À Claude II Belin, le 18 janvier 1637, note 11.
Note [11]

La Lithiase, du grec lithiasis, maladie de la pierre (lithos) est une affection qui a de tout temps affligé les humains. Elle engendre la formation de concrétions minérales (calculs, du latin calculus, petit caillou) dans la vésicule biliaire (v. note [10], lettre latine 87), les glandes salivaires et surtout, comme ici, les voies excrétrices urinaires – cavités rénales (calices, bassinets) et vessie.

Une de ses manifestations, alors fréquente, est la pierre vésicale, dont le seul remède efficace était l’extraction chirurgicale, qu’on appelait taille vésicale, ou lithotomie. Les opérateurs spécialisés (lithotomistes) qui taillaient ont longtemps exclusivement appartenu en France à la dynastie des Colot (v. note [17], lettre 455). Deux voies d’abord étaient alors surtout employées : le petit et le grand appareils se distinguaient par le nombre d’instruments requis (respectivement petit et grand) et empruntaient tous deux la voie postérieure du périnée [région anatomique qui sépare l’anus de la vulve chez la femme, et de la racine de la verge chez l’homme].

  • Connue depuis l’Antiquité, la taille par le petit appareil suivait la méthode dite de Celse, methodus celsina : « l’opérateur introduisait dans l’anus les doigts indicateur [index] et médius de la main gauche, préalablement enduits d’un corps gras ; il les enfonçait le plus avant possible dans le rectum et combinant avec adresse la pression au-dessus du pubis et les recherches par l’intestin, il amenait avec ses deux doigts la pierre vers le col de la vessie, et la pressait avec assez de force contre la partie inférieure du pubis pour qu’elle fît une saillie apparente sur le côté gauche du raphé [ligne médiane antéro-postérieure du périnée] ; il incisait alors sur la pierre même, qui se trouvait ainsi mise à nu et qui était poussée au-dehors par les doigts introduits dans l’anus ; on divisait dans cette opération les téguments, le muscle transverse du périnée, quelques fibres du releveur de l’anus et le col de la vessie » (Nysten).

  • Vers 1525, un praticien de Crémone, Jean de Romani, commença à mettre le grand appareil en usage ; son élève, Mariano Santo de Barletta divulgua la méthode, et Laurent Colot l’introduisit en France sous le règne de Henri ii. La nouveauté décisive fut de faire pénétrer des instruments dans la vessie, ce qui compliquait l’extraction, mais la rendait moins délabrante pour le périnée.

Autre méthode, le haut appareil ou taille franconienne (v. note [61], lettre 183), inventé au xve s. par les opérateurs italiens, fut probablement introduit en France avec grand succès par Germain Colot sous le règne de Louis xi ; empruntant la voie antérieure, au-dessus du pubis, elle exposait au risque de plaie du péritoine, avec fuite persistante d’urine dans la cavité abdominale.

La note [2], lettre de Thomas Bartholin datée du 25 septembre 1662, procure des détails techniques supplémentaires sur les bas (petit et grand) et haut appareils.

La technique de lithotritie (ou lithotripsie), fort simplificatrice, consistant à fragmenter la pierre à l’aide d’un lithotome, d’abord introduit par une incision de l’urètre, n’a été inventée et systématisée que dans les années 1820 par Civiale et Leroy.

Au temps de Guy Patin, les opérateurs du grand appareil devaient pourtant souvent casser la pierre avant de pouvoir l’extraire.

Tout ce bel art s’est éteint faute du combattant : avec les moyens d’en supprimer les causes (rétrécissement de l’urètre, augmentation du volume de la prostate, infection urinaire basse), la pierre vésicale a désormais presque complètement disparu en France.

La taille sous toutes ses formes se pratiquait bien sûr sans le secours de l’anesthésie, inventée en 1846 (William T.G. Morton, avec l’éther à Boston). V. note [7], lettre 811, pour le récit qu’a laissé Olivier Le Fèvre d’Ormesson sur la taille de son père en 1665.

La lithiase rénale, toujours fréquente, est responsable des coliques néphrétiques, crises douloureuses aiguës dues au passage d’un calcul du rein dans la vessie, par l’uretère. Patin l’a fréquemment évoquée dans sa correspondance (parfois sous le nom de gravelle, v. note [2], lettre 473).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 18 janvier 1637, note 11.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0033&cln=11

(Consulté le 29/03/2024)

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