Suite et fin de l’« Affaire des Hibernois » (v. supra notes [24], [25] et [28]) sur le soutien que la Faculté de théologie apportait à une partie des prêtres irlandais de Paris contre le reste de l’Université (Journal de Louis Gorin de Saint-Amour, troisième partie, chapitre ix, page 135‑136) :
« Le jour de l’assemblée ordinaire du mois de mai suivant étant arrivé, {a} il fallut relire à la Faculté la conclusion qui avait été faite sous son nom le 1er d’avril. Il y eut beaucoup de contestations en la relisant parce que plusieurs docteurs se plaignaient que la vérité des choses qui s’y étaient passées avait été altérée ; mais enfin, elle fut relue et elle passa. Elle passa sans que jamais il y eût d’obstacle sur les paroles d’ubicumque et quomodolibet, {b} parce que chacun voyait bien qu’elles y étaient fourrées à plaisir, mais personne n’avait le moindre soupçon qu’on en voulût faire l’usage que ceux qui les y avaient fourrées s’en étaient proposé.
Durant le mois de mai, Messieurs Hallier et Amiot {c} s’avisèrent de la faire imprimer avec privilège du roi et de l’afficher la nuit, veille de la Pentecôte, {d} par tous les carrefours de l’Université et de la ville, même avec un titre injurieux, {e} qui obligea M. le recteur d’assembler extraordinairement le lendemain des fêtes, qui était le dernier jour de mai. Messieurs les députés ordinaires de l’Université, lesquels ayant délibéré sur cette nouvelle entreprise, déclarèrent entre autres choses : que M. le Chancelier avait été surpris {f} quand il avait donné un privilège pour l’impression de ce libelle ; que le titre qu’on y avait mis était très faux et très injurieux à toute l’Université ; qu’il fallait informer de ceux qui étaient les auteurs de cette fourbe {g} et de cette insolence, et agir contre eux dans toute la rigueur du droit ; que M. Hallier avait fait une insigne imposture à la Faculté dans quelque chose qu’il lui avait dite très faussement touchant cette affaire ; qu’on avait agi envers les Hibernois dans l’ordre et les formes de la justice ; que M. le recteur et Messieurs les députés n’avaient point excédé leur pouvoir en ce qu’ils avaient ordonné contre ces Hibernois, lesquels, par leur déclaration, avaient manqué contre la discipline de l’Université et grièvement offensé les droits et la sûreté du roi et du royaume ; que néanmoins, ils avaient appelé de ce décret au Parlement, qui les avait reçus appelants et < qui avait > retenu la cause par-devant lui ; et que, par conséquent, ces Hibernois n’avaient pu ni dû se plaindre de ce décret à la Faculté de théologie, ni la Faculté en rien ordonner sans faire tort à l’autorité de l’Université, et principalement à celle du Parlement ; et qu’afin que la Faculté ne prétendît point cause d’ignorance de tout le contenu en ce nouveau décret, il serait le lendemain, premier jour de juin, signifié par les bedeaux de l’Université à la Faculté assemblée, et affiché aux portes de tous les collèges.
Tout cela fut exécuté le lendemain et quelque effort que fissent dans l’assemblée de la Faculté tous les docteurs adhérents de M. Cornet, {h} qui avaient résolu cette intervention pour les Hibernois, ils ne purent venir à bout d’infirmer ce nouveau décret, ni donner même aucune attestation que M. O’Lonergan, docteur aussi hibernois, avait donnée au livre de la grâce victorieuse, {i} quoique M. Amiot eût fait des plaintes dans l’Assemblée contre cette attestation, sur ce qu’elle semblait accuser d’ignorance ses confrères hibernois qui avaient souscrit la susdite déclaration ; ce que M. Amiot prétendait être une injure qui retombait sur la Faculté, à cause qu’elle avait pris la protection de ces Hibernois en intervenant pour eux, car c’était par ces voies obliques et indirectes que la plupart de ces sortes d’affaires se faisaient alors dans la Faculté. » {j}
- Réunion ordinaire (mai 1651) de la Faculté de théologie à la Sorbonne.
- V. supra note [8] pour la déclaration que les théologiens avaient rédigée en avril 1651, et sa notule {c} pour le « n’importe où et de quelque manière que ce soit » annonçant la sollicitation de Rome qui allait aboutir à la bulle Cum occasione (31 mai 1653, v. note [16], lettre 321), condamnant les Cinq Propositions attribuées à Jansenius.
- V. supra note [8], notules {b} et {c}.
- Soit la nuit du samedi 27 au dimanche 28 mai 1651.
- Conclusio Sacræ Facultatis Theologiæ Parisiensis pro Hibernis adversus Decretum Amplissimi Domini Rectoris Academiæ dat. die 4. Martii 1651 et Jansenistas [Conclusion de la sainte Faculté de théologie de Paris pour les Hibernois, contre le décret de M. le très éminent recteur de l’Université daté du 4 mars 1651 et contre les jansénistes] (Paris, Guillaume Sassier, 1651, in‑4o, avec privilège du roi) ; l’injure consistait à assimiler l’Université et son recteur au parti janséniste.
- Dupé.
- Fourberie.
- Nicolas Cornet avait quitté la Compagnie de Jésus et était devenu docteur en théologie professant au Collège de Navarre et syndic de Sorbonne (ou plus exactement, de la Faculté de théologie), en restant fidèle à son premier engagement sacerdotal.
- V. notes [24], notule {e}, supra, pour Philip O’Lonergan, docteur irlandais de Sorbonne opposé à la déclaration de ses compatriotes contre le jansénisme, et [7], lettre 96, pour l’Augustinus de Jansenius (Louvain, 1640, et Rouen, 1643), que Gorin de Saint-Amour, en fervent janséniste, appelait ici le « livre de la grâce victorieuse ».
- La mission du franciscain François Mulard à Rome et la convention des maîtres irlandais de la Nation d’Allemagne pour l’élection de son doyen ont prolongé l’« Affaire des Hibernois » (v. notes [8] et [11] des Affaires de l’Université en 1651‑1652).
La manière dont Guy Patin a relaté cette « Affaire des Hibernois » confirme fort éloquemment ses vives inclinations jansénistes et sa tenace haine des jésuites. |