Le crime de lèse-majesté au premier chef (régicide, v. note [3], lettre 832) était puni de mort par écartèlement. L’ordonnance prononcée par François ier le 10 août 1539 prescrivait que (Joseph Boucheul, Coutumier général, ou Corps et compilation de tous les commentateurs sur la coutume du comté et pays de Poitou…, Poitiers, Jacques Faulcon, 1727, in‑4o, tome premier, titre i, Des fiefs, art. cc, page 499) :
« les coupables soient grièvement punis, tant en leurs personnes qu’en leurs biens, sans que leurs apparents héritiers, mâles ou femelles, parents en ligne directe ou collatérale, ou autres personnes, puissent prétendre aucun droit de succession, substitution ou de retour auxdits biens ; mais que lesdits biens, soit meubles ou immeubles, soient acquis et confisqués au Domaine sans aucune desdites charges de retour ou substitution {a} d’eux ou de leurs prédécesseurs, en quelque manière que ce soit. »
L’Encyclopédie a illustré cette sentence en détaillant les peines prononcées après les attentats de Jean Chastel (en 1594, non mortel, v. note [13] du Grotiana 1) et de François Ravaillac (en 1610, mortel, v. note [90], lettre 166) contre Henri iv :
« Le crime de lèse-majesté au premier chef est puni de la mort la plus rigoureuse, qui est d’être tiré et démembré à quatre chevaux.
L’arrêt du 29 décembre 1594, rendu contre Jean Chastel, qui avait blessé Henri iv d’un coup de couteau au visage, le déclara atteint et convaincu du crime de lèse-majesté divine et humaine au premier chef, pour le très méchant et très cruel parricide attenté sur la personne du roi. Il fut condamné à faire amende honorable et de dire à genoux que, malheureusement et proditoirement, {b} il avait attenté cet inhumain et très abominable parricide, et blessé le roi d’un couteau en la face, et, par de fausses et damnables instructions, il avait dit être permis de tuer les rois ; et que le roi Henri iv, lors régnant, n’était point en l’église jusqu’à ce qu’il eût l’approbation du pape. De là on le conduisit en un tombereau en la place de Grève, où il fut tenaillé {c} aux bras et aux cuisses, et sa main droite tenant le couteau dont il s’était efforcé de commettre ce parricide, coupée ; et après, son corps tiré et démembré avec quatre chevaux, et ses membres et corps jetés au feu et consommés en cendres, et les cendres jetées au vent ; ses biens acquis et confisqués au roi. Avant l’exécution il fut appliqué à la question ordinaire et extraordinaire {d} pour avoir révélation de ses complices. La cour fit aussi défenses à toutes personnes de proférer en aucun lieu de semblables propos, lesquels elle déclara scandaleux, séditieux, contraires à la parole de Dieu et condamnés comme hérétiques par les saints décrets. La maison de Jean Châtel, qui était devant la porte des Barnabites, fut rasée ; et dans la place où elle était, on éleva une pyramide avec des inscriptions ; elle fut abattue en 1605. {e}
L’arrêt rendu le 27 mars 1610 contre Ravaillac pour le parricide par lui commis en la personne du roi Henri iv fut donné les Grand’Chambre, Tournelle et Chambre de l’édit assemblées. La peine à laquelle Jean Châtel avait été condamné fut encore aggravée contre Ravaillac parce que celui-ci avait fait mourir le roi. Il fut ordonné que sa main droite serait brûlée de feu de soufre, et que sur les endroits où il serait tenaillé, il serait jeté du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix-résine bouillante, de la cire et soufre fondus ensemble. Il fut aussi ordonné que la maison où il était né serait démolie, le propriétaire préalablement indemnisé, sans que sur le fonds il pût être à l’avenir construit aucun autre bâtiment ; et que dans quinzaine après la publication de l’arrêt à son de trompe et cri public en la ville d’Angoulême (lieu de sa naissance), son père et sa mère videraient le royaume, avec défenses d’y jamais revenir, à peine d’être pendus et étranglés sans autre forme ni figure de procès. Enfin, il fut défendu à ses frères et sœurs, oncles et autres de porter ci-après le nom de Ravaillac, et il leur fut enjoint de le changer sous les mêmes peines ; et au substitut du procureur général du roi de faire publier et exécuter ledit arrêt, à peine de s’en prendre à lui.
La confiscation pour crime de lèse-majesté au premier chef appartient au roi seul privativement à tous seigneurs hauts justiciers ; le roi prend ces biens comme premier créancier privilégié à l’exclusion de tous autres créanciers ; il les prend même sans être tenu d’aucunes charges ou hypothèques, ni même des substitutions. »
- « Action d’un testateur par laquelle il substitue un héritier à un autre qui n’a que l’usufruit du bien qui lui est laissé. L’ouverture d’une substitution n’a lieu qu’après la mort de l’héritier institué » (Furetière).
- Traîtreusement.
- Tenailler : entamer les chairs à l’aide de pinces rougies par le feu.
- V. seconde notule {d}, note [2] du Borboniana 10 manuscrit.
- Sic, pour « rue de la Barillerie », actuel boulevard du Palais, qui passe devant le Palais de Justice, sur l’île de la Cité.
V. note [2] du Borboniana 4 manuscrit pour cette pyramide expiatoire et les inscriptions qu’elle portait.
Il est fort surprenant de voir Guy Patin évoquer ces sentences pour une simple infraction d’un docteur envers un décret disciplinaire de la Faculté : exaspéré par les dissensions qui s’exacerbaient au sein de la Compagnie, l’esprit du doyen s’égarait dans la folie des grandeurs. |