Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : xi, note 10.
Note [10]

V. note [6], lettre 213, pour les titres de ces deux traités galéniques « de la Thériaque à Pison » et « à Pamphilien » (dont le texte de l’observation ne fait ici qu’un seul et même traité), avec les renvois vers d’autres notes qui discutent leur caractère apocryphe.

L’arrogant et grossier guerrier achéen Thersite est dépeint et ridiculisé dans un des fameux épisodes de l’Iliade (chant ii vers 211‑277, Hodoï elektronikaï) :

« Tous s’asseyaient et se rangèrent sur les bancs. Seul Thersite, parleur sans mesure, piaillait encore. Son esprit abondait en paroles de désordre pour chercher vainement, mais contre le bon ordre, querelle aux rois avec tout ce qu’il jugeait propre à faire rire les Argiens. Il était le plus laid des hommes venus devant Ilion : {a} louche, boiteux d’une jambe, la poitrine creuse entre des épaules voûtées ; là-dessus une tête pointue, où végétait un rare duvet. Il était détesté surtout d’Achille et d’Ulysse car c’est contre eux que, d’habitude, il récriminait. Cette fois, c’était contre le divin Agamemnon {b} que, d’une voix aiguë, il débitait des injures : c’était à lui, en effet, que les Achéens en voulaient extrêmement, fort irrités en leur cœur. Aussi, criant très fort, Thersite querellait Agamemnon :

“ Atride, de quoi encore te plains-tu, où as-tu besoin ? Elles sont pleines de bronze, tes baraques ; beaucoup de femmes s’y trouvent aussi, des femmes de choix, que nous, les Achéens, nous te donnons, à toi avant tout autre, quand nous prenons une ville. Veux-tu encore l’or que t’apportera, peut-être, quelque Troyen dompteur de chevaux, d’Ilion, comme rançon de son fils, ligoté et amené ici par moi ou par un autre Achéen ? Veux-tu quelque jeune femme, pour t’unir à elle d’amour et la garder pour toi seul, loin de tous ? Il ne convient pourtant pas à leur chef de jeter dans le malheur les fils d’Achéens. Ô êtres mous, vils objets d’opprobre, Achéennes et non plus Achéens, rentrons donc chez nous avec nos vaisseaux et laissons cet homme ici, en Troade, savourer ses récompenses, pour qu’il voie si nous lui sommes de quelque utilité, ou non. Voilà qu’encore, maintenant, Achille, un homme bien supérieur à lui, il l’a déshonoré ! Il lui a pris et détient sa récompense que, de lui-même, il a ravie. Achille, certes, n’a pas de bile dans le cœur, il laisse tout faire ; autrement, Atride, c’eût été ton dernier méfait. ”

Ainsi parlait, querellant Agamemnon, pasteur de troupes, Thersite. Près de lui, soudain, se dressa le divin Ulysse, {c} qui, le regardant en dessous, l’invectiva rudement :

“ Thersite, bavard inconsidéré, quoique orateur à la voix claire, retiens-toi et ne prétends pas, seul, chercher querelle aux rois. Il n’y a pas, je l’affirme, pire mortel que toi entre tous ceux qui sont, avec l’Atride, venus devant Ilion. Ainsi tu pourrais éviter d’avoir sans cesse le nom des rois à la bouche, de proférer contre eux des outrages, de veiller au retour ! Nous ne savons encore clairement comment les choses iront, si nous nous en retournerons, bien ou mal, nous, fils d’Achéens. Et toi, maintenant, l’Atride Agamemnon, pasteur de troupes, tu es là à l’insulter, parce qu’il reçoit beaucoup des héros danéens, et tu tiens des propos blessants. Eh bien ! je vais te dire, et ceci s’accomplira : si je te prends encore à déraisonner comme aujourd’hui, qu’Ulysse ne garde plus sa tête sur ses épaules, qu’on ne m’appelle plus le père de Télémaque si je ne t’attrape moi-même, si je ne t’enlève tes vêtements, manteau, tunique, et ce qui couvre ton sexe, si je ne te renvoie, pleurant, vers les vaisseaux fins, chassé de l’agora avec des coups déshonorants. ”

Il dit et, de son sceptre, sur le dos et les épaules, lui donna des coups. Thersite se courba, laissant tomber de grosses larmes ; une tumeur sanguinolente se gonfla sur son dos, frappé par le sceptre doré. Il s’assit, effrayé et, souffrant, regardant sans voir, essuya ses larmes. Les Achéens, malgré leur affliction, rirent de lui doucement, et chacun disait en regardant son voisin : “ Ah ! vraiment, Ulysse a fait mille belles actions en proposant de bons avis et en armant la guerre ; mais aujourd’hui il fit mieux que jamais, parmi les Argiens, en imposant silence à cet insulteur blessant. Sans doute, après cela, son cœur arrogant ne le poussera plus à quereller les rois, avec des injures. ” »


  1. Troie.

  2. Roi des Atrides, v. note [55] de l’Autobiographie de Charles Patin.

  3. L’un des chefs grecs (Danéens, Argiens ou Achéens selon leur contrée d’origine) placés sous les ordres d’Agamemnon, v. note [14], lettre d’Adolf Vorst, datée du 4 septembre 1661.

Établir une relation entre cet antihéros homérique et l’empereur des Abyssins, autrement appelé Prêtre Jean, Grand Négus ou roi d’Éthiopie (v. note [1], lettre 697), ressemble fort à une facétie de Guy Patin (je n’y ai pas trouvé de source littéraire) pour marquer la profonde absurdité de comparer Galien à l’auteur du traité de la thériaque.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : xi, note 10.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8164&cln=10

(Consulté le 27/04/2024)

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