L. latine 333.  >
À Johann Georg Volckamer,
sans date (janvier 1665)

[Ms BIU Santé no 2007, fo 182 vo | LAT | IMG]

Au très distingué Johann Georg Volckamer, à Nuremberg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je dois réponse à vos deux dernières. J’ai trouvé la disputation de Simio Dei, nempe diabolo[2] à l’endroit que vous m’avez indiqué, c’est-à-dire dans les thèses du très distingué Dilherr, [3] et je vous en remercie. Je me réjouis que vous ayez reçu les ouvrages de Baillou. [1][4] Si vous désirez autre chose de cette ville, il vous appartient de m’en prier, et à moi de vous l’expédier : je m’engage de bon cœur à vous envoyer tout ce que vous me demanderez car je vous suis très attaché et très obligé à quantité d’égards. Je souhaite que la négociation de paix qu’on a entreprise tourne à l’avantage de votre ville d’Erfurt et de ses habitants, en particulier du très distingué M. Eckard Leichner. [5][6] Veuille Dieu tout-puissant délivrer heureusement de la tyrannie des prélats et des moines votre Allemagne, qui est la reine de tant de bonnes industries. [7][8] Datatim ludunt [2][9] et trichent sciemment de façon que nul ne possède plus rien et, par fraude et imposture, ils raflent et saisissent tout sans rien laisser etc. Envoyez-moi la note de ce que vous avez dépensé pour moi en achats de livres, j’en réglerai le montant à M. Picques. [10] Malheur à ces soldats agités qui ont si misérablement ravagé votre Franconie, ils ne sont ni plus doux ni meilleurs que les Turcs. J’ai reçu une lettre de M. Felwinger, [11] à qui je répondrai. Je salue M. Richter. [12] Je vous demandais la Bibliotheca Romana de Philippus Carolus [13] si elle a été imprimée ; sinon, je n’en ai guère besoin. Je remercie néanmoins le très distingué M. Richter pour les trois manuscrits qu’il nous offre, s’ils demeurent inédits ; mais ne voulant importuner personne, je préfère modérer ma curiosité. [3] Je vous sais gré pour votre conseil en faveur de M. Felwinger ; je parlerai de cela avec M. Picques et vous en écrirai, pour que l’affaire soit arrangée de la façon que vous m’indiquez. [4] Le soir, tous ont ici regardé la comète, [14] elle n’a pas apporté plus de félicité que tant d’autres qui sont apparues jadis. Néanmoins, ces objets célestes ne m’inspirent aucune peur, pas même les étoiles : c’est sagement qu’on a dit a signis cæli nolite metuere ; [5][15] nous éprouvons chaque jour suffisamment de peines à discerner et à percevoir sans avoir besoin d’astres nouveaux. On parle ici d’une horrible guerre qui menace d’éclater entre les Anglais et les Hollandais, [16] si notre roi très-chrétien n’applique sa médiation et son autorité à réprimer ces fureurs excessivement belliqueuses, [17] lui qui médite bien d’autres interventions qui ne seront pas de moindre importance. [6] Dieu fasse qu’il y réussisse selon ses vœux, afin que notre France, qui a été si misérablement et malheureusement ruinée depuis plus de 40 ans, soit en quelque façon pacifiée et reprenne des forces pour être enfin rassérénée. [7]


a.

Brouillon manuscrit d’une lettre que Guy Patin a dictée (avec quelques minimes corrections de sa plume) à Johann Georg Volckamer, ms BIU Santé no 2007, fo 156 vo ; lettre inachevée et sans date ; sa position dans le manuscrit et son contenu permettent de la supposer datée de la première quinzaine de janvier 1665.

1.

V. note [5], lettre latine 315, pour « le Singe de Dieu, qui est le diable » de Johann Fabricius, thèse présidée par Johann Michael Dilherr (Iéna, 1640), et [5], lettre latine 283, pour la liste complète des livres de Guillaume de Baillou que Guy Patin avait tous envoyés à Johann Georg Volckamer.

2.

« Ils jouent à se renvoyer la balle », Plaute, Curculio [Le Charançon] (vers 301‑302), contre les gens oisifs qui encombrent les villes :

Tum isti qui ludunt datatim servi scurrarum in via,
et datores, et factores omneis subdam sub solum
.

[Quant à ces esclaves des beaux esprits, qui jouent dans la rue à se renvoyer la balle, je les aplatirai tous sur le sol].

V. note [8], lettre 797, pour Erfurt aux prises avec l’impétueux archevêque-électeur de Mayence, Philipp von Schönbron.

Deux dépêches de la Gazette (ordinaire no 2, 3 janvier 1665, pages 15‑16) ont commenté ces événements, connus sous le nom de Mainzer Reduktion [Réduction de Mayence].

3.

V. note [4], lettre latine 295, pour la « Bibliothèque romaine » de Philippus Carolus, qui est restée à l’état de manuscrit. Guy Patin semblait craindre que ses amis allemands ne lui infligent le pensum de chercher un libraire français pour l’imprimer.

4.

Dans sa lettre du 7 novembre 1664 à Johann Georg Volckamer, Guy Patin lui avait demandé comment remercier Johann Paul Felwinger pour un livre qu’il lui avait offert et dédicacé. V. la lettre de Patin à Felwinger, le 22 janvier 1665, pour la manière dont il lui a exprimé sa gratitude.

5.

« ne soyez pas terrifiés par les signes du ciel » : v. note [3], lettre latine 299, pour cette citation biblique (Jérémie) et pour la comète de 1664-1665.

6.

V. note [4], lettre 808, pour la seconde guerre anglo-hollandaise qui allait éclater le 4 mars 1665.

La Gazette (ordinaire no 3 du 3 janvier 1665) publiait deux préoccupantes dépêches (pages 20‑21).

En 1662, la France avait conclu un traité d’alliance bilatérale défensive avec les Hollandais pour s’assurer leur appui contre les Espagnols dans les Flandres (v. note [3], lettre latine 176, et [1], lettre 819, pour l’avis de Louis xiv sur la question).

Les desseins du roi de France se tournaient surtout vers l’Espagne chancelante, et ses Pays-Bas : on attendait la mort de Philippe iv (survenue le 17 septembre 1665) qui n’avait pour successeur qu’un enfant débile et malingre, jugé incapable de régner (v. note [3], lettre 837).

7.

Brouillon inachevé, sans signature ni date (v. supra note [a]).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 182 vo.

Cl. Viro D. Io. Georgio Volcamero, Noribergam.

Vir Cl. duobus tuis postremis responsum debeo. disputationem de
simia Dei
, nempe diabolo, in eo loco inveni quem mihi indicasti,
nempe in Disput. Cl. Dilheri : pro quo gratias habeo. Gaudeo
quod Ballonium acceperis : si aliud ex hac Urbe nostra requi cupias,
tuum est petere, et meum mittere : mittam enim quæcumque
petieris, quod libenter profiteor, cùm sim Tibi tot nominibus
devinctissimus et obligatissimus. Utinam Erfurto vestro bene cedat,
et ejus incolis, præsertim v. Cl. Viro
D. Eccardo Leichnero negotium
pacis antehac agitatum : et Germaniam vestram tot bonarum
artium Reginam, feliciter liberet Deus Opt. Max. à tyrannide
Præsulum et Monachorum, qui datatim ludunt, et ac ex
industria fraudulenter agunt, ne quis quid habeat, et omnia
converrant atque ad se convertant cum pulvisculo fraudis
et imposturæ, etc. e
Eorum quæ pro me impendisti in emendis
antehac libris, mitte indiculum quem persolvam D. Picques ;
malè sit male feriatis istis istis militibus, qui Franconiam vestram
tam miserè devastarunt, Turcis ipsis nec mitioribus nec
melioribus. Domini Felwingeri Epistolam accepi cui respondebo.
D. Richterum saluto. Phil. Caroli bibliothecam Romanam
typis editam postulabam : quod si talis non prostet, nihil amplius
requiro. De Ms. tribus quæ nobis offeruntur à Cl. Richtero,
gratias ago, nisi typis mandata prostint : nemini enim volo
esse incommodus, ideòque malo minùs esse curiosus. d
De monito
tuo in gratiam D. Felwing. gratias habeo : de quo agam cum
D. Picques, et ad Te scribam, ut negotium perficiatur eodem ipso modo
quem indicasti. Hîc ab omnibus, nocturnis horis conspectus fuit
cometes, qui majorem nobis felicitatem non protendit quàm
tot alij, qui antehac apparuerunt : nihilominus tamen, meteora
ista hihil me terrent, nequidem stellæ : quoniam sapienter
dictum est, à signis cæli nolite metuere : satis multa damna
quotidie experimur, nec opus est novis sideribus, ut ea intelligamus
aut sentiamus. Hîc agitur de atroci bello imminente inter Anglos
et Batavos, nisi furores illos plusquam bellicos interventu et authoritate sua compescat Rex noster christianissimus,
qui et alia multa non minoris momenti futura meditatur : quæ utinam illi ex voto succedant, ut misera nostra
Gallia, ab annis plusquam 46.
40. tam miserè et tam infeliciter attrita, aliquo modo lenetur, et tandem
recreatur atque convalescat.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, sans date (janvier 1665)

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(Consulté le 26/04/2024)

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