Enfin, le mardi gras et le cardinal sont loin, [3][4] et à vous dire vrai, j’espère bien mieux que l’un revienne que l’autre. Je crois bien que vous étiez ennuyé du premier, non pas pour vous ni pour le temps que vous y perdiez, mais pour le vin si mal employé à tant de fous, dont je ne doute pas que Noël Ft [5] ne soit un de ceux-là. Il faut que jeunesse passe, mais si elle voulait, ce serait avec plus de profit et d’utilité. Dieu veuille qu’il étudie bien maintenant et que ce que vous lui avez donné ne s’étende plus avant qu’aux jours gras. [1] Vous me manderez, s’il vous plaît, ce que vous lui avez fourni afin que je vous le fasse tenir. Voici le temps de vos leçons, [6] des disputes de l’Université : il ne manque pas d’occasions de bien faire ; il ne tiendra qu’à lui de les bien employer ; il a besoin de se tenir veillé et surveillé sur ce sujet, comme vous avez la bonté de le faire. Je ne sais pas si M. Duchef [7] aura vu mon frère, [8] mais je l’ai prié qu’avec vous il sache ma dernière volonté, qui n’est que de le faire venir à Lyon car je ne lui puis rien plus fournir à Paris ; et pour venir, je ne puis ni ne veux faire autre chose, si ce n’est le faire partir et lui donner pour faire son voyage ; mais en partant seulement, de crainte qu’il ne le garde et qu’il ne vienne pas. Étant ici, il me coûtera moins, il se réduira, il étudiera, il vivra en prêtre et sera hors des occasions de vivre dans le libertinage comme il a fait jusqu’à présent par de mauvaises habitudes que sans doute il a peine de quitter. Enfin, je vous lairrai, s’il vous plaît, gouverner avec M. Duchef la conduite de ce départ qui lui est tout à fait nécessaire, et à moi aussi, si ce n’est qu’il se logeât en quelque lieu, ou pour aumônier, ou pour précepteur. [2] Voilà cinq ou six évêques nouveaux ; [3] si par vos amis ou auprès de M. l’abbé de Richelieu, [4][9] il y pouvait être placé, je vous en serais infiniment obligé. Il ne manque pas d’esprit ni de mine, s’il voulait le tout employer à bien. En vérité, ce m’est une peine et une mortification sans pareille de le savoir en ce malheureux état et de le voir vivre de sa façon.
Mais est-il possible que feu Son Éminence ait donné tant de biens et tant de précieux comme l’on nous le mande ? [5] Il en avait bien amassé, mais il l’a bien tout quitté. L’on ne sait encore comme ira le gouvernement et le ministère. Il est vrai que l’on m’a dit que M. le maréchal de Villeroy [10] y a bonne part. Vous pouvez croire que j’ai intérêt et le souhaite, [6] mais si cela est, je souhaite aussi, comme je ne doute pas, que le pauvre peuple soit soulagé et qu’il se ressente maintenant du traité de la paix. [11] Il a assurément de bonnes intentions et Dieu veuille qu’elles soient suivies de ceux qui seront avec lui. Le temps et la patience nous rendront savants et nous apprendrons toutes choses.
MM. Ravaud et Huguetan m’ont donné le second tome de Paulus Zacchias [12] pour vous. [7] Je vous l’enverrai par la première commodité. Je croyais, à vous dire vrai, qu’ils me donneraient les deux tomes, mais c’est un étrange animal qu’un marchand. J’attends avec impatience le livre de M. Blondel, [13] il y aura sans doute de beaux et bons raisonnements, est enim vir magnæ eruditionis. [8] Je crois qu’il sera bien aise de rétablir son beau jardin que j’ai vu en mon dernier voyage, mais je fus assez malheureux de ne l’y pouvoir rencontrer. [9][14] Je le salue pourtant, s’il vous plaît, de tout mon cœur, quoique je n’aie pas l’honneur d’être connu de lui ; mais par son mérite et par sa réputation, il me tomba entre les mains une ordonnance bien raisonnée pour une hydropique, [15] qu’il fit pour un gentilhomme roannais il y a huit ou dix ans à la prière d’un de ses amis qui était pour lors à Paris, nommé M. Dongny Trescot ou Esteux de Roanne. [16]
Je crois que vous avez reçu le paquet que je vous ai envoyé par la voie du messager. Je suis à vos ordres, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Falconet.
De Lyon le 15e mars 1661.
J’ai rendu votre paquet à notre ami qui vous salue très humblement, et même M. de Rhodes, [17] notre doyen, avec qui je viens de consulter. [18] Mon fils aîné [19] est guéri, mais il est resté bien faible, vous êtes trop bon.