L. 61.  >
À Claude II Belin,
le 12 octobre 1641

Monsieur, [a][1]

Je vous dois réponse il y a longtemps, mais les fréquentes visites [2] qu’il m’a fallu faire à la campagne, à cause que la plupart de nos bourgeois sont aux champs pour leurs vendanges, [3] m’a < sic > empêché de m’acquitter de mon devoir. Premièrement donc, je vous remercie et vous prie aussi de remercier vasculum medone plenum, id est hydromelite[1][4] M. Camusat, [5] de la peine qu’il a prise de m’écrire les mémoires que m’avez envoyés ; je lui fais réponse par un petit mot que je vous prie de lui faire tenir. Je suis malheureux que je n’aie pas été céans quand monsieur votre fils [6] y est venu. Si je savais où il est logé, je l’aurais visité ; il faut nécessairement que j’attende son retour. Vos deux vers de Matthæus Paris [7] sont bien gentils ; [2] je suis bien aise de les savoir, je vous en remercie. Pour les deux vers de Pie v[8] il y a longtemps que je les sais bien ; mais en voici une réponse faite par M. Cachet, [9] médecin de Lorraine, centuria 3, epigr. 59 :

Papa Pius quintus moritur, res mira ! tot inter
Re sanctos, tantum nomine quinque pios
[3]

Le successeur de La Brosse [10] n’est pas encore arrêté. On dit néanmoins que M. Bouvard [11] en aura la meilleure part pour son fils, qui est premier valet de chambre du roi. [12][13] On dit aussi que M. de Noyers, [14] en qualité de surintendant des bâtiments du roi, y veut avoir sa part et en disposer en faveur de quelqu’un de ses amis. [4] Pour votre M. Le Fèvre, [15] on l’appelle ici l’égorgeur de rate[5][16][17] mais je pense que M. de Souvray [18] ne fera rien là pour lui. [6] J’ai lu tout entière la vie de M. de Peiresc, [7][19] c’est un agréable livre. J’ai seulement regret qu’il y ait trois ou quatre sortes de choses là-dedans où je n’entends rien : du prix des monnaies, du prix de l’or contre l’argent, de la marine, de l’astrologie, [8][20][21] de motu solis vel terræ secundum Copernicum[9][22] Les Espagnols sont toujours devant Aire, [23] avec apparence qu’ils la reprendront. Le sieur de Saint-Preuil [24] est prisonnier dans la citadelle d’Amiens ; [25] un habile homme m’a dit aujourd’hui qu’il y a de l’apparence qu’on ne lui coupera pas la tête. [10] La cour est encore à Amiens. On dit que le roi [26] sera ici dans huit jours, et Son Éminence [27] huit jours après. L’archevêque de Bordeaux [28] et son frère, le marquis de Sourdis, [29] sont disgraciés. [11] La reine mère [30] est dorénavant à Cologne. [12][31] Comme elle repassait par la Hollande en venant d’Angleterre, son confesseur y est mort dans le vaisseau, qui était le P. Suffren, [32] de genere loyoliticio[13] S’il était le dernier de sa cabale, ce serait un beau déblai. [14][33] Le pape [34] fait tout de bon la guerre au duc de Parme. [15][35] On parle ici d’une ligue du roi d’Angleterre [36] et du roi de Danemark [37] contre l’empereur, [16][38] pour l’obliger à restituer le Palatinat [39] aux petits Palatins. [17][40] Cela nous aiderait bien à entretenir la guerre en Allemagne et à faire tête au roi de Hongrie. Il me semble que voilà tout ce qu’il y a ici de nouveau. Je vous baise les mains, et à madame votre femme, pour être toute ma vie, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 12e d’octobre 1641.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 12 octobre 1641

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(Consulté le 16/04/2024)

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