Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 3, note 46.
Note [46]

Ce paragraphe complète ce qui a déjà été écrit dans le Naudæana 2 (page 36, v. sa note [10]).

Les célestins étaient un Ordre monastique (d’abord appelé Congrégation de Saint-Damien) fondé en Italie au milieu du xiiie s. par le bénédictin Pierre de Moronne, élu pape en 1294 sous le nom de Célestin v. À Paris, le couvent des Célestins et son église abbatiale se trouvaient entre la Bastille et l’Arsenal, là où s’élève aujourd’hui la caserne des Célestins (ive arrondissement). Cet Ordre a été dissous à la fin du xviiie s.

Janus Nicius Erythræus {a} a donné une courte biographie de l’abbé du Bois, Olivarius a Bosco, dans sa Pinacotheca imaginum illustrium [Galerie des portraits d’hommes illustres], {b} pages 144‑145 :

Inter nostri sæculi Oratores non verebor adnumerare Ioannem a Bosco, Henrici iv Regis Galliæ beneficio, ut ipse de se fatetur, nobili ac generosæ Olivariæ familiæ insertum, ejusque insignibus et cognomine donatum. Est enim ejus oratio pura, nitida, Latina, elegans, quæque nihil fere habeat ineptiarum. Hunc Paulus v Abbatis Belliloci insignibus ac titulo decoravit, cardinalis Seraphini Olivarii opera ; quem postea luculenta oratione in Æde Sanctissimæ Trinitatis ad montem Pincium, laudavit extinctum ; atque eum etiam, ob insignem eloquentiam, maximarumque doctinarum notitiam, Rex Galliæ elegerat, quem de rebus divinis verba facientem audiret : verum cum in concionibus, contra Religiosi ordinis existimationem et decus, aspere ac truculenter esset invectus, illius in se ordinis iram derivavit, et cardinalis præsertim magni a se animum abalienavit. Legi ego complures Purpurati illius ad eum epistolas, in quibus inimicum eum suum appellat, pro cujus salute ad Deum preces effundat, seque tantisper inimicum illi futurum profitetur, quoad palinodiam cecinisset, hoc est, quoad qui in suum ordinem tam graviter in concionibus esset invectus, contraria oratione correxisset : quamobrem Romæ, in molem Adriani, in arcem fortissimam S. Angeli nomine, redactam, compactus, multos ibi annos asservatus est vinctus : ac post mortem cardinalis illius, cujus præsertim opera se in illum carcerem fuisse compulsum arbitrabatur, rogatus, ecquando e vinculis dimittendus esset, Modo, inquit, nam defuncti sunt qui quærebant animam pueri. Sed fere antea e vita dimissus est, quam ex illa custodia. Traditur chymicæ in primis arti fuisse addictus, sed vanitatis suæ pœnas, rei familiaris damno, solvisse.

[Parmi les orateurs de notre siècle, je ne craindrai pas de compter Jean du Bois. Ainsi qu’il l’a lui-même déclaré, il dut à de Henri iv, roi de France, la faveur d’être admis dans la noble et généreuse famille des Olivier, et d’en recevoir le nom et les armes. Le fait est que son discours était pur, brillant, et de belle et élégante latinité, sans jamais contenir la moindre impertinence. C’est pourquoi Paul v lui a conféré les titre et bénéfice d’abbé de Beaulieu, {c} par l’entremise du cardinal Séraphin Olivier ; lequel il a loué après sa mort par une splendide oraison funèbre en l’église de la très sainte Trinité-des-Monts au Pincio. {d} Et en raison de sa remarquable éloquence et de sa maîtrise des savoirs les plus éminents, le roi de France l’avait aussi choisi pour son prédicateur ; mais comme en ses harangues il s’était âprement et farouchement emporté contre la réputation et l’honneur de l’Ordre religieux, il a sur lui attiré sa colère et s’est surtout aliéné la bienveillance du grand cardinal. {e} J’ai moi-même lu de nombreuses lettres que ce prélat lui a adressées, où il l’appelle son ennemi, prie Dieu pour son salut et affirme qu’il s’opposera à lui tant qu’il chantera sa palinodie, c’est-à-dire tant que lui, dont les sermons s’étaient si gravement élevés contre son Ordre, n’aura pas corrigé ses propos. Voilà pourquoi il a été détenu et emprisonné pendant nombre d’années à Rome dans le mausolée d’Hadrien, transformé en une très robuste forteresse qui porte le nom de château Saint-Ange. {f} Quand on lui demanda ce qu’il pensait avoir été la principale cause de son emprisonnement, « C’est que, dit-il, après le décès de ce cardinal, ceux qui cherchaient à retrouver une âme d’enfant ne sont plus de ce monde » ; mais il mourut peu avant d’être libéré. {g} On raconte qu’il se consacra surtout à l’art de la chimie, mais il a payé sa vanité en y dilapidant tout son patrimoine].


  1. Giovanni Vittorio Rossi, v. note [23] du Naudæana 1.

  2. Cologne 1643, v. notule {b}, note [22] du Naudæana 1.

  3. Beaulieu-en-Argonne, entre Châlons et Verdun.

  4. Publiée à Rome en 1609 (v. note [10] du Naudæana 2).

  5. Séraphin Olivier.

  6. Le château Saint-Ange est une monumentale bâtisse circulaire édifiée sur la rive droite du Tibre pour servir de mausolée à l’empereur Hadrien (moles Adriani). Les papes en firent une forteresse pour défendre l’accès au Vatican, qui servit aussi de prison. Grégoire le Grand (v. supra note [19]) la consacra à l’archange Gabriel, protecteur de Rome contre la peste.

  7. Arrêté à Rome en 1611, l’abbé du Bois y demeura emprisonné jusqu’à son décès, en 1626. La narration de Rossi laisse croire que cette sévère punition fut infligée à l’abbé pour l’ardeur de ses discours contre son Ordre des célestins ; peut-être bien, mais le véritable motif était tout autre : il tenait à ses virulentes attaques contre la Compagnie de Jésus, accusée d’avoir fomenté l’assassinat de Henri iv (le 14 mai 1610, soit plus d’un an après la mort du cardinal Séraphin, le 10 février 1609) ; du Bois était en effet coupable d’avoir écrit l’Anticotton (v. note [9], lettre 128) qui dénonçait les jésuites comme instigateurs du régicide.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 3, note 46.

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(Consulté le 07/12/2024)

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