Au livre ccxxiii (règne de Henri iv, année 1599) des Histoires de son temps (Thou fr, volume 13, pages 392‑407), Jacques-Auguste i de Thou raconte comment la prétendue possession satanique de Marthe Brossier (v. note [10], lettre 37) déchira la Faculté de médecine de Paris. Michel i Marescot (v. note [14], lettre 98) et Jean i Riolan plaidaient la supercherie, tandis que Louis Duret et Nicolas Ellain croyaient à l’authenticité des faits. Le cinquième expert, Jean Haultin, quant à lui, demeura longtemps indécis (v. note [38] du Borboniana 6 manuscrit).
« Il est incroyable combien cette dispute échauffait les esprits, quelle division elle causa dans Paris ; en sorte qu’il était à craindre qu’elle n’y excitât peut-être un soulèvement général. En effet, les gens sages regardaient le zèle et la vivacité que quelques-uns témoignaient dans cette affaire comme l’effet d’un dessein formé pour anéantir l’édit {a} que le roi venait de donner, et rendre à cette occasion ce prince odieux dans l’esprit du peuple. […] Ainsi il manda au Parlement de prendre connaissance de cette affaire et d’arrêter de bonne heure ces assemblées qui approchaient fort de la sédition. En conséquence, le Parlement ordonna que Marthe serait remise entre les mains du magistrat pour la faire examiner en présence des médecins et des personnes les plus habiles, et qu’il en ferait son rapport à la Cour dans un mois. On chargea de ce soin Lugoli, lieutenant criminel, et Villemonte, procureur du roi au Châtelet, qui la tinrent enfermée pendant 40 jours. Au bout de ce temps-là, Nicolas de La Rivière, premier médecin du roi, André Du Laurens aussi, premier médecin de la reine, Pierre Lafilé, doyen de la Faculté de médecine, Albert Le Fèvre, Marescot, Ellain, Haultin, Lusson, Piètre, Renard, Héroard, Cousinot, d’Amboise, Le Paulmier, Marcés, tous docteurs de la même Faculté, après l’avoir bien examinée, déclarèrent par écrit qu’ils n’avaient rien remarqué que de très naturel dans cette fille. Aussi communia-t-elle tranquillement aux fêtes de Pâques ; et depuis qu’on l’eut changée de prison, on vit cesser peu à peu ces agitations violentes qui d’abord avaient fait tant de bruit. »
- Échauffés par la publication de l’édit de Nantes (avril 1598), les ligueurs manipulaient la possession de Marthe Brossier pour rallier la superstition populaire à leur parti, ultracatholique et farouchement hostile à la tolérance religieuse, mais désormais en déliquescence.
L’histoire n’en était pas pour autant terminée : v. note [11], lettre 37, pour la relation de la suite par le cardinal d’Ossat.
Le récit complet de de Thou a été traduit et repris dans les 15 premières pages de :
l’Histoire de Marthe Brossier prétendue possédée, tirée du latin de Messire Jacques August. de Thou, président au Parlement de Paris. Avec quelques remarques et considérations générales sur cette matière, tirées pour la plupart aussi du latin de Bartholomæus Perdulcis, célèbre médecin de la Faculté de Paris. Le tout pour servir d’appendice et de plus ample éclaircissement au sujet d’un livre intitulé La Piété affligée ou Discours historique et théologique de la possession des religieuses dites de Sainte-Élisabeth de Louviers, etc. {a} par le Sr Congnard D.M.
- Cet « etc. » abrège la fin du titre : Divisé en trois parties. Par le Révérend P. Esprit du Bosroger, Provincial des RR. PP. Capucins de la province de Normadie (Rouen, Jean le Boulenger, 1652, in‑4o), dédié au duc de Longueville.
- Rouen, Jacques Hérault, 1652, petit in‑fo. La traduction du récit de de Thou occupe les 16 premières pages. Elle est suivie (pages 17‑39) des Remarques et considérations générales sur le sujet de la possession, suivant notamment ce qu’en a écrit Perdulcis au livre intitulé De Morb. animi (de Barthélemy Pardoux, chapitres vi‑vii, Paris, 1639, v. note [5], lettre 47).
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