L. 1003.  >
À André Falconet,
le 23 juillet 1671

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 23 juillet 1671

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1003

(Consulté le 19/04/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Je vous ai écrit environ le 12e de juin et je vous mandais comme j’avais vu M. Meyssonnier, [2] qui est venu ici pour un procès qu’il a à la Grand’Chambre à cause d’un bénéfice qu’il poursuit ; sur quoi je vous dirai que l’auteur François [3] a dit à propos sur ce sujet Chance pour le demandeur, chance aussi pour le défendeur[1] M. de Harlay, [4] ancien procureur général du Parlement, est mort le 7e de juin âgé de 64 ans, d’un abcès dans le mésentère. [5][6] Il avait auparavant été taillé [7] pour la pierre dans la vessie. Il laisse son fils [8] à sa place, qui est gendre de M. le premier président[9] habile homme, de grand sens, fort exact, sévère, mais un peu trop mélancolique. [2][10]

Les Hollandais ont tâché d’obtenir du roi [11] par leur ambassadeur, [12] qui est le fils de M. Grotius, [13] le premier homme de son siècle, [3] la liberté et le rétablissement du commerce ; mais ils n’ont pas pu encore en venir à bout et je crois qu’à la fin, ils se repentiront de ne s’être pas tenus aux bonnes grâces du roi ; mais qui dit Hollandais dit glorieux, et puis ils sont huguenots [14] et républicains. Ils ont réussi en leur révolte contre le roi d’Espagne et sont gens de mer, qui sont des causes de leur superbe ; aussi dit-on qu’ils sont extrêmement riches et très puissants sur mer, et non sur la terre.

La diversité des études de Charles Patin [15] me console en quelque façon de son absence, mais les malices de son frère aîné Robert Patin [16] me confondent. Cet ingrat m’a trompé méchamment et même en mourant, ce que je n’eusse jamais pensé d’un fils aîné à qui je me fiais entièrement. Sa veuve [17] en tire ses avantages et fait tout ce qu’elle peut pour ruiner notre famille à son profit. [4][18] Le fils de M. Spon [19] parle de son retour bientôt, c’est un honnête homme, il vous portera de nos thèses. [20]

Monsieur le premier médecin [21] est à Saint-Germain [22] près de M. le duc d’Anjou [23][24] qui est malade d’une fièvre hectique [25] et en danger de devenir tabide [26] par une trop grande sécheresse des entrailles, et particulièrement du poumon. [5] C’est la phthoê des anciens Athéniens, [6] une phtisie [27] sèche et la maladie de consomption [28] des Anglais, que quelqu’un a appelée fort à propos le fléau de l’Angleterre. M. le chancelier[29] âgé de 84 ans, est encore en vie et se porte bien, mais je pense que ce n’est qu’un beau jour d’hiver qui n’a plus guère d’assurance et de force.

On parle à la cour de rappeler mon Carolus. Il y a beaucoup de gens de bien qui l’aiment ; mais un ou deux qui le haïssent, sans même qu’on sache pourquoi, lui ont fait plus de mal que ses amis ne lui peuvent faire de bien. Je sais de bonne part que M. de C. a voulu avoir ses manuscrits, mais il aime mieux demeurer dans son exil que de donner la gloire de son travail à un autre. Il a trouvé moyen d’achever l’Histoire des médailles des empereurs romains[7] Le livre est beau, mais ne doutez pas que ses ennemis n’en disent du mal. Il l’a dédié à l’empereur, [30] auquel il m’écrit qu’il a des obligations insignes pour les honneurs et le bien qu’il lui a faits.

On parle ici d’un grand embrasement de l’Escurial en Espagne, [31] où l’on dit qu’il y a bien de la perte, et même une bibliothèque [32] où il y avait quantité de manuscrits grecs, hébreux et arabes, et autres orientaux. On dit que c’est un moine qui a été cause de tout ce malheur ; cela pourrait bien être car les moines [33] ne sont que des animaux malencontreux, comme le dit Rabelais. Le duc d’Anjou est mort à Saint-Germain le 10e de juillet. [8] Dieu conserve son frère M. le Dauphin, [34] puisse-t-il devenir aussi vaillant que le bon roi Henri iv[35] son grand-père, et plus heureux que lui. Adieu.

De Paris, ce 23e de juillet 1671.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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