L. latine 384.  >
À Sebastian Scheffer,
le 17 décembre 1665

[Ms BIU Santé no 2007, fo 201 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Sebastian Scheffer, docteur en médecine, à Francfort.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je vous ai récemment écrit, ce 4e de décembre, vous envoyant la réponse de votre parent, [2] ma double lettre pour vous et une autre pour M. Horst ; [3] je souhaite que vous les ayez toutes bien reçues. [1] Je voudrais savoir si vous en avez payé le port, car un marchand m’avait promis qu’il ferait en sorte que mon courrier vous soit remis sûrement, rapidement et sans frais. Pour les suivantes, comptez sur Sebastian Switzer, [4] le commissionnaire, dont j’apprends qu’il viendra prochainement à Paris pour affaire.

[Ms BIU Santé no 2007, fo 201 vo | LAT | IMG] Les ambassadeurs que notre roi a envoyés à Londres, pour accommoder le conflit entre les Anglais et les Hollandais, n’ont rien obtenu et sont de retour en France ; mais bien des rumeurs courent ici sur la guerre qu’on entreprendra bientôt contre les Anglais, dont j’espère qu’elle n’arrivera jamais. [2][5][6] Je vous confie ma lettre à M. Lotich, [7] qui est vraiment un homme éminent et remarquable. Je souhaite qu’il trouve chez vous un imprimeur qui entreprenne l’édition de son fort beau Pétrone ; [8] son très érudit commentaire aura certainement de nombreux acheteurs dans le vaste monde des lettres. [3] L’édition du livre de Caspar Hofmann de Medicamentis officinalibus n’a-t-elle pas commencé ? [9] Que doit-on espérer de celle de ses autres ouvrages, j’entends ses traités de Humoribus et de Spiritibus ? [10] Comment votre épouse et votre petit garçon se portent-ils ? [11] Je les salue tous deux, embrassez-les, s’il vous plaît, de ma part. Puisse-t-elle devenir mère de nombreux fils, puisse-t-il croître et embellir longtemps, et, issu d’excellents ancêtres, atteindre les années de Nestor ! [12] Je dirai avec le poète et ferai le vœu que Manlia perpetuo numeretur Consule proles[4][13][14] Votre parent m’a récemment remis une lettre à vous faire parvenir, et m’a dit qu’il quittera Paris dans quelques jours et s’en ira en Normandie. Vous y trouverez aussi un billet de mon deuxième fils, Charles, [15] vous prendrez soin de sa requête à votre commodité. Bien des rumeurs courent ici dans le petit peuple, et même chez les grands et tous les riches, sur le prix de l’or et de l’argent, car on dit que notre roi médite de le modifier ; ce dont les plus opulents, qui possèdent de l’or comptant, tirent toujours quelque profit. [5][16] Beaucoup de gens espèrent que nous n’aurons aucune guerre avec les Anglais, ce qui est probable à ce qu’il paraît. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, le 17e de décembre 1665.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Sebastian Scheffer, ms BIU Santé no 2007, fo 201 ro et vo.

1.

V. note [1], lettre latine 377, pour Martin Praungard, le probable parent de l’épouse de Sebastian Scheffer qui séjournait à Paris et répondait à un de ses courriers. La double lettre latine de Patin à Scheffer est celle du 4 décembre, et sa dernière à Johann Daniel Horst est celle du 26 novembre 1665.

2.

Sans parler de l’échec de cette négociation, la Gazette (ordinaire no 153 du 26 décembre 1665, page 1254) s’est contentée de cette dépêche datée de Londres, le 14 décembre :

« Le 10 de ce mois, les ambassadeurs de France, après avoir pris congé du roi de la Grande-Bretagne, partirent d’Oxford pour aller à Douvres s’embarquer sur une pinasse {a} que Sa Majesté Britannique leur a donnée pour passer la mer, avec d’autres vaisseaux pour leur train ; ayant été conduits par le chevalier Charles Cotterel, maître des cérémonies, et accompagnés par un gentilhomme jusques au lieu de leur embarquement. »


  1. « Petit bâtiment à poupe carrée, long, étroit et léger, qui va à voiles et à rames, et qui porte trois mâts. Il est léger à la course et est propre à faire des découvertes, des débarquements de troupes ; et son nom vient de ce qu’on a bâti les premiers avec des arbres de pin. On le met au rang des frégates et des brigantins » (Furetière).

La France avait nettement pris parti pour les Hollandais et entra en guerre contre les Anglais le 26 janvier 1666.

3.

Guy Patin joignait à celle-ci sa lettre à Johann Peter Lotich, datée du même jour que la présente ; il en avait consacré la plus grande partie à le réconforter et conseiller pour les difficultés qu’il rencontrait à faire publier ses livres, dont le Satyricon de Pétrone (Francfort, 1629, v. note [83], lettre 150) que nul ne voulait et n’a jamais voulu rééditer, car il y manquait les fragment nouvellement découverts, publiés en 1664 (v. note [11], lettre 792).

4.

« la descendance de Manlius se comptera pour un consulat perpétuel » (Claudien, v. note [22], lettre 822).

V. note [14], lettre 150, pour les Opuscula medica [Opuscules médicaux] de Caspar Hofmann (Francfort, 1667, par les soins de Sebastian Scheffer), qui allaient contenir la seconde édition de son livre « des Médicaments officinaux » ; son traité « des Humeurs » n’a jamais vu le jour.

5.

V. notes [6], lettre 850, pour l’édit royal portant la baisse du taux d’intérêt et la dévaluation proportionnelle (10 pour cent) de la livre tournois : une aubaine pour qui possédait du métal (or ou argent), mais une baisse de capital pour qui n’avait que des rentes (comptées en livres).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 201 ro.

Clar. Viro D. Seb. Scheffero, Med. Doctori, Francofurtum.

Nuper ad Te scripsi, Vir Cl. misique responsum Cognati tui, cum Epistola
mea duplici, et altera ad D. Horstium, nempe 4. Dec. quæ utinam omnia acce-
peris : scire velim, an pro ijs aliquod vecturæ pretium persolveris : hoc enim
mihi pollicitus fuerat quidam Mercator, se effecturum ut Tibi tutò, citò, et
absque mercede, redderetur Tibi meus iste fasciculus. Cogita de Seb.
Switzero,
Mercatore, quem audio proximè venturum Parisijs, mercimonij
causâ.

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 201 vo.

Legati nostri à Rege missi Londinum, pro componendis difficultatib.
inter Anglos et Batavos subortis, re infecta reversi sunt, et sunt in
Gallia : sed multus hîc rumor pervagatur de bello à nobis quamprimum
in Anglos suscipiendo : quod utinam numquam contingat. Fidei tuæ commendo
epistolam meam ad D. Lotichium, virum sanè egregium atque eximium :
qui utinam apud vos invenireat aliquem Typographum, qui pulcherrimi
Operis sui Petroniani editionem susciperetiat : certè doctissimus iste Com-
mentarius toto Orbe literato, multos habebit emptores. Estne in-
choata Editio libri Cl. Hofmanni, de Medicamentis Officinalibus ? De aliorum
Editione quid sperandum ? de Humorib. et Spiritibus intelligo. Quî valent
uxor et filiolus ? utrumque saluto : et pro me sodes utrique osculum
porrige : vivat illa multorum filiorum parens : crescat Ille, ac in
multos annos adolescat, et ex Maioribus optimis ortus, ad Nestoris annos perveniat.
Dicam et vovebo cum Poeta, Manlia perpetuo numeretur Consule proles.
Cognatus tuus nuper mihi detulit Epistolam ad Te perferendam : dixitque
se cis paucos dies Lutetiam relicturum, et in Normaniam abiturum. Hîc
quoque reperies schedulam Filij mei 2. Caroli, de qua videbis tuo
commodo. Multus hîc est rumor apud plebeculam, imò et apud Magna-
tes ac opulentes omnes, de pretio auri et argenti, cujus immutationem aliquam
dicitur Rex noster meditari, ex qua semper aliquid decedit ditioribus,
et qui præsentaneum aurum possident. Multi sperant nullum nobis futurum
bellum cum Anglis, quod est probabile, ex ijs quæ apparent. Vale, Vir Cl. et
me ama. Parisijs, 17. Dec. 1665.
Tuus ex animo, Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Sebastian Scheffer, le 17 décembre 1665

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(Consulté le 26/04/2024)

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