Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4
Note [45]
Guillaume Postel (Barenton, près d’Avranches 1510-Paris 1581), érudit polyglotte ésotérique, possédait, entre maints autres, le titre de bachelier en médecine. Il avait entamé un noviciat chez les jésuites de Rome en mars 1544, mais Ignace de Loyola l’avait congédié en décembre 1545 à cause de son indiscipline. « Il incarna l’esprit de la Cabale philosophique de la Renaissance, et s’en servit pour créer un système personnel conciliant le christianisme, le judaïsme et la philosophie arabe » (Alexandrian, page 114). Postel a passé le plus clair de sa vie à voyager au Proche-Orient et en Europe, et à écrire quantité de livres emplis de ses rêveries. Nicéron lui a consacré un volumineux article (tome viii, pages 295‑356).
De 1535 à 1581, Postel a été titulaire de la chaire royale de mathématiques du Collège de France, (Claude-Pierre Goujet, tome second, pages 14‑20, v. note [3] du Manuscrit 2007 de la Bibliothèque interuniversitaire de santé).
Les Très merveilleuses Victoires des femmes du nouveau monde, et comme elles doivent à tout le monde par raison commander, et même à ceux qui auront la monarchie du monde vieil. À Madame Marguerite de France. À la fin est ajoutée La Doctrine du Siècle doré, ou l’évangélique Règne de Jésus, Roi des Rois {a} sont l’un des plus fameux ouvrages de Postel. La dédicataire de ce livre consacré à la Mère Jeanne est la duchesse de Berry (1492-1549), sœur du roi François ier, diplomate et femme de lettres. Postel introduit sa « Grand-Mère Jeanne » dans le chapitre v, Particulières Histoires des Sages-Femmes (pages 16‑18) :
« Mais sur toutes les créatures qui onc {b} furent, qui sont, ou qui seront, a été en cette vie admirable la très sainte Mère Johanna, qui est Ève nouvelle, laquelle par 30 ans ou environ a été en continuelle méditation spirituelle et mentale ; et quasi autant de temps à ministrer aux pauvres malades à l’hôpital, ayant cure de femmes et d’hommes malades, de filles et enfants orphelins ; de laquelle j’ai vu choses si miraculeuses et si grandes qu’elles excèdent tous les miracles passés, sauf ceux d’Adam nouveau, Jésus, mon père et son époux. Son exercice a principalement été à Venise lès Saints-Jean-et-Paul, {c} et auparavant à Padoue. Et quant à parler du savoir féminin, si très grand et éminent était en elle. Quant aux choses divines, avec toutes les doctrines secrètes, et depuis plus de trois mille ans cachées et propres des 72 auditeurs de Moïse, à tous les Latins du tout inconnues, et en livres écrits en hébreu compris, icelle, qui n’apprit onc {a} le latin, ni grec, ni hébreu, ni autre langue ou lecture, me savait tellement ouvrir et déclarer quand je tournais le Zohar, livre très difficile et contenant l’ancienne Doctrine évangélique {d} en latin, qu’il n’y avait lieu {e} que, quelquefois dix jours devant que je trouvasse, elle ne m’eût clairement exposé ; et pour montrer assurément que c’était non pas elle seule, mais l’esprit de Jésus mon père qui en icelle parlait, disait ainsi, il signore dice cossi. {f} Ainsi, outre qu’elle me révéla innumérables secrets des Écritures, elle me prédit aussi choses principalement touchant la destruction du règne de Satan et de la restitution de celui de Christ qui doivent advenir, et entre les autres, que je devais être son fils aîné ; ce que, à la vérité, je n’ai jamais entendu ni cru jusqu’à ce que, sensiblement, sa substance et corps spirituel, deux ans depuis son ascension au Ciel, est descendu en moi, et par tout mon corps sensiblement étendu, tellement que c’est elle, et non pas moi, qui vit en moi. Il est pour tout certain que de la substance de son esprit est au Ciel décrété et déterminé, que tous les hommes qui jamais furent, par la corruption de l’Ève vieille, corrompus, occis et contre Dieu forgés, étant plutôt damnés que nés, seront restitués et remis en leur entier, comme moi, selon les raisons qui après se verront aux sacrées conclusions. {g} Car il faut qu’à tous Jésus soit Père mental et Jeanne, Mère spirituelle, Adam nouveau et Ève nouvelle, deux en une spirituelle chair. »
- Paris, Jean Ruelle, 1553, in‑fo ; avec réimpression au xviiie s. de l’édition originale de Paris, Jean Gueullart, 1553, in‑8o de 92 pages.
- Jamais.
- Près de la basilique San Zanipolo.
- Le Sefer ha-Zohar, écrit rabbinique rédigé en araméen au début de l’ère chrétienne ou au Moyen-Âge, est le maître ouvrage de la Cabale (v. note [27] du Borboniana 1 manuscrit), commentaire ésotérique du Pentateuque (Ancien Testament ou « ancienne Doctrine évangélique »).
- Passage.
- « voilà ce que dit le Seigneur. »
- Le livre se termine (pages 89‑92) sur les six Articles de l’éternelle raison, pour lesquels soutenir, et faire entendre et pratiquer, comme tous hommes devraient être morts, aussi faut que d’ores en avant un chacun mette les biens, la vie et l’honneur.
V. notes [2], lettre 305, pour le livre que le R.P. Théophie Raynaud a consacré à cette affaire (Lyon, 1653), et [11] du Borboniana 6 manuscrit pour l’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou sur Postel.
V. note [21], lettre 146, pour le Familier éclaircissement (Amsterdam, 1647) de David Blondel qui a battu en brèche l’existence de la papesse Jeanne, à tenir pour un conte inventé par Platina (Barthélemy Sacchi) au xve s., puis exploité à l’envi par les antipapistes (v. infra note [46] pour de copieux compléments sur le sujet). Le même Blondel a plus tard publié De Ioanna papissa [Sur la papesse Jeanne] (Amsterdam 1657, v. note [15], lettre 546).
V. notes [14] (citation 2) du Patiniana I‑1 pour le seul avis (favorable) connu (imprimé) de Saumaise sur la papesse Jeanne, dans ses livres de Primatu Papæ [sur la Primauté du pape], publiés à Leyde en 1645 (v. note [6], lettre 62), et [11], lettre 415 pour une lettre de Claude Sarrau à Saumaise le dissuadant de revenir sur ce sujet fort scabreux.
Un avis de Joseph Scaliger sur la papesse Jeanne se lit dans le Secunda Scaligerana (page 397) :
Joannis viii. Fœminæ Papæ historiam illam a Platina descriptam veram esse non putat : vocem fœminæ facile dignosci quantumvis virilem et masculam.[Jean viii. Il ne croit pas que cette histoire d’une femme pape écrite par Platina soit vraie : la voix d’une femme se distingue fort aisément d’une voix virile et masculine].
Blondel, Saumaise et Scaliger étaient calvinistes : les huguenots n’étaient donc pas unanimes sur cette fable.