À Claude II Belin, le 6 février 1634, note 20.
Note [20]

Leur vie durant, les docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris étaient rangés suivant leur date de régence et leur classement de licence (v. note [8], lettre 3) : selon qu’ils se situaient dans la première ou la seconde moitié du tableau, ils étaient anciens (du premier rang, ordo maior, ou grand banc) ou jeunes (du second rang, ordo minor, ou petit banc) ; chaque année, le doyen en exercice dressait à la main dans les Comment. F.M.P. le rôle des quelque 120 docteurs régents, méticuleusement rangés par ordre d’ancienneté (v. notes [20], lettre 7, et [20], lettre 17).

Le rang séparant les anciens des jeunes n’apparaissait pas sur ce tableau annuel ; il se situait vers le milieu du classement, sans règle précise que j’aie su trouver. Guy Patin était passé du petit au grand en 1644 (v. note [11], lettre 771), soit 16 ans après avoir été reçu docteur régent (décembre 1627).

Le plus anciennement reçu du grand banc était l’ancien (antiquior magister ou decanus senior, doyen d’âge) ; l’âge lui donnait les privilèges d’être compté pour présent quand il était absent et de recevoir le double des émoluments réservés aux docteurs régents (Statuta F.M.P., art. xlviii, pages 44‑45) ; l’ancien exerçait une autorité morale sur la Compagnie, il présidait notamment à l’élection du doyen (v. note [16], lettre 247).

À Montpellier, l’ancien portait le titre de doyen, charge perpétuelle et purement honorifique, qui n’était donc ni élective, ni limitée à deux ans comme à Paris ; son rôle se limitait à répartir les cours entre les maîtres ; la direction de l’École appartenait au chancelier (Dulieu). Une autre différence de taille entre les écoles de médecine de Paris et de Montpellier était le nom qu’elles se donnaient : Faculté à Paris, et Université à Montpellier. La nuance ne manquait pas d’offusquer les Parisiens (Jean ii Riolan, Curieuses recherches sur les écoles en médecine de Paris et de Montpellier…, pages 102‑104 ; v. note [13], lettre 177) :

« Une grande singularité de l’École de Montpellier paraît en ce qu’elle seule tient le nom d’Université, comme si elle était universelle pour toute la terre habitable, ou à cause que toutes les parties de la médecine y sont enseignées. Par ces deux raisons, l’École de médecine de Paris pourrait être appelée Université tout autrement mieux que celle de Montpellier. Mais, dira le médecin de Monpellier, les papes l’ont seule qualifiée de la sorte : ils ne peuvent prouver cela par leurs bulles, ni par les lettres des rois. Si cela était véritable, il y aurait dans la ville deux universités : l’une composée de trois facultés, théologie, jurisprudence, et des arts ; l’autre Université serait de la médecine. C’est grandement ignorer la signification du nom d’Université, et en quelle manière il est pris et expliqué par les jurisconsultes. Université est une étude générale, pour tous ceux qui viennent apprendre toutes les sciences qui sont enseignées. Je sais qu’un grand jurisconsulte, Petrus Gregorius, Tolosanus, lib. 18. de Republica, c. i, {a} dit qu’il n’est pas de l’essence de l’Université que toutes les sciences soient enseignées en cette École, il suffit que l’étude soit publique et gratuite pour tous ceux qui voudront y étudier : Nam generalitas non ad Universitatem scientiarum pertinet, sed ad publicam causam docendi. {b} Cette raison ne favorise pas davantage l’École de Montpellier que celle de Paris, d’autant que notre École est publique, la médecine y est enseignée gratuitement, sans argent du roi, en toutes ses parties. Laissons cette niaiserie. Si je voulais approfondir cette matière, laissant Gregorius Tolosanus, je trouverais quantité de jurisconsultes contraires à son avis […].

C’est une chose inouïe que dans une ville il y ait deux universités, comme à Montpellier, ce que les jurisconsultes n’ont point encore traité ni décidé. Pour vous ôter de l’esprit cette vanité et folie, je vous prouverai par vos chartes et vos lettres que vous avez produit tout le contraire. »


  1. De Republica libri sex et viginti in duos tomos distincti. Authore D. Petro Gregorio Tholozano, Iuris utriusque Doctore et publico Professore, prius in Academia Cadurcensi, deinc Tholozana, nunc Pontimussana Lotharingica, earundemve facultatum Iuris utriusque ibidem Decano.

    [Vingt-six livres de la République distribués en deux tomes. Par Pierre Grégoire, native de Toulouse, {i} docteur et professeur public en l’un et l’autre droit, {ii} d’abord en l’Université de Cahors, puis en celle de Toulouse, et maintenant en celle de Pont-à-Mousson en Lorraine, et aussi doyen desdites facultés de droit]. {iii}

    1. Vers 1540, mort à Pont-à-Mousson en 1597.

    2. Civil et canonique.

    3. Lyon, Jean-Baptiste Buysson, 1596, 2 tomes in‑8o ; tome 2, livre xviii, chapitre i (pages 145‑149), De studiis, artibus seu scientiis in genere in scholis litterariis tractandis, vel non docendis, publice vel privatim [Les études, arts ou sciences en général qu’il convient ou non d’enseigner, en public ou en privé, dans les collèges de lettres].

  2. « Car la généralité ne tient pas à l’universalité des sciences, mais à l’ouverture de l’enseignement au public » (§ 7, page 148).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 6 février 1634, note 20.

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(Consulté le 14/12/2024)

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