Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6
Note [43]
Guy Patin n’est pas (v. § 6 infra) le compilateur de cet inventaire, truffé de coquilles, qui a pourtant emprunté presque toute sa matière à un livre qu’il aurait pu lire : les Diverses Leçons… de Pierre Messie, {a} deuxième partie, chapitre xxxv, Que les hommes venus de basse condition ne doivent laisser d’essayer à se faire illustres, et de plusieurs exemples à ce propos. Des personnages cités pour leur viles origines, plus ou moins avérées, y font leur première apparition dans notre édition.
« Arsaces, roi des Parthes, fut de si basse et infime lignée qu’il ne s’est trouvé aucun qui ait entendu quels furent ses parents. Après qu’il se fut retiré de la sujétion et obéissance d’Alexandre le Grand, il fut le premier qui constitua royaume entre les Parthes, peuple tant renommé et craint par les Romains ; et au moyen de ses grandes prouesses et vaillances, les rois ses successeurs, pour mémoire et révérence de son nom, encore qu’ils n’eussent tel royaume par hérédité et succession, furent à cause de lui nommés Arsacides, {b} comme les empereurs romains ont pris le nom de Césars à cause du grand César Octavian Auguste. »
- Pedro Mejia ; Rouen, 1643, v. note [23] du Faux Patiniana II‑3.
- Près d’un siècle après la mort d’Alexandre le Grand, le chef scythe Arsace ier, roi des Parthes au iiie s. av. J.‑C., a fondé la dynastie des Arsacides, qui régna sur la Parthie (actuel Iran) jusqu’au iiie s. de l’ère chrétienne.
La remarque sur la naissance obscure d’Arsace vient de l’Abrégé des Histoires philippiques de Trogue Pompée, établi par Marcus Junianus Justinus (livre xli, chapitre 4, § 6‑7) :
Erat eo tempore Arsaces, vir sicut incertæ originis, ita virtutis expertæ. Hic solitus latrociniis et rapto vivere accepta opinione Selencum a Gallis in Asia victum, solutus regis metu, cum prædonum manu Parthos ingressus præfectum eorum Andragoran oppressit sublatoque eo imperium gentis invasit.[Il y avait à cette époque un homme appelé Arsace, dont l’origine était aussi douteuse que sa valeur militaire était éprouvée. Il était accoutumé à vivre de pillages et de rapines, quand il entendit le bruit de la défaite de Séleucos en Asie devant les Gaulois ; débarrassé de la crainte du roi, il attaqua les Parthes avec une troupe de brigands, écrasa leur préfet Andragoras et l’ayant supprimé, il s’empara du pouvoir sur la Nation].
« Isicrates, Athénien, fut en l’art et science militaire fort illustre, car il vainquit les Lacédémoniens en bataille rangée et résista vaillamment à l’impétuosité d’Épaminondas de Thèbes, capitaine excellent ; {a} et fut celui qu’Ataxerxes, roi de Perse, élut lieutenant général de son armée quand il voulut faire guerre aux Égyptiens. {b} Si savons-nous pourtant (selon ce que tous en écrivent) qu’il fut fils d’un savetier. » {c}
- V. notes [35] supra pour Iphicrate, et, [2], notule {a‑i}, lettre latine 265, pour Épaminondas de Thèbes (Béotie) et les Lacédémoniens (Spartiates).
- Iphicrate combattit en Égypte pour le compte d’Artaxerxès ii Mnémon, roi des Perses de 404 à 358 av. J.‑C. ; Cornelius Nepos, Vies des grands capitaines, chapitre 11, § 4 :
Cum Artaxerxes Ægyptio regi bellum inferre voluit, Iphicraten ab Atheniensibus ducem petivit, quem præficeret exercitui conducticio, cuius numerus xii milium fuit, quem quidem sic omni disciplina militari erudivit, ut, quemadmodum quondam Fabiani milites Romani appellati sunt, sic Iphicratenses apud Græcos in summa laude fuerint.[Quand Artaxerxès voulut attaquer le roi d’Égypte, il demanda Iphicrate aux Athéniens, pour diriger son armée de douze mille mercenaires. Il les instruisit si bien dans toutes les parties de la discipline militaire que, comme autrefois les soldats romains formés par Fabius furent nommés les Fabiens, les Iphicratiens se rendirent très illustres chez les Grecs].
- Aristote, Rhétorique (Paris, 1654, v. supra note [35]), livre i, proposition lii, page 82 :
« C’est de cette façon que se louait Iphicrate lui-même, ce fameux général d’armée des Athéniens qui, de fils de savetier qu’il était, monta enfin à ce haut degré d’honneur : Qui étais-je autrefois, disait-il, pour être maintenant ce que je suis ? ».
« Je m’étais oublié d’Euménès, l’un des plus excellents capitaines qu’eut Alexandre, en vaillance, savoir et bon conseil : la vie duquel et ses grands faits d’armes sont décrits par Plutarque et Paul Émile ; {a} lequel, encore qu’il ne fût favorisé ès biens et succès de Fortune comme les autres, si ne laissait-il pourtant marcher aucun devant lui {b} quant à l’art militaire ; et s’y acquit ses vertus et gloires de lui-même, sans être avancé que par son labeur, lui étant fils d’un homme de basse condition qui, selon aucuns, était chartier. »
- V. note [6], lettre latine 164, pour Euménès (Eumène de Cardia), le plus fidèle capitaine d’Alexandre le Grand, à qui Plutarque a consacré une de ses Vies des hommes illustres. Paul Émile (Paolo Emilio, Vérone 1455-Paris 1529) est un historien italien, installé en France vers 1480, auteur d’une histoire de France, mais je n’ai pas trouvé où il y a parlé d’Eumène.
- « Bien que la Fortune ne l’ait pas favorisé autant que les autres en biens et en succès, il ne laissait pourtant personne marcher devant lui ».
« C’est encore un autre grand exemple < que > celui de Ptolomée, {a} un des meilleurs capitaines d’Alexandre, après la mort duquel il fut roi d’Égypte et de Syrie ; et tel qu’à cause de son nom, ses successeurs, rois d’Égypte, furent nommés Ptolomées. Ce Ptolomée était fils d’un écuyer nommé Lac, {b} qui jamais ne servit d’autre chose que d’écuyer en l’armée d’Alexandre. »
- Ptolémée ier Sôter (le Sauveur), général d’Alxandre le Grand, régna sur l’Égypte de 305 à 283 av. J.‑C. et fonda la dynastie des pharaons ptolémaïques.
- Lagus ou Lagos.
« Élie Pertinus, empereur de Rome, fut fils d’un artisan ; son aïeul avait été libertin (c’est-à-dire qu’il avait autrefois été de servile condition, et depuis avait été libéré) ; ce néanmoins, à cause de sa vertu et valeur, il parvint à l’Empire, puis, afin de donner exemple aux autres de bas état et les inciter à la vertu, il fit couvrir de marbre bien élaboré toute la boutique où son père soulait besogner son métier. {a} Cet empereur Élie ne fut pas seul de bas lieu qui parvint à l’empire, car Dioclétian, {b} qui tant illustra Rome de triomphantes victoires, était seulement fils d’un scribe ; aucuns disent que son père était libraire et lui-même esclave. Valentinian {c} aussi acquit l’empire, bien qu’il fût fils d’un cordier. L’empereur Probus {d} était fils d’un jardinier. […]. Assez d’autres empereurs de ce calibre furent à Rome, lesquels, pour brièveté, je laisse arrière, comme Maurice, Justin, prédécesseur de Justinian, et Galère, {e} qui fut berger premier qu’être empereur. »
- Soulait : avait coutume.
Publius Helvius Pertinax, empereur qui a régné sur Rome de janvier à mars 193, était fils d’un affranchi enrichi dans la manufacture et le commerce de la laine. Il fut massacré par des soldats mécontents de n’être pas payés.
- V. note [30], lettre 345, pour l’empereur Dioclétien, natif de Dalmatie et d’origine modeste, mais obscure.
- Valentinien ier, Flavius Valentinianus Augustus, a régné sur l’Empire romain de 364 à 375. Selon certaines chroniques, il était fils d’un nommé Gratien, qui était cordier non loin de Belgrade.
- Marcus Aurelius Probus a régné de 276 à 282. L’Histoire Auguste le dit fils d’un dénommé Maximus : « du grade d’officier, qu’il avait rempli avec distinction, il parvint à celui de tribun. » Cet empereur avait néanmoins de l’intérêt pour l’agriculture : Aurelius Victor dit qu’« à l’exemple du Carthaginois [Hannibal], qui avait employé ses légions à planter des oliviers dans presque toute l’Afrique, pour empêcher leur oisiveté de devenir funeste à la république et à leurs généraux, Probus remplit de vignes, plantées par ses soldats, la Gaule, les Pannonies et les collines des Mésiens ».
- Maximien Galère a régné de 305 à 311, en association avec d’autres empereurs (tétrarchie), dont Constantin (v. note [24] du Naudæana 3). Natif de Dacie (Roumanie), il avait, dans sa jeunesse, gardé des troupeaux avec son père, ce qui lui valut le surnom d’Armentarius (le Bouvier).
« [Il] n’avait aucune naissance, mais beaucoup de mérite, surtout pour la guerre ; ce qui lui tenait lieu d’une grande noblesse. Son père, nommé aussi Maxime, était charron ou serrurier. »
- Paris, Charles Robustel, 1691, in‑4o de 797 pages.
Cet intrus dans la liste de Messie me semble disqualifier Guy Patin comme auteur de cet inventaire.
« Venons-en au pontificat et Saint-Siège apostolique, auquel sont aussi parvenus des hommes de basse condition. Le pape Jean xxii {a} fut fils d’un cordonnier natif de France, lequel, pour sa vertu et savoir, vint à ce degré, et augmenta le patrimoine et seigneurie de l’Église. Le pape Nicolas v, {b} auparavant nommé Thomas, était fils de pauvres parents qui allaient vendre par les rues des poules et des œufs. Le pape Sixte iv, premièrement nommé François, et cordelier, était fils d’un marinier. {c} J’en pourrais nommer d’autres que, tout exprès, je laisse en arrière pource que cette dignité ne se doit acquérir par noblesse de sang, ains {d} par vertu. »
- V. note [44] du Faux Patiniana II‑7.
- V. note [5], lettre 969, pour Nicolas v (Tommaso Parentucelli).
- Sixte iv (le franciscain Francesco della Rovere, v. note [39] du Naudæana 2) est réputé avoir été fils d’un riche drapier.
- Mais