophraste du très distingué Caspar Hofmann, que j’avais ici, et ce qui se rapportait à lui ; il m’a promis qu’il penserait sérieusement à éditer cela avant l’an prochain ; Dieu veuille qu’il exécute ce à quoi il s’est solennellement engagé ; peut-être ne trompera-t-il pas mon attente. [5][21][22][23][24] Je recours à des étrangers puisqu’il n’y a rien à espérer de ceux d’ici, en raison des furieux déchaînements de Bellone [25] qui secouent et déchirent misérablement notre France. Je ne me souviens pas des livres que j’ai achetés pour vous et n’ai rien retrouvé que j’aie copié là-dessus dans mes brouillons. Si vous avez déjà reçus ceux que j’aurais envoyés, tenez-les pour vôtres au nom de notre mutuelle amitié. Jouissez-en donc, utilisez-les et abusez-en même, comme disait cet empereur au philosophe qui ne voulait pas se servir du trésor qu’il avait trouvé, ni le garder pour lui, même avec le consentement du prince. [6][26][27] Au printemps prochain, après que j’aurai reçu les vôtres, que j’attends de jour à autre, tant par Rouen que par Lyon, je vous enverrai un paquet, par l’intermédiaire de notre cher Spon, pour vous et pour nos amis ; au premier rang desquels je place MM. les très savants Nicolaï, [28] Conring et Rolfinck. Pour la grande affection que je leur porte, je voudrais toute ma vie leur être entièrement liés, tout comme à vous. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

Guy Patin qui sera vôtre pour l’éternité.

De Paris, le 25e de février 1656.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, le 25 février 1656

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(Consulté le 09/12/2024)

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