L. latine 92.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 26 octobre 1657

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 26 octobre 1657

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1125

(Consulté le 19/03/2024)

 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 64 vo | LAT | IMG]

Au très distingué Johannes Antonides Vander Linden, etc. à Leyde.

Très éminent Monsieur, [a][1]

Ce n’est pas sans très vives excitation et gaieté de l’esprit que je pense à vous, ou que je vous écris. Je pâtis pourtant de ne pouvoir entièrement répondre à votre souhait : j’ai demandé à mes amis de quelle manière je pourrais gagner la bienveillance de M. Colbert, bibliothécaire royal, [2] ou l’approcher, soit par amitié soit par relation ; ils m’ont répondu qu’ils ne le connaissaient pas ; ils savent seulement de lui qu’étant homme de cour et théologien sans grand renom, il a été admis à la Bibliothèque < royale > et en a obtenu la garde, par cette grâce des grands qui donne du pouvoir auprès de notre panurge de Mazarin. [3][4][5] Comme j’entendais ces choses et les pesais soigneusement en silence, il me vint à l’esprit le vœu d’un rustre sur la nécessité de Antigono refodiendo : Ô Bignone præstantissime ! ô eximij Puteani, utinam vos possem refodere ! [1][6][7][8][9][10] L’injustice des dieux réside dans le fait qu’ils ne permettent guère à tous les meilleurs d’entre nous de vivre longtemps ; et virtutem ex oculis sublatam, ad invidiam usque cogamur quærere[2][11] Un troisième m’a fourni un autre conseil, qui est d’aller pour mon propre compte voir ce bibliothécaire, qu’il pense être honnête homme, et de lui exposer votre intention de procurer une édition nouvelle d’Arétée ; il devrait me recevoir et m’écouter avec bienveillance, mais ne jamais souffrir que les manuscrits qu’il conserve vous soient un jour transmis. [3][12][13]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 65 ro | LAT | IMG] J’hésitais toujours là-dessus quand je finis par rencontrer M. Boulliau, secrétaire de notre ambassadeur en votre pays, le très éminent M. de Thou ; [14][15] et il m’a éclairé comme l’étoile du salut, ou plutôt comme un Deus ex machina : il m’a conté avoir vu votre Rompf, [4][16] qui était porteur de lettres de recommandations, précisément en faveur de votre affaire de l’Arétée ; et aussitôt que ce Rompf sera de retour dans cette ville, ce qui adviendra vers le 15e de novembre, il devra se rendre à la Bibliothèque royale pour traiter votre affaire, et voir ce qu’il pourra obtenir du bibliothécaire en votre faveur, se faisant certes un plaisir d’acquérir sa bienveillante promesse, quand je n’y aurai rien pu du tout. Si vous me demandez en quel endroit peut résider M. Rompf, je vous répondrai qu’il est parti dans le centre de la France pour visiter certaines villes des bords de Loire, savoir Orléans, Blois, Tours, Saumur, Angers, etc. ; d’où il regagnera Paris pour assister à la rentrée de nos Écoles médicales, car alors y commenceront les disputes des thèses et les leçons publiques ; mais il attendra la fin de l’hiver pour celles des professeurs royaux. [17]

Beaucoup de gens apprécient et achètent votre Celse ; certains auraient pourtant préféré qu’on l’eût imprimé en plus grand format, savoir in‑8o, et avec quelques notes de vous ; j’ai pensé devoir vous en avertir, afin que vous y songiez pour la seconde édition. [5][18] En la ville de Metz, notre Mazarin a souffert pour la première fois d’une podagre et de très atroces douleurs néphrétiques ont suivi. [19][20][21][22] Les médicastres auliques [23] redoutent et soupçonnent un calcul caché dans la vessie. [24] Pour le dissoudre et fragmenter, on raconte qu’on a envoyé chercher un certain empirique italien et charlatan juif, qui détient un grand et surprenant secret qu’on ne doit révéler à personne. On a bien fait de confier une si grande affaire à un fripon italien, charlatan chimique et juif de surcroît : ut habeant similes labra lacturas[6][25][26][27][28] {Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.}

J’ai fait tout mon possible pour recevoir aimablement votre Rompf et ne pas le laisser sans aide, eu égard à votre bonne recommandation et à mes devoirs. Je ne me suis donc pas donné grand mal pour satisfaire à votre première lettre. Pour la seconde, je puis vous garantir que je n’ai ici aucun livre de Gómez Pereira ; je m’en enquerrai pourtant et s’il s’en peut trouver, je vous les expédierai sans peine. [7][29] Qu’on les ait édités dans votre pays ensemble ou séparément, en deux tomes in‑fo, achetez-moi non reliés les deux traités que votre Rivet a écrits in Exodum et in Decalogum, et faites-moi envoyer ici ; [8][30] je paierai à M. Angot le prix de leur achat et de leur transport. [31] Je suis content que notre ami Utenbogard soit en bonne santé ; il en va de même pour moi et je ne suis pas trop inquiet de lui, tenant pour assuré qu’il ne l’est pas non plus de moi et qu’il m’aime. [32] Voilà longtemps je n’ai eu de nouvelles de Thomas Bartholin, autre de mes amis ; [33] cela fait un an entier que je n’ai reçu lettre de lui, quoique je lui aie écrit deux fois et lui aie annoncé la mort de Riolan, son très cher ennemi, [34][35] dont on imprime ici l’Encheiridium anatomicum et pathologicum in‑8o avec quelques additions dont nul ne sera mécontent. Quand il paraîtra, je vous en enverrai quelques exemplaires, pour vous et nos amis. [9][36] En attendant, cher ami, vale et vive, et rendez amour pour amour à celui qui vous est entièrement dévoué.

Votre G.P. en toute franchise.

Votre Guy Patin de tout cœur. [10]

De Paris, le 26e d’octobre 1657.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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