De Roland Desmarets de Saint-Sorlin, Avant 1650

Note [17]

V. notes :

L’empereur Tacite (Marcus Claudius Tacitus) a régné neuf mois sur Rome (de septembre 275 à juin 276). Roland Desmarets empruntait son propos au Flavii Vopisci Syracusii Tacitus, {a} qui figure dans l’édition de l’Histoire Auguste par Isaac Casaubon (Paris, 1603) revue par Claude i de Saumaise, {b} avec ce passage (page 229 de la première partie) :

Cornelium Tacitum, scriptorem historiæ Augustæ, quod parentem suum eundem diceret, in omnibus bibliothecis collocari iussit : ne lectorum incuria deperiret, librum per annos singulos decies scribi publicitus in * euicis archiis iussit, et in bibliothecis poni.

[Il ordonna que Cornelius Tacitus, auteur d’une histoire impériale, {c} fût mis dans toutes les bibliothèques, parce qu’il se disait être son parent ; et afin qu’il ne se perde par l’incurie des lecteurs, il ordonna publiquement que le livre fût copié dix fois tous les ans (…) {d} et placé dans les bibliothèques].


  1. Le Tacite de Flavius Vopiscus de Syracuse, l’un des six auteurs de l’Histoire Auguste (v. notule {a}, note [3] du Borboniana 6 manuscrit). Cette biographie impériale ne figure pas dans toutes les éditions du recueil.

  2. Paris, 1620, v. note [32], lettre 503.

  3. L’historien Publius Cornelius Tacitus (Tacite, mort en 120, v. note [20], lettre 176), dont les Annales et les Histoires couvrent la période qui va de 14 à 96 (des empereurs Tibère à Domitien).

  4. Trois mots latins intraduisibles, assortis de ce commentaire de Saumaise (page 418 de la 2e partie, note portant sur la ligne 31) :

    Decies scribi publicitus in euicis archiis iussit. Non melius erit hunc locum tetigisse, illi præsertim qui dubiosa et incerta nolit pronuntiare. nos igitur eum hominibus et ingenio et otio paratioribus ventilandum et excutiendum libenter relinquimus, proposita prius scriptura antiquitus excusorum scriptorumque librorum, ut habeant in qua se exerceant et ingenii sui tentamenta capiant. ea est : decies scribi publicitus in euicosarchis iussit. cui non valde dissimilem proposuit ex libris suis Casaubonus. quod facit ad probandam illius in mendo fortasse, scripturæ constantiam.

    [Decies scribi publicitus in euicis archiis iussit. Il n’y aura pas meilleur façon de traiter ce passage, surtout pour qui ne veut pas se prononcer quand il est dans le doute et l’incertitude : nous laissons donc à des hommes qui disposent de plus d’ingéniosité et de loisir le soin de le discuter et secouer. Pour qu’ils aient de quoi travailler et amorcer leurs cogitations, voici la transcription proposée par les précédents ouvrages manuscrits et imprimés : decies scribi publicitus in euicosarchis iussit ; {i} cela est peu différent de ce que Casaubon a tiré de ses propres livres, {ii} et contribue peut-être à prouver la persistance de sa transcription erronée]. {iii}

    1. « il ordonna publiquement que [le livre] soit copié dix fois dans les éicosarchies. » Le mot éicosarchies pourrait être un improbable hellénisme désignant les gouvernements (arkhein, commander) des vingt (eikosa) provinces de l’Empire ; mais ce nombre est bien inférieur à celui des provinces qui existaient sous le règne de Tacite.

    2. L’avis de Casaubon est à la page 240 de la troisième partie (note sur la même ligne 31) :

      Minima mutatione potest emendari hic locus, ut scribatur in cunctis archiis, vel ut placebat præstantissimo Scaligero, in æuicis arch. aut ciuicis. sed ne penitus istis emendationibus assentiamur facit scripta lectio, quæ aliud nescio quid in se continere deprauatum videtur. Eam apponam, ut doctis exercendi ingenij sit locus, habent igitur omnes membranæ vel in enchosarchis, ut regiæ ; vel ut Puteani, enicosarchis.

      [Un minime changement permet de corriger ce passage, pour écrire in cunctis archiis (dans tous les gouvernements) ou, comme il plaisait au très éminent (Joseph) Scaliger, in æuicis arch. (dans les anciens <?> gouvernements) ou ciuicis (pays de citoyenneté romaine) ; mais la lecture de ce qui est écrit, qui semble contenir en soi je ne sais quoi de corrompu, fait que nous n’adhérons pas entièrement à ces corrections. Afin de donner aux savants matière à exercer leur intelligence, j’ajoute donc que sur tous les vieux parchemins, on lit in enchosarchis, comme dans celui de la Bibliothèque royale, ou enicosarchis, comme dans celui des Dupuy].

    3. L’autorité philologique de Casaubon n’avait pas convaincu Saumaise. Quoi qu’il en soit, voilà un bel exemple de leurs joutes érudites, sur trois mots par lesquels Vopiscus voulait probablement dire que l’ordre de Tacite s’adressait à tout son empire.

      L’Histoire Auguste éditée par André Chastagnol (Paris, 1994, pages 1046‑1047) n’a pas éludé la difficulté dans sa transcription, en imprimant ---evicos archiis, mais l’a traduite autrement, par « aux archives […], aux frais de l’État--- ».



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Roland Desmarets de Saint-Sorlin, Avant 1650, note 17.

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(Consulté le 19/04/2024)

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