[Ms BIU Santé no 2007, fo 218 ro | LAT | IMG]
Au très distingué M. Johann Georg Volckamer, docteur en médecine à Nuremberg.
Très distingué Monsieur, [a][1]
Je réponds brièvement à votre bien agréable lettre du 24e d’août. Pour l’Aristote de Guillaume Du Val, de la meilleure édition, [2][3] j’ai reçu de M. Nicolas Picques [4] 33 livres tournois, qui font trois louis d’or ou trois pistoles. [1] Je n’ai encore eu aucune nouvelle de vos deux paquets, mais souhaite qu’ils me soient enfin remis. Peut-être les a-t-on arrêtés quelque part en chemin à cause des armées en guerre, [5] ce qui me semblerait une sage précaution. À moins que vous n’en décidiez autrement, je vous en rembourserai le prix, comme celui de ce qui viendra plus tard, par l’intermédiaire de M. Nicolas Picques. Je vous remercie pour Curia Nariscorum. [6] Quant aux troupes de votre César contre notre roi en Flandres, [7][8][9] nous verrons ce que c’est l’an prochain. [2] Les œuvres manuscrites de Caspar Hofmann [10] roulent sous la presse à Lyon, chez Laurent Anisson ; [11] je souhaite que tous les médecins leur réservent un accueil aussi bon qu’elles sont excellentes et dignes de leur auteur. En France, nous n’avons aucune nouveauté médicale en librairie : face aux folies de Bellone, [12] les arts érudits s’y taisent et les génies créateurs y sont comme engourdis ; mais nous ne manquons ni de chimistes vendeurs de fumée, [13] ni d’empiriques stibiaux, [14][15] qui promettent tout, même l’impossible, ut faciant rem, si non rem, quocumque modo rem, [3][16] non sans l’excessive indulgence de la dive Thémis, [17] sed oportet hæreses esse. [4][18] Je salue très obligeamment tous nos savants amis. Écrivez-moi ce que je dois donner à M. Picques pour régler mes dettes envers vous. Vive et vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.
De Paris, le 22e de septembre 1667.
Vôtre de tout cœur, G.P.
Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Georg Volckamer, ms BIU Santé no 2007, fo 218 ro.
L’italique est en français dans le manuscrit.
V. note [3], lettre latine 429, pour les œuvres complètes d’Aristote éditées par Guillaume Du Val (Paris, 1619, pour la première édition, que Johann Georg Volckamer avait prié Guy Patin de lui acheter).
Johann Georg Volckamer avait enfin répondu à Guy Patin que Curia Nariscorum était le nom latin de la ville de Hof-sur-Saale en Bavière (v. note [3], lettre du 29 février 1664).
Assuré de sa victoire, Louis xiv avait quitté Arras le 4 septembre pour arriver à Saint-Germain-en-Laye le 7 (Levantal). La prise de Mons (Wallonie) par Turenne, le 13 septembre, avait mis fin aux hostilités de la guerre de Dévolution en Flandres. Le roi de France entreprit des négociations avec l’empereur Léopold qui aboutirent au traité secret de Grémonville (signé à Vienne le 19 janvier 1668, v. note [4], lettre 929). Après la prise de Dole (Franche-Comté) par Condé (14 février 1668, v. note [2], lettre 929), la paix d’Aix-la-Chapelle (2 mai suivant, v. note [3], lettre 931) allait conclure la guerre de Dévolution.
« pour faire fortune, honnêtement, ou sinon par quelque moyen que ce soit » (Horace, v. note [20], lettre 181).
Guy Patin annonçait avec fierté et soulagement la mise sous presse des Apologiæ pro Galeno libri tres… [Trois livres d’Apologie pour Galien…] de Caspar Hofmann (Lyon, 1668, v. note [1], lettre 929) : ils allaient enfin contenir les Chrestomathies physiologiques et pathologiques, dont Patin s’acharnait à obtenir la publication depuis vingt ans.
Ms BIU Santé no 2007, fo 218 ro.
Cl. viro D. Io. Georgio Volcamero, Med. Doct. Noribergam.
Suavissimæ tuæ 24. Aug. sic breviter respondeo, Vir Cl. Pro Aristotele Gul.
Du Vallij optimæ editionis, accepi à D. Nic. Picques 33. libellas Turon.
quæ faciunt tres Ludovicos aureos, vulgò trois Loüis d’or, ou trois pistoles.
De duobus tuis fasciculis nihil adhuc quidquam audivi : utinam tandem
mihi reddantur : forsan alicubi hærent per viam propter milites : et hoc
prudenter : de quib. ut et alijs sequuturis solvam prout decreveris, per D.
Nic. Picques. Gratias ago pro Curia Nariscorum. De copijs vestri Cæsaris adver-
sus Regem nostrum in Belgio, videbimus anno proximo. Lugduni Celtarum
currunt sub prælo MS. Opera Casp. Hofmanni, apud Laur. Anisson, quæ utinam
tam benè probentur à vulgo Medicorum, quàm sunt optima, et Authore suo digna.
In Gallia nihil habemus novi de rebus Medicis : præ Bellonæ furoribus bonæ artes
hîc silent, ac penè torpent ingenia ; quamvis non desint fumivenduli Chymistæ,
et stibiales Chymicastri Empirici, qui nihil non pollicentur, ea etiam quæ fieri non possunt,
ut faciant rem, si non rem, quocumque modo rem : nimia certè sacræ Themidis
indulgentia : sed oportet hæreses esse. Eruditos illos amicos nostros omnes officiosissime
saluto. Pro ijs quæ debeo scribe quæso quid sit tradendum D. Picques. Vive, vale,
et me ama, Vir Cl. Parisijs, 22. Sept. 1667. Tuus ex animo, G.P.