L. 135.  >
À Claude II Belin,
le 12 septembre 1646

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 12 septembre 1646

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0135

(Consulté le 19/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Je sais bien que je vous dois réponse il y a longtemps et vous prie de m’excuser si je n’ai pu m’en acquitter, les occupations de notre métier en sont cause. Combien que j’aime fort la vie sédentaire et à ne me point éloigner de Paris à cause de mes livres, [2] il m’a fallu néanmoins faire cet été trois voyages presque bien malgré moi, dont le premier a été en Beauce, par delà Pithiviers ; [1][3] le deuxième a été dans Orléans [4] même ; et le troisième en Normandie. [5] Si je ne me connaissais bien, je dirais de moi ce qu’un ancien chirurgien de Paris disait de soi-même, qu’il était persécuté de trop de pratique, parce qu’il était trop habile homme. Ces voyages me sont aussi déplaisants qu’ils ont été nécessaires à ceux pour qui je les ai faits, et m’ont extrêmement incommodé d’ailleurs. Je souhaite que monsieur votre fils [6] soit bientôt de retour de Montpellier [7] avec joie et contentement de part et d’autre. On nous a dit de delà que M. Duranc [8] écrit quelque chose contre nous ; mais il n’est pas à craindre s’il ne fait mieux que M. Courtaud [9] qui ne mérite pas réponse ; joint que ce M. Duranc, non melius au dit Curtaudo[2] On dit ici que nous aurons Lérida [10] bientôt. Je n’ai reçu depuis onze mois ni lettres, ni nouvelles de mon frère, [11] j’ai peur qu’il ne lui soit arrivé quelque chose. Si je ne reçois le livre de M. de Saumaise [12] de Primatu Petri pendant la Toussaint, [3] je ne m’y attendrai plus. J’en ferai relier un et vous l’enverrai, je n’ai insensiblement que trop attendu. On achève ici le livre de Caspar Hofmannus, de Medicamentis officinalibus[4][13] ce sera un in‑4o de près de cent feuilles ; dès qu’il sera achevé, je pourrai bien vous envoyer le Salmasius avec celui-là, et quelque autre petite chose. On ne fait ici rien de nouveau, le nouvel impôt que l’on veut mettre sur le papier a morfondu tous nos libraires. [5][14] Si ceux de Montpellier font par ci-après quelque chose qui vaille, on pourra leur répondre ; sinon, je pense que nous en demeurerons là avec notre arrêt [15] de l’an 1644 contre lequel ils ont présenté requête au Conseil, y étant portés par M. Vautier ; [16] laquelle requête a été cassée par M. le chancelier [17] qui leur dit que notre arrêt n’était qu’une nouvelle confirmation de nos anciens droits et privilèges ; que c’était un arrêt donné parties ouïes après cinq audiences publiques ; qu’à tels arrêts il n’y avait point de requête civile et qu’il en fallait demeurer là. Autrefois les médecins étrangers voulant avoir de l’emploi se disaient chimistes, [18] spagiriques, [19] paracelsistes, [20] se vantaient de guérir les grandes maladies sans saigner, d’avoir de grands secrets contre toute sorte de maux, etc. ; mais aujourd’hui nous voyons ici des étrangers très ignorants et purs charlatans [21] qui n’ont point de honte, et disent effrontément qu’ils sont médecins de la Faculté de Montpellier[22] J’en ai vu quatre ou cinq qui n’y ont non plus été que je suis à Rome, qui ne savent ce qu’ils font, artem quam profitentur non intelligentes[6] qui pour des remèdes ont les juleps cordiaux, [7][23] les apozèmes [24] et autres bagatelles, ut habeant faventes pharmacopæos[8] et l’antimoine, [25] qu’ils disent mieux entendre que nous ; mais néanmoins, ils ne guérissent rien, ils se décrient eux-mêmes et font tort à l’École dont ils se renomment ; et de l’heure que je vous parle, il n’y en a pas un en crédit, et ne passent dans l’esprit de nos malades que pour ce qu’ils sont. Pardonnez à un si mauvais entretien. Je vous baise les mains, à Mme Belin, à Messieurs vos frères, à MM. Camusat et Allen, et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 12e de septembre 1646.

M. le duc d’Enghien [26] est devant Dunkerque, [27] M. le maréchal de Turenne [28][29][30][31] devant Heilbronn. [32] M. de La Meilleraye [33] est en Italie. On espère que Lérida sera à nous dans ce mois, le comte d’Harcourt [34] ayant reçu trois mille hommes de renfort. [9]


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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